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Malgré la proportion élevée des projets qui n’atteignent pas les résultats attendus dans tous les secteurs d’activités, le recours à l’approche projet en tant que mode de gestion pour réaliser des objectifs stratégiques demeure l’approche privilégiée des organisations. La gestion en mode projet demeure un modèle dominant dans de nombreuses organisations pour la mise en œuvre de leurs objectifs stratégiques. De nombreuses initiatives ou activités dans les organisations telles que le renouvellement d’infrastructures, la régénération urbaine et le développement communautaire sont concrétisés à travers des projets (Winter et al., 2006 : 638). Turner et al. (2013) soulignaient que le management par projet apporte une valeur tangible aux organisations. Ces deux auteurs ont illustré qu’en 2013, plus de 20% de l'activité économique mondiale ont été réalisées en tant que projets; dans certaines économies émergentes, la proportion dépassait les 30% comme en Inde (39%) et en Chine (43%). Une tendance approuvée par des données de la Banque mondiale (2008) : 22% des 55000 milliards de dollars du produit intérieur brut (PIB) mondial sont constitués de formation brute de capital fixe (investissements) presque entièrement basée sur des projets (Turner et al., 2013).

Dans le domaine du développement international (DI), malgré l’engagement des donateurs de s’inscrire dans le nouveau paradigme de l’aide (Déclaration de Paris) axé sur l’approche budgétaire pour l’efficacité de l’APD, l’ « approche projet » demeure le mode privilégié de l’opérationnalisation des politiques et des stratégies de développement des pays en voie de développement (Jacquemot, 2007; Ika, Diallo, et Thuillier, 2012).

Face à ce dilemme entre l'aide projet (approche projet) et l'aide programme (approche budgétaire globale ou sectorielle), il est à noter que dans l’histoire de l’aide publique au développement (APD) au cours de ces cinquante dernières années, la primauté a été donnée à l’ « aide projet » et même si celle-ci a tendance à décroître au profit de l’approche programme, elle demeure majoritaire (Dordain et Mogenet, 2012 : 15). Ainsi, malgré les critiques formulées à l’encontre de l’approche projet pour

justifier le recours à l’approche de l’aide budgétaire depuis le milieu des années 90, les projets d’investissement public pour les communautés à la base demeurent l’un des outils privilégiés de la mise en place de l’APD constituée de prêts et de dons (Ika et Lytvynov, 2011 : 87). Pourtant l’approche projet en tant qu’approche de gestion ou de concrétisation des politiques et des plans de développement reste peu questionnée par les acteurs et la recherche. En questionnant l’approche projet en tant que mode de gestion de l’aide comme l’ont été les canaux de l’acheminement de l’aide, la recherche aurait également apporté de nouvelles connaissances pouvant enrichir l’approche classique de gestion des projets de développement et contribuer ainsi à l’efficacité de l’APD dans une perspective micro-économique. En d’autres termes, il s’agit d’appréhender aussi la problématique de l’efficacité de l’aide publique au développement à travers l’amélioration des approches classiques de gestion de projets.

CONCLUSION

La problématique de l’efficacité de l’aide publique au développement (APD) est ainsi abordée suivant deux pôles. Un premier pôle autour duquel nous pouvons regrouper les acteurs de la gestion du développement international (DI) et les chercheurs qui abordent l’efficacité de l’APD en mettant l’accent sur l’efficacité des canaux de l’acheminement de l’aide, de la coordination des nombreux donateurs et de l’appropriation de l’aide par les pays bénéficiaires. Un deuxième pôle qui regroupe ceux qui abordent l’efficacité de l’APD en mettant l’accent sur la compréhension du contexte socio-économique dans lequel s’exécute l’aide et ses effets sur l’efficacité de l’aide (Jacquemot, 2007 : 161 -162).

Le premier pôle a bénéficié plus de contributions au détriment du second pôle (Jacquemot, 2007 : 161). Les contributions les plus significatives de la communauté internationale à l’amélioration des mécanismes de l’acheminement de l’aide peuvent se résumer à la définition des Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD) en 2000 et à la « Déclaration de Paris » sur l’efficacité de l’aide au développement en 2005. Cette dernière se repose sur cinq principes pour la mise en œuvre de l’aide. Il s’git des principes de l’harmonisation des procédures entre les donateurs, de l’alignement des objectifs des donateurs sur les politiques nationales des pays des récipiendaires de l’aide, de l’appropriation de l’aide par les pays bénéficiaires, de la gestion axée sur les résultats de l’aide, de « redevabilité » mutuelle en ce qui concerne l’utilisation de l’aide (Jacquemot, 2007 : 164). Pourtant, l’amélioration des mécanismes de l’acheminement de l’aide ne saurait suffire à elle seule comme une stratégie pour influer réellement l’efficacité de l’aide au développement (Jacquemot, 2007 : 188). Comme l’a souligné Lancaster (1999), les débats sur la problématique de l’efficacité d’APD pourront être situés autour de deux questions fondamentales : L’aide pour la promotion du développement à-t-elle été efficace ? Les projets et programmes de développement financés par l’APD ont-ils été efficaces et durables ? La deuxième question soulève l’enjeu du succès des projets de DI dans l’efficacité de l’APD. C’est le succès des projets financés par l'APD qui va assurer le progrès socio- économique dans les pays bénéficiaires et par conséquent l'efficacité de l’aide (Khang

CHAPITRE 2

DÉVELOPPEMENT DE CAPACITÉS DANS L’ACTION POUR UNE EFFICACITÉ ORGANISATIONNELLE : UN NOUVEL ENJEU D’AMÉLIORATION DE LA PERFORMANCE DES PROJETS DE

DÉVELOPPEMENT INTERNATIONAL

INTRODUCTION

Dans un contexte d'évaluation (ex ante, périodique ou ex post) pour apprécier les résultats attendus ou atteints d’une action, les organisations (permanentes ou temporaires) font recours à la notion de performance en termes de pertinence, d’efficience ou d’efficacité. Selon Lorino (1999), le point de vue économique (optimisation des ressources) de la notion de performance est le plus dominant et fait souvent référence à la mesure du rapport entre la valeur produite (besoins sociaux satisfaits) et les ressources consommées par les activités réalisées (efficience). Ce qui justifie qu’en arrière-plan de la notion de performance se trouve toujours le couple « valeur-coût » ou « efficacité-efficience ».

Dans le domaine de gestion des projets, la notion la performance recouvre également des concepts aussi divers que variés tels que l’efficience, l’efficacité et d’autres critères de performance. En ce qui concerne particulièrement la gestion des projets de développement international (DI), la mesure de la performance des projets de développement s’exprime généralement à travers cinq critères de performance définis par le Comite d’aide au développement (CAD) de l’OCDE. Il s’agit des critères de la pertinence, de l’efficience, de l’efficacité, de l’impact et de la viabilité des projets (Ika et al., 2010). Il y a souvent la confusion entre la performance de la gestion du projet liée au contrôle du respect des délais, du coût et de la qualité (efficience) et le succès du projet qui fait référence à la satisfaction des bénéficiaires ou autres parties prenantes (Ika, 2009). Que l’on soit dans une organisation permanente ou dans un projet, il apparaît que la notion de performance est multicritère. Cette expression multicritère de la performance ne manque pas de soulever des ambiguïtés.

De plus, l’environnement dans lequel évoluent les organisations et leurs projets est de plus en plus marqué par la complexité et l’incertitude. Les modes traditionnels d'organisation et de pilotage de la performance utilisés souvent ne sont plus adaptés. Cela pourrait justifier les nombreux cas d’échec des projets dans tous les domaines d’activités (Standish, 1995; Turner, Anbari, et Bredillet, 2013; Ika, Diallo, et Thuillier, 2012). Face aux conséquences de cette complexité et de ces incertitudes sur la performance des projets, la recherche s’évertue depuis le milieu des années 1980 à identifier des facteurs qui influencent le succès des projets dans les organisations. Autour de ce pôle de recherche se constitue l’école des facteurs clés de succès (FCS) (Turner et al., 2013). Le terme « école » désigne ici une communauté de chercheurs qui étudient et développent pour les praticiens des méthodes, des outils et des techniques communs qui caractérisent leur communauté (Bredillet, 2010 : 7).

Parallèlement à l’école des FCS qui s’intéresse à la recherche sur les facteurs qui influencent la performance des projets, d’autres écoles de pensée se sont constituées telles que l’école de décision, l’école de processus, l’école de contingence. Aussi, certaines communautés de chercheurs se sont intéressées à la compréhension des dimensions de la complexité et de l’incertitude qui caractérisent le projet et son management (Baccarini, 1996; Xia et Lee, 2004; Williams, 1999; Geraldi, Maylor, et Williams, 2011). Parmi ces chercheurs, certains vont un peu plus loin en appréciant l’influence des différentes natures de la complexité sur la performance des projets (Xia et Lee, 2004). Ceux de l’ « École scandinave de gestion » et du mouvement « Critical Management Studies » ont aussi apporté des contributions significatives au renouvellement de la perspective classique de gestion de projet qui a montré ses limites.

Il apparait progressivement un élargissement du champ du management de projet avec de nouvelles perspectives de recherche, du développement de nouvelles pratiques de management de projet autre que celles relatives aux pratiques de planification et d’optimisation des ressources qui dominent depuis des décennies la gestion des projets.

L’une des deux catégories de points de vue de certains praticiens de projet dégagées à l’issue de la première exploration en milieu organisationnel suggère cet élargissement de la

perspective classique de gestion des projets dans le domaine du développement international comme un enjeu d’amélioration de la performance des projets de DI. Ainsi, ce chapitre est consacré à la définition d’une problématique sur l’amélioration de la performance des projets du développement international (DI) à partir des deux points de vue recueillis à l’étape exploratoire et de la littérature des écoles théoriques de pensée en management de projet. À l’issue du chapitre, une question de recherche est formulée et illustrée dans un cadre d’expression multicritères de la performance.

2.1 Conceptions théoriques et éléments fondamentaux de l’expression multicritère de