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Le débat sur l’efficacité de l’aide engagé au début des années 2000 a tenté d’apporter une réponse à la « fatigue de l’aide » qui a été située dans l’inefficacité des approches d’intervention des agences et autres organismes du domaine de la coopération internationale pour le développement international (Jacquemot, 2007 : 161).

Paradoxalement, les efforts de la communauté internationale et de la communauté scientifique pour l’amélioration de l’efficacité de l’aide sont concentrés sur l’amélioration des canaux de l’acheminement de l’aide par l’amélioration des mécanismes de coordination des donateurs (Jacquemot, 2007 : 161). En se concentrant uniquement autour de ce pôle, la communauté internationale et la communauté scientifique avaient choisi de se mobiliser seulement autour des préoccupations relatives à la multiplicité des agences qui provoquait la dispersion de l’aide, à la revendication des bénéficiaires pour le contrôle de l’aide suite aux échecs des politiques des « conditionnalités » des institutions financières internationales au

cours des années 1990 (Jacquemot, 2007 : 162). Pour la communauté internationale, la solution logique à de tels problèmes est de parvenir à une concertation entre donateurs pour harmoniser leurs modalités d’intervention et de gestion de l’aide. Il s’agit de définir, à défaut d’un seul objectif, des objectifs communs limités et légitimes; et d’adopter des procédures communes (Barry et Boidin, 2012 : 648-649). Ce qui revient à établir un agenda pour la coordination de l’aide publique au développement autour de deux leviers : la définition d’objectifs communs limités et l’adoption de procédures communes d’allocation et mise en œuvre de l’aide.

Déjà au cours des années 1980 et 1990 où la dispersion de l’aide projet a été dénoncée comme une source de l’inefficacité de l’aide publique au développement (APD), il y avait eu quelques tentatives de coordination des donateurs au niveau sectoriel (Bigsten, 2006 : 87). Cette modalité d’intervention encore appelée l’approche programme ou l’aide programme consistait à orienter les donateurs vers la « fongibilité » ou des formes de soutien globalisées en associant plusieurs projets autour d’une politique sectorielle ou d’une stratégie unique, en mettant l’aide financière des donateurs dans un « pot commun » pour être géré selon des modalités spécifiques et paritaires (Jacquemot, 2007 : 166). Mais très tôt, certains donateurs ont trouvé que ce mécanisme pourrait favoriser une manœuvre hégémonique de la part d’une agence de développement vis-à-vis des autres et un problème de concurrence entre donateurs (Barry et Boidin, 2012 : 648).

Ainsi, l’agenda de coordination lancé dans les années 2000 vise à maximiser l’impact de l’aide sur la réduction de la pauvreté par l’adoption des objectifs communs de développement, des critères communs de répartition de l’aide et des méthodes communes de gestion de l’aide (Barry et Boidin, 2012 : 648, 650).

En ce qui concerne l’entente sur un nombre limité d’objectifs communs, déjà avec la chute du mur de Berlin en 1989, les grandes luttes idéologiques et les positionnements stratégiques qui sous-tendaient les relations internationales et les flux de l’aide au développement ont disparu (Severino et Ray, 2011 : 8-9). L’APD vise désormais plus l’amélioration des conditions des populations des pays pauvres

