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Le cycle de vie des TIC et le droit applicable

Le concept de cycle de vie des TIC est complexe. Appliquer un réel contrôle juridique sur cette notion de cycle de vie est délicat en raison de la multiplicité du nombre d’acteurs. Con- cernant le cycle de vie, les gouvernements et les entreprises ont un rôle majeur à jouer dans la réglementation. Selon la professeure Corinne Gendron de l’École des sciences de la gestion de l’UQAM, qui est titulaire de la Chaire de responsabilité sociale et de développement durable « dans le cas des technologies, la conception et la fin de vie constituent des étapes cruciales », car c’est à ces étapes déterminantes que l’on déterminera respectivement les matériaux entrant dans la composition du produit et la façon d’en disposer par la suite . Comme ces deux phas128 -

es sont les plus importantes, il n’est pas étonnant que celles-ci soit les plus réglementées tant au plan européen par le biais de directives qu’au niveau mondial via notamment du droit sou- ple. Le droit qui touche à l’environnement et aux TIC est encore en formation, et les normes contraignantes ne sont pas très développées.

Le développement durable et l’environnement sont des sujets de droit international, domaine dans lequel il est habituel de recourir à la fois au droit dur et au droit souple. L’Éco-TIC n’échappe pas à cet état de fait. Il est plus aisé d’adopter des normes internationales en combi- nant ces deux types de droits. Le droit dur comprend les normes légales ou réglementaires dis- posant d’une force obligatoire. La règle obligatoire, émanant d’une autorité publique et im-

André Ouellet, « Cycle de vie des technologies: Enjeux environnementaux liés aux TI », Direction Informa

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tique, en ligne : <http://www.directioninformatique.com/cycle-de-vie-des-technologies-enjeux-environnemen-

posant une contrainte, peu importe la forme qu’elle prend, constitue le droit dur . A con129 -

trario, le droit souple se compose de normes non contraignantes. Les juristes français utilisent également les termes de « droit flou », « droit gazeux », etc. Selon Mireille Delmas-Marty, le mot a deux sens en français : « Le droit mou et droit doux, ce qui pourrait suggérer que la faib- lesse du droit, ou sa souplesse si l’on veut rester neutre, peut affecter soit la force obligatoire, soit la force contraignante. » Le droit souple, contrairement au droit dur, n’impose pas de 130

normes contraignantes. Codes de bonne conduite, recommandation de bonnes pratiques, etc. sont des exemples qui ont pour point commun de ne pas imposer d’obligations précises . 131

« Un instrument est dit de droit souple s’il a pour objet de modifier ou d’orienter les comportements de leurs destinataires en suscitant leur adhésion, s’il ne crée pas d’obligations en lui même et s’il présente un degré de formalisation et de structuration qui l’apparente aux règles de droit » . 132

Le droit souple joue désormais un rôle important dans la mise en oeuvre du droit dur. Il ac- compagne les phénomènes nouveaux qui ne sont pas encore circonscrits. Il se substitue égale- ment au droit dur « lorsque le recours à celui-ci n’est pas envisageable » . Son inconvénient 133

majeur touche à la sécurité juridique, car les destinataires du droit souple peuvent ne pas savoir « s’il s’agit de droit dur créant des droits et des obligations ou du droit souple » . 134

Cependant, le droit souple peut désormais avoir des effets juridiques.

Filippa Chatzitavrou, « L’usage du soft law dans le système juridique international et ses implications séman

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tiques et pratiques sur la notion de règle de droit », Le Portique. Revue de philosophie et de sciences humaines 2005, en ligne : <https://leportique.revues.org/591> (consulté le 22 janvier 2016).

Mireille Delmas-Marty, Les forces imaginantes du droit, Le relatif et l'universel, La couleur des idées, Seuil,

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octobre 2004, p. 182.

