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ISVV, Villenave d'Ornon, France,

CUIVRE ET COMMUNAUTÉ MICROBIENNE DE LA BAIE DE RAISIN

Les teneurs en cuivre dans les eaux de lavage des baies ont été déterminées pour les échantillons prélevés en 2009 et 2010. Les valeurs fluctuent entre 0,05 µg/gr de baie et 7,5 µg/gr de baie selon le millésime et le mode de conduite (Martins et al., 2012). Une corrélation négative entre niveaux de population, levures et bactéries, et concentration en cuivre des eaux de lavage des baies est mise en évidence, pour deux millésimes (2009 exemple figure 3 et 2010) indépendamment du terroir et du mode de conduite.

Figure 4 :Corrélation entre la quantité de cuivre présent sur les baies de raisin et la population cultivables sur milieu levure (LT) et bactéries (LB 1/10) pour les différents terroirs. Campagne de 2009, aux stades début maturité I et début de maturité II.

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De la même façon, nous avons réalisé une analyse de corrélation entre l’indice de diversité calculé à partir des profils métaboliques Biolog® (Lussac, 2010, mode biologique et conventionnel, stades début et mi-véraison, début maturité) et les teneurs en cuivre des eaux de lavage des baies (test de Spearman). L’analyse montre une corrélation négative très significative

(p-value< 0,0001 ; = 0,90) entre l’indice de diversité (Shannon) et les niveaux de cuivre.

Enfin, nos résultats mettent également en évidence l’impact du cuivre sur la structure de la population bactérienne déterminée par empreinte moléculaire, en termes de diversité et de richesse. L’analyse de corrélation entre l’indice de Shannon calculé avec les profils d’empreinte moléculaire (Lussac, 2009, mode biologique et conventionnel) et les teneurs en cuivre des eaux

de lavage montre une corrélation négative significative entre les deux (p-value< 0,031 ; =

0,51). Cette corrélation est également significative pour l’indice de richesse (p-value< 0,012 ;

= 0,58).

La Concentration Minimale Inhibitrice (CMI) a été déterminée pour plusieurs formulations de cuivre retrouvées dans les programmes de traitements phytosanitaires des parcelles étudiées.

Il s’agit du (CuSO4 + Ca(OH)2) ou du sulfate de cuivre (CuSO4), constituant de la bouillie

bordelaise, de l’oxyde de cuivre (Cu2O), matière active entrant dans la composition du produit

Nordox 74 WG (Nordox, AS - Oslo, Norvège), l’hydroxyde de cuivre (Cu(OH)2) matière active

entrant dans la composition du produit Champ™Flo (Nufarm, Auckland, Nouvelle Zélande). Le sulfate de cuivre, pur ou sous forme de bouillie bordelaise, a l’effet inhibiteur le plus important. Une CMI de 1 mg/mL pour 21 % des isolats, 2 mg/mL pour 71% et 4 mg/ml pour 8 % des isolats testés est obtenue pour le sulfate de cuivre comme substance active (sans excipient). En ce qui concerne la bouillie bordelaise, pour 96 % des isolats les valeurs de CMI varient entre 4 et 8 mg/L et un seul isolat dépasse la valeur de 16 mg/L. L’hydroxyde de cuivre inhibe la croissance de 48 % des individus avec des concentrations égales ou inférieures à 16 mg/ml. En revanche, l’oxyde de cuivre a les valeurs de CMI les plus élevées, avec 80 % de résistances à des concentrations supérieures à 32 mg/mL.

SYNTHÈSE

Nos travaux mettent en évidence une dynamique temporelle de la communauté microbienne à la surface de la baie de raisin. Les niveaux de population et la diversité de cette communauté augmentent à partir des stades de début véraison et début maturité en particulier aux stades de maturité avancée. Cette évolution est probablement liée au changement de la matrice baie de raisin, et notamment l’augmentation de la teneur en sucre dans les exsudats. Les populations cultivables fongiques et bactériennes se situent globalement à des niveaux équivalents, ce qui montre que ces deux communautés se maintiennent en équilibre au sein du biofilm établi à la surface de la baie.

Au cours de la maturation, l’enrichissement de cette communauté vient probablement de la propagation de nouvelles espèces par le vent, les insectes, des « splash » de pluie, ou encore la poussière de sol. D’un point de vue agronomique, les microorganismes isolés dans ce travail sont décrits comme contribuant activement à la croissance et à la santé du végétal, notamment comme agents potentiels de biocontrôle vis-à-vis du développement de pathogènes de la vigne. Ils jouent ainsi un rôle positif indirect sur la qualité de la récolte. La biodiversité de cette communauté décrite au cours de la maturation de la baie peut être qualifiée de « positive ». Le stade maturité avancé se caractérise par des niveaux de populations élevés et une biodiversité importante. Mais pour ce stade particulier, cette diversité, qui inclue des bactéries acétiques, des levures fermentaires type Brettanomyces peut se révéler « moins positive ».

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Différents facteurs environnementaux vont modifier les niveaux, la structure et la diversité de cette population microbienne. Ainsi, les zones climatiques plus fraîches et humides, favorisent le développement des micro-organismes.

Dans le contexte actuel de la réduction des intrants, l’utilisation de produits inorganiques (à base de cuivre et soufre), agréés en agriculture biologique et en agriculture raisonnée se substitue aux produits phytosanitaires de synthèse. Nos travaux mettent en évidence, pour la première fois et à l’échelle de la parcelle, l’impact négatif des résidus cupriques de la baie de raisin sur la densité, l’activité et la structure de la communauté microbienne, en particulier dans sa fraction bactérienne. Ces résultats confirment que l’usage des produits phytosanitaires cupriques doit être réfléchi, indépendamment du système de production ou du mode de conduite. Ils montrent également l’importance du choix de la formulation du cuivre, pour son impact sur la communauté bactérienne. Dans un dispositif expérimental incluant différentes modalités de traitement (fréquence, nature des substances), il reste à comparer son effet par rapport à celui de différents produits de synthèse.

Ces travaux révèlent enfin l’intérêt des plaques Biolog™ comme indicateur microbien simple et rapide à mettre en œuvre au laboratoire. A destination des praticiens, cet indicateur permet d’évaluer l’impact des pratiques viticoles sur la diversité de la communauté microbienne de la baie de raisin, par exemple dans le cas d’une reconversion en agriculture biologique.

Remerciement :les auteurs souhaitent remercier le Conseil Interprofessionnel du Vin de Bordeaux ainsi que FranceAgriMer pour leur soutien financier.

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