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Pascal Salar, Sandrine Eveillard et Xavier Foissac

I. COMPRENDRE LES ORIGINES ET LA PROPAGATION DES ÉPIDÉMIES

Le séquençage du génome du phytoplasme de la FD a été réalisé (Malembic-Maher et al. 2008 ; Carle et al. 2011). Ce travail nous a permis d’identifier des gènes qui ont été utilisés comme outils pour le génotypage des souches de phytoplasmes présentes dans les compartiments sauvages et viticoles.

a. Diversité et propagation des souches dans les vignobles.

Le génotypage des phytoplasmes FD a été réalisé par séquençage de 3 gènes marqueurs (map, secY et uvrB-degV). L’analyse de plus d’une centaine d’échantillons prélevés dans les vignobles français et européens a permis de mettre en évidence l’existence de 3 groupes

génétiques de souches de phytoplasmes FD en Europe (Arnaud et al.2007 ; Figure 2). Les

souches du groupe FD1, qui présentent une certaine diversité génétique, sont minoritaires (15 % des cas en France) et localisées principalement dans le Sud-Ouest de la France. Les souches du groupe FD2, qui sont toutes génétiquement identiques, sont majoritaires (85 % des cas en France) et retrouvées dans tous les vignobles Européens. Enfin, les souches du groupe FD3 n’ont pas été détectées en France mais sont présentes en Italie et dans les Balkans (Figure 2).

Figure 2 :Diversité et répartition des souches de phytoplasme de la Flavescence dorée en France et en Europe.

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La clonalité et la prédominance des souches du groupe FD2 sur les souches du groupe FD1 en France montrent qu’elles se sont propagées rapidement et sur de longues distances au sein du vignoble. Nous avons alors tenté de comprendre ce qui pouvait être à l’origine des différences d’incidence et de répartition entre les souches FD2 et FD1. Nous avons ainsi montré que les deux types de souches sont efficacement transmises par l’insecte vecteur et qu’il n’y a

pas de population majoritaire de S. titanusporteuse de la souche FD2 (Papura et al.2009). La

prédominance de FD2 ne semble donc pas liée au vecteur. Elle ne semble pas non plus être due à une virulence accrue de cette souche car FD2 et FD1 se multiplient à la même vitesse dans la plante et aucune différence n’a été mise en évidence en termes de sévérité de symptômes (Salar

et al.2012). Cependant, le génotypage d’échantillons « historiques » prélevés entre 1994 et 2005

en Europe a mis en évidence que les nouveaux foyers (dans des régions jusque-là indemnes), de jeunes parcelles, des parcelles de pieds-mères et des pépinières ont été contaminés par la souche FD2. Ceci va dans le sens d’une propagation à grande échelle de cette souche dans les années 90-2000 par l’intermédiaire du transport de bois contaminés, relayé ensuite par une propagation locale par l’insecte vecteur.

A partir de ces études de diversité, un test de diagnostic des phytoplasmes de la vigne

(Flavescence dorée et Bois noir) par PCR en temps-réel a été développé (Pelletier et al.2009).

Il est aujourd’hui utilisé comme méthode de référence par les laboratoires agréés pour la détection obligatoire de cet organisme de quarantaine.

b. Diversité des souches dans les plantes sauvages et risques d'échanges avec le vignoble.

Un travail de détection et de génotypage a ensuite été mené sur plus de 300 échantillons de plantes sauvages et d'insectes vecteurs de phytoplasmes prélevés dans différents pays européens à proximité de parcelles de vignes (infectées ou non) ainsi que dans des zones non

viticoles. Ceci a permis de mettre en évidence que les aulnes (Alnus glutinosa), bien que

n’exprimant pas de symptômes, sont porteurs, pour près de 80 % d'entre eux, de phytoplasmes

génétiquement proches du phytoplasme de la FD (Arnaud et al.2007 ; Malembic-Maher et al.

2007). Dans 3 % des cas, ces phytoplasmes se sont avérés appartenir aux groupes génétiques FD1, FD2 et FD3 (en France, Italie, Allemagne, Hongrie et Serbie) ; et ceci dans des zones viticoles mais également dans des zones non viticoles. Les clématites sauvages ont également été trouvées porteuses de phytoplasmes du groupe FD3 dans des zones viticoles et non viticoles

d'Italie et des Balkans (Fillipin et al.2009). Ces phytoplasmes étaient donc présents dans ces

plantes avant leur passage à la vigne. De plus il a été montré que la cicadelle de l'aulne Oncopsis

alni et le fulgore Dictyophara europaea sur Clématite sont capables de transmettre les

phytoplasmes de ces plantes sauvages à la vigne (Maixner et al.2000 ; Filippin et al.2009). Ces

plantes constituent donc un réservoir qui peut être à l'origine de nouvelles épidémies mais le risque demeure assez faible car les souches de type FD sont peu fréquentes (3 %), la transmission

à la vigne par les vecteurs est occasionnelle et S. titanusne se nourrit pas sur ces plantes. Le

risque majeur reste l'introduction de cicadelles infectieuses ou la plantation de bois contaminés dans les zones indemnes.

L'ensemble de ces travaux a permis d'élaborer le scénario suivant concernant l'origine de

la FD en Europe (Figure 3) : avant l'introduction de S. titanusen Europe, les phytoplasmes de

type FD étaient présents sur les plantes sauvages et étaient transmis à la vigne de façon

occasionnelle sans provoquer d'épidémies. Quand S. titanus a été introduit dans

l'entre-deux-guerres par importation de bois de Vitisd'Amérique du Nord, il s'est multiplié sur la vigne et

s'est avéré capable de transmettre de vigne à vigne certaines des souches provenant des plantes sauvages, générant alors les premières épidémies.

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Figure 3 :Scénario de l'origine de la Flavescence dorée de la vigne en Europe.

c. Le risque des repousses ensauvagées de porte-greffes (PG)

Si les clématites et les aulnes présentent un risque limité, les repousses ensauvagées de porte-greffe qui sont très fréquemment présentes aux abords des vignes cultivées sont beaucoup plus préoccupantes. En collaboration avec la FREDON, les SRAL et la cellule de transfert Vitinnov, nous avons étudié ce risque dans les vignobles des bords de Garonne en Gironde où de

nombreux hybrides de Vitisaméricains poussent à l'état sauvage (Figure 4). Ces Vitisexpriment

peu voire pas du tout les symptômes de la maladie mais peuvent être porteurs de phytoplasmes. Dans cette zone, les foyers de FD persistent alors que la lutte obligatoire et les traitements insecticides ont été mis en place. Aux alentours et à l'intérieur de parcelles infectées, traitées

depuis plusieurs années, nous avons prélevé des échantillons de Vitiset nous avons recherché la

présence de cicadelles de la FD. Trente pour-cent des repousses de PG ont été trouvé infectées par le phytoplasme de la FD. D'importantes

populations de vecteurs ont été collectées sur les PG dont 20 % au plus étaient porteurs du phytoplasme FD, alors qu'aucun insecte n'était présent dans les parcelles. De plus, le génotype des phytoplasmes présents dans les PG, les vecteurs et les parcelles avoisinantes était identique ce qui montre qu'il y a eu échange. Les PG ensauvagés constituent donc un réservoir de la maladie avec risque élevé de recontamination des vignobles où la lutte est appliquée. Cette situation n'est pas spécifique de la zone car des PG ensauvagés porteurs de phytoplasmes FD et ou de cicadelles vectrices ont aussi été détectés dans d'autres vignobles girondins.

Figure 4: Repousses de porte-greffes ensauvagés

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II. COMPRENDRE LES MÉCANISMES D’INTERACTION ENTRE LES