que les positionnements géostratégiques. Cette vision a été portée en premier lieu par la Banque mondiale et le Fonds monétaire international (FMI) à travers un nouveau mécanisme appelé « facilité pour la réduction de la pauvreté et pour la croissance (FRPC) » lancé en 1999 qui conditionnait la remise de dettes et l’octroi de l’aide financière aux Pays Pauvres Très Endettés (PPTE) par l’élaboration de leur propre programme ou document de stratégie de croissance et de réduction de la pauvreté (DSCRP). Ce mécanisme visait à mieux coordonner les donateurs et à les aligner sur le financement des besoins réels des pays bénéficiaires (Bigsten, 2006 : 88). Cette vision de l’amélioration des mécanismes d’acheminement de l’aide a été aussi portée par l’ONU à travers l’adoption des Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD) tirés de la Déclaration du millénaire des Nations unies signée en septembre 2000 au sommet des Nations Unies à New York (États-Unis) par 189 États membres. Une adoption qui a marqué le retour de cette vision au premier plan dans le débat sur le développement mené notamment par les institutions de Bretton Woods (Fonds monétaire international et Banque mondiale) (Lapeyre, 2006). Il faut noter que les OMD ont été une réponse à la suite de la prise de conscience de la communauté internationale de la nécessité de mettre les bénéficiaires même au cœur du processus de formulation des politiques de développement. Une réponse qui intervient à l’issue d’un long processus de concertation entre le système des Nations unies, les institutions de Bretton Woods, la communauté des donateurs en général et les pays bénéficiaires de l’aide (Lapeyre, 2006 : 1-2). Cette réponse constitue un engagement de la communauté internationale à améliorer le bien-être de l'Homme (hommes, femmes et enfants) à l’horizon 2015 à travers huit objectifs, à savoir : la réduction de l’extrême pauvreté et la faim ; l’amélioration de l'accès à l'enseignement ou l'éducation; l’élimination de la discrimination entre les sexes ; la réduction de la mortalité infantile ; l’amélioration de la santé maternelle ; la lutte contre les maladies endémiques, notamment le SIDA ; le développement durable et enfin le renforcement des partenariats à l'échelle mondiale. La concertation entre le système des Nations Unies, les institutions de Bretton Woods a permis de rendre le document stratégique de réduction de la pauvreté (DSRP) en un vecteur de la réalisation des OMD dans les pays en voie de développement, en un cadre pour une meilleure coordination de

l’aide publique au développement (Lapeyre, 2006 :7).

S’agissant de la définition de critères communs d’allocation de l’aide publique au développement dans le cadre de la mise en œuvre des OMD, elle répondait à la fois aux préoccupations de coordination et d’allocation optimale de l’aide par les donateurs pour maximiser l’impact de l’aide sur la réduction de la pauvreté. Déjà, Burnside et Dollar (1997) montraient à partir des régressions de croissance de panel pour 56 pays en développement sur six périodes de quatre ans (1970-1993) que l'aide a un impact positif sur la croissance dans les pays en développement ayant de bonnes politiques fiscales, monétaires et commerciales. Une vision soutenue par la Banque mondiale à travers son rapport "Assessing Aid 1998" dont l’objectif était de relancer le débat sur l’efficacité de l’aide à cette époque où l’APD traversait une crise de légitimité sans précédent (Amprou et Chauvet, 2007 : 16). L’une des préoccupations de la communauté internationale est relative à l’allocation optimale de l’aide pour maximiser son impact. Elle se formule suit : en fonction de quels critères les pays donateurs doivent-ils allouer leur aide s’ils veulent avoir un effet maximum sur la réduction de la pauvreté dans le cadre de la mise en œuvre des OMD ? (Amprou et Chauvet, 2007). Par rapport à cette préoccupation, Collier et Dollar (2002 : 1478) se sont donnés pour objectif de développer un modèle de régression linéaire qui se reposait sur deux hypothèses validées dans des études antérieures. La première hypothèse supposait que l’aide publique au développement à un impact positif sur la croissance économique des pays en développement ayant de bonne politique économique et de gouvernance publique (Burnside et Dollor, 2000 : 847). La deuxième hypothèse exprimait l’idée selon laquelle l'efficacité marginale de l'aide en termes d'augmentation du revenu moyen par habitant de la société dépend de la qualité des politiques publiques et du montant de l'aide qu’un pays reçoit (Collier et Dollar, 2002 : 1476). Leurs travaux visent ainsi à mesurer l’effet marginal de l’aide sur la croissance et l’effet de la croissance sur la réduction de la pauvreté en vue de déterminer l’allocation optimale de l’aide qui maximiserait la réduction de la pauvreté (Amprou et Chauvet, 2004 : 52).

(2001, 2002) ont pu parvenir à pondérer des critères de performance économique et de gouvernance dans un modèle économétrique qui leur a permis d’estimer l’allocation optimale de l’aide à accorder à chaque pays annuellement pour maximiser les effets de l’aide sur la croissance économique et la réduction de la pauvreté. Ainsi, l’idée selon laquelle les pays les plus pauvres ayant une bonne politique économique et de gouvernance devraient bénéficier en priorité de l’aide publique au développement a été modélisée et a servi d’outil pour déterminer la deuxième dotation aux pays éligibles au fonds du Comité d'Aide au Développement (CAD). Mais très tôt, ce modèle a fait l’objet de vives critiques. La Banque mondiale a trouvé que malgré la pertinence du modèle économétrique de Collier et Dollar (2002), son utilisation présente un risque de faire des allocations qui pourraient contribuer à aggraver la pauvreté des populations qui se trouvent dans des pays à faible performance économique et de gouvernance, car la gouvernance économique et institutionnelle est prise en compte doublement dans le modèle et pondérée à plus de 80% (Amprou et Chauvet, 2007 : 59). Par conséquent, les pays à faible performance économique et institutionnelle bénéficieront que de faibles ressources financières dans le cadre de l’APD pour faire face à d’énormes problèmes de pauvreté. L’approche accroit « le risque que l’aide soit allouée de façon inefficace économiquement et socialement » (Roland-Holst et Tarp, 2003 : 153).