Conseil d’État, Etude annuelle 2013 du Conseil d’Etat - Le droit souple, 2013, en ligne : <http://www.ladoc

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umentationfrancaise.fr/rapports-publics/144000280/index.shtml> (consulté le 16 mai 2016). Id. 132 Id. 133 Id. 134

En France, le Conseil d’État, par deux arrêts rendus le 21 mars 2016, a estimé que : « le droit souple, c’est d’abord du droit » . En effet, les actes de droit souple n’étaient jusqu’alors pas 135

susceptibles de recours juridictionnels dès lors qu’ils n’ont aucun effet juridique. Le Conseil d’État vient cependant de juger que ces actes sont susceptibles de recours en annulation, et cela sous deux conditions. Tout d’abord, quand il s’agit d’avis, de recommandations, de mises en garde et de prises de position qui pourraient justifier par la suite des sanctions de la part des autorités. Ensuite, quand l’acte contesté est de nature à produire des effets notables, notam- ment de nature économique, ou lorsqu’il a pour objet d’influer de manière significative sur les comportements des personnes auxquelles il s’adresse. Avec ces deux arrêts, le Conseil d’État donne vie, au contentieux, au droit souple . 136

De nos jours, les chaînes de production globales ont aussi une importance sur les normes ju- ridiques utilisées. La chaîne de production globale « décrit la gamme complète des activités que les entreprises et les travailleurs font pour amener un produit de sa conception à son utili- sation finale et au-delà. » Ces chaînes étant divisées entre plusieurs entreprises et étant ré137 -

parties sur de larges zones géographies expliquent le terme de « chaîne de production globale ». Ainsi, la réglementation de droit dur requise dans un pays ou une région du monde aura pour effet d’imposer aux pays qui souhaitent exporter dans cette partie du globe. Par ex- emple, une obligation de recourir à des matériaux recyclés en Europe imposera cette norme à

Cons. d’Ét. (Assemblée), 21 mars 2016, Société Fairvesta International GMBH et autres, Publié au recueil

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Lebon 2016.

Cons. d’Ét. (Assemblée), 21 mars 2016, Société NC Numericable, Publié au recueil Lebon 2016.

Jean-Marc Joannès, « Le droit souple devant le Conseil d’Etat », La Gazette des Communes (30 mars 2016),

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en ligne : <http://www.lagazettedescommunes.com/435539/le-droit-souple-devant-le-conseil-detat/> (consulté le 16 mai 2016).

« Concept & Tools », globalvaluechains.org, en ligne : <https://globalvaluechains.org/concept-tools> (con

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la société chinoise qui fabriquera ce produit. En outre, une société refusant par l’intermédiaire du droit souple une norme non contraignante en matière écologique aura une image moins fa- vorable aux yeux des acheteurs. Le cycle de vie technologique ayant permis de tracer des fron- tières analytiques entre les différentes phases, on peut remarquer que l’étape ayant le plus d’impacts environnementaux est l’utilisation du produit avec la fin de vie du produit . 138

Pour ce mémoire, nous prendrons pour modèles les trois phases de l’ACV. Cette dernière tend à être harmonisée au point de vue mondial, mais est surtout rentrée dans les mœurs par les normes ISO 14040 et ISO 14046. En conséquence, nous examinerons, tout d’abord, le droit applicable à l’élaboration des TIC, à savoir à l’écoconception, l’extraction de minerais et à la fabrication des TIC. La singularité tient au fait que l’écoconception est réglementée a con- trario, c’est-à-dire à travers principalement des règles applicables au recyclage et à la fin de

vie des TIC. En effet, pour qu’il y ait moins de déchets technologiques, le recyclage et la réu- tilisation des équipements électroniques et électriques (EEE), est une réflexion à avoir en amont, donc au moment de la conception du produit technologique. Ensuite, nous traiterons du droit applicable quant à l’utilisation des TIC, notamment en se focalisant davantage sur le con- cept de la responsabilité sociétale de l’entreprise, ainsi que sur les centres de données. Enfin, nous terminerons en traitant du recyclage et de la fin de vie des TIC.

Guillaume Jouanne et Roquesalane, « L’analyse du cycle de vie d’un produit. », eduscol.education.fr (octobre

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2008), en ligne : <http://eduscol.education.fr/sti/sites/eduscol.education.fr.sti/files/ressources/techniques/543/543- 157-p20.pdf> (consulté le 18 janvier 2016).