• Aucun résultat trouvé

2. APPRENTISSAGE D'UNE LANGUE ÉTRANGÈRE

2.5. A CTIVITÉS BASÉES SUR L ' INPUT EN LE

2.5.1. Recherche d'informations

Rouet, Coutelet et Dinet (2004) précisent que ces dernières années, en raison du nombre croissant de systèmes d'informations qui contiennent des documents complexes, la recherche d'informations est devenue un sujet de recherche à part entière aussi bien en psychologie que dans d'autres disciplines. Elle est aussi devenue un nouveau type d'activité pédagogique Ŕ activité dans le sens d'exercice scolaire Ŕ dans l'enseignement primaire, secondaire et

72 supérieur. La recherche d'informations est proposée dans l'espoir qu'elle aiderait à construire activement des connaissances. Rouet, Coutelet et Dinet (2004) relèvent la complexité cette activité. Des questions émergent concernant la façon dont les humains trouvent une information, concernant les facteurs qui conditionnent la rapidité de la recherche et concernant les obstacles qui l'entravent. Exercée à partir de textes, la recherche d'informations implique une activité langagière (donc une activité mentale), au même titre que la lecture, l'écriture et le dialogue. Il convient de bien séparer l'activité de compréhension et l'activité de recherche d'informations. La première activité demande une stratégie de cohérence, susceptible d'aider le lecteur à comprendre le texte dans sa globalité. La deuxième activité demande une stratégie de pertinence qui permet de trouver la combinaison d'informations qui aide le lecteur à résoudre un problème déterminé. Cette stratégie peut conduire à traiter les informations d'un texte à des degrés variables de profondeur, en fonction de l'utilité de l'information lors d'une situation particulière, et non pas en fonction de son importance

"globale" au sein du texte (Rouet, Coutelet et Dinet, 2004). Ce mode de traitement que Rouet, Coutelet et Dinet appellent "sélectif et orienté par les objectifs préalables du lecteur", confère un rôle particulier à la gestion d'informations en mémoire de travail et à l'usage des organisateurs textuels. Les processus sélectifs d'activation, d'inhibition et d'inférence que l'on a observés pour l'activité de lecture sont particulièrement actifs pendant la recherche d'informations, car celui qui lit de façon ciblée ne peut se contenter d'une compréhension approximative du sens de l'input abordé. Ceci a des conséquences sur la mémoire de travail.

Pour bien chercher, je dois me rappeler ce que je suis en train de chercher.

(…) la recherche d'informations pose le problème du contrôle volontaire de l'activation et de la désactivation d'informations en mémoire de travail (Rouet, Coutelet et Dinet, 2004).

L'utilisation de dispositifs textuels complexes (ouvrages entiers, ressources électroniques, etc.) nécessite un savoir-faire concernant l'interprétation d'éléments de signalement du contenu. Il peut s'agir de marqueurs typographiques, de tables des matières, d'index, de menus, d'en-têtes, etc. L'utilisation de tels éléments peut poser problème à des enfants en dessous de 13 ans et même à certains adultes (Rouet, Coutelet et Dinet, 2004). La stratégie de pertinence qui convient à la recherche d'informations demande la capacité de hiérarchiser les informations en fonction de leur pertinence par rapport à l'objectif de recherche.

De ce qui précède, je conclus que la tâche d'identification de segments dans une concordance est complexe. Il paraît important d'analyser, entre autres, le rôle des indices métatextuels (Coutelet, 2003) qui renseignent les lecteurs sur l'endroit où ils peuvent trouver l'information

73 dans l'input (cf. 6.6.3.). Selon Chanquoy, Tricot et Sweller (2007 : 35), il convient de favoriser "l'habileté à sélectionner une information quelconque dans l'environnement pour en faire une analyse pertinente". Cette habileté semble avoir un lien avec le phénomène d'attention, définie comme "la capacité à sélectionner une information pertinente au milieu d'un flux d'informations différentes" (Chanquoy, Tricot et Sweller, 2007 : 34). Le système cognitif doit arriver à faire un tri parmi ces informations. Il s'agit donc d'aider les apprenants à sélectionner des informations pertinentes lors de la révision de texte à l'aide de concordances.

Schmidt (1990) donne un éclairage supplémentaire sur l'activité de repérage. Il définit le repérage comme "focal awareness", donc comme attention consciente et dirigée. Il le considère comme une activité subjective ("a private experience") dont on peut rendre compte ("availability for verbal report"). Schmidt (1990) propose plusieurs techniques pour observer s'il y a eu repérage ou pas. L'une d'elles est ce que Schmidt appelle "concurrent verbal report". Tout de suite après la tâche de repérage, on invite l'apprenant à nommer les éléments qu'il a repérés dans un texte. Selon Jordan (2004 : 218), cette technique ne permet pas de juger si les apprenants sont