Quant à la définition de méthodes communes de mise en œuvre de l’aide, les grands rendez-vous internationaux qui ont suivi le sommet de l’Organisation des Nations Unies (ONU) de septembre 2000 en ont fait une priorité pour la concrétisation des OMD. Il s’agit notamment de la Conférence des Nations Unies de Monterrey en 2002 sur le financement du développement, du Premier Forum de haut niveau de Rome en 2003 sur l’harmonisation et l’alignement des aides co-organisé par l’OCDE et la Banque mondiale et du deuxième Forum de haut niveau de Paris en 2005 sur l’harmonisation et le renforcement de l’efficacité de l’aide (Barry et Boidin, 2012 : 649). Le Forum de Paris 2005 a marqué ainsi l’aboutissement d’un long processus participatif (entre institutions multilatérales et pays donateurs et pays bénéficiaires) de définition des fondements d'un nouveau paradigme pour l’efficacité de l'APD. Dans la déclaration de clôture du Forum dite "Déclaration de Paris", les

acteurs (institutions multilatérales, pays donateurs et pays bénéficiaires) se sont engagés sur une méthode commune de mise en œuvre de l'aide fondée sur cinq principes pour l’efficacité de l’aide. Il s’agit de l’appropriation (les stratégies et les objectifs doivent être définis par les pays bénéficiaires eux-mêmes), de l’alignement (les donateurs doivent s'aligner sur ces stratégies et objectifs), de l’harmonisation (les bailleurs doivent s'efforcer d'harmoniser leurs interventions), de la gestion axée sur les résultats plutôt que sur les moyens et de la redevabilité mutuelle (ou de la responsabilité partagée) concernant l’usage de l’aide (Contamin, Milanesi, et Montaud, 2008 : 161; Jacquemot, 2007 : 164). Dans ce nouveau paradigmemque constitue la "Déclaration de Paris", la modalité de mise en place de l’aide envisagée est l’approche budgétaire (sectorielle ou globale). Elle a pour objectif de créer une fongibilité de l’aide en transférant dans un même pot commun toutes les ressources accordées par des différents donateurs à un pays (Bergamaschi, Diabaté, et Paul, 2008). Il s’agit d’un engagement de la part des donateurs à renoncer à la modalité de l’approche projet et à opter pour une approche dite approche programme. Ce nouveau paradigme sous-tend un nouveau mode de travail plus programmatique qui implique la définition d'objectifs sectoriels de développement au plus haut niveau étroitement alignés sur les stratégies de développement nationales définies par les pays bénéficiaires eux-mêmes (McEvoy, Brady, et Munck, 2016).

Malgré cet engagement des partenaires d’adopter un nouveau paradigme de l’aide axé sur l’approche budgétaire en vue de faciliter la coordination de l’aide et de réduire les coûts de transaction de l’aide vers les pays bénéficiaires, le principe de fongibilité qui caractérise cette approche soulève toujours des réticences notamment de la part des pays donateurs (partenaires bilatéraux) plus précisément de leurs agences d’exécution qui tiennent chacune à la visibilité de leur intervention. En effet, l’approche budgétaire (sectorielle ou globale) présente l’inconvénient d’une moins grande « visibilité », puisque les fonds une fois versés dans un pot commun ne sont plus identifiables. Par contre, l’aide projet permet aux donateurs de rendre visible leur contribution par des réalisations de projets précis pour des communautés dont les résultats pourraient être évalués (Cling et al., 2005 : 32). Ainsi, pour certaines agences d’exécution de l’aide bilatérale, l’approche budgétaire ne leur facilite pas la

justification de l’aide auprès des parlementaires et des contribuables de leur pays (Jacquemot, 2007 : 178). Cette réticence justifie la persistance de l’aide projet et par conséquent de l’approche projet dans la gestion de l’aide publique au développement. Il faut aussi remarquer qu’en dehors de l’aide budgétaire globale, l’aide budgétaire sectorielle (appui sectoriel) destinée au financement des politiques et stratégies sectorielles s’opérationnalise généralement à travers des projets. Ainsi, quelle que soit l’approche (approche projet ou approche programme sectorielle), les projets ont été toujours adoptés comme un outil de mise en œuvre des politiques et stratégies de développement (Ika, 2012 : 28).

Il apparaît dans ce bref aperçu du débat sur l’efficacité de l’aide publique au développement (APD) que l’amélioration de l’approche de mise en place de l’aide par des projets a été peu perçue par les acteurs du développement international comme un enjeu pour l’efficacité de l’APD. Tous les efforts d’amélioration de l’efficacité de l’APD par la communauté internationale sont plus concentrés sur l’amélioration des mécanismes de la coordination de canaux d’acheminement de l’aide et l’appropriation de l’aide par les pays bénéficiaires au niveau macro (politiques et stratégies nationales de développement). Cela, au détriment de la perspective microéconomique de la problématique de l’efficacité de l’aide. Pourtant, au-delà des problèmes de coordination des mécanismes de l’acheminement de l’APD, la complexité du changement social et économique souhaité pour les bénéficiaires, la spécificité du contexte dans lequel l’APD est mise en place constituent tant de réalités qui n’admettent pas l’application de modèle générique de développement (Jacquemot, 2007 : 187-188). Dans une perspective microéconomique, l’étude l’efficacité de l’APD s’intéresse à avoir une meilleure compréhension du contexte socio- économique dans lequel s’inscrit l’aide afin de mieux apprécier ses effets réels sur les projets qu’elle finance et les impacts de ces derniers sur les bénéficiaires (Jacquemot, 2007). Par conséquent, améliorer l’efficacité dans l’acheminement de l’aide ne saurait suffire en soi pour assurer l’efficacité de l’action de développement. Ainsi, la perspective microéconomique semble être une perspective complémentaire à la perspective macroéconomique pour des contributions significatives à l’efficacité de l’aide. La pertinence de cette perspective se justifie surtout lorsqu’on perçoit qu’il est

plus difficile, voire impossible, d’identifier l’impact direct de l’APD au niveau macroéconomique contrairement au niveau microéconomie où il est possible d’apprécier le changement de condition de vie des bénéficiaires (Roland-Holst et Tarp, 2003 : 158).

De plus, unanimement les institutions multilatérales, les pays donateurs et les pays bénéficiaires reconnaissent que pour l’efficacité de l’aide, il faut s’appuyer à la fois sur cinq principes de la Déclaration de Paris que sont l’appropriation, l’alignement, l’harmonisation, la gestion axée sur les résultats de l’aide et la responsabilité mutuelle. Par conséquent, l’efficacité de l’aide ne concerne plus seulement l’amélioration des mécanismes de l’acheminement de l’aide, mais aussi la façon dont cette aide est mise en place et gérée (Kharas, Makino, et Jung, 2011 dans McEvoy, Brady, et Munck, 2016 : 529). Mais, les limites des capacités aux niveaux individuel, organisationnel et national dans les pays bénéficiaires ne permettent pas toujours l’application convenable de ces principes surtout en ce qui concerne l’appropriation l’aide par les pays bénéficiaires, la gestion axée sur les résultats et la responsabilité mutuelle de l’aide (McEvoy et al., 2016). En Afrique par exemple, les gouvernements et les organisations nationales disposent de capacités limitées de gestion de projet qui s’illustrent entre autres par le manque de personnel qualifié pour la réalisation des projets de DI (Ika, 2012 : 34). Le manque de personnel qualifié pour la réalisation des projets de DI suppose également un manque de compétences pour le développement de capacités dans l’action par l’équipe de projet au cours de la réalisation des qui influence le succès des projets comme avaient appréhendé certains praticiens de projet (deuxième point de vue issu de l’exploration). Le « développement de capacité » est compris ici au sens d’un processus endogène qui construit le capital social et la confiance, qui développe les connaissances, les compétences et les aptitudes par l'apprentissage individuel et organisationnel (McEvoy et al., 2016).

1.5 Amélioration de l’approche projet classique : un enjeu majeur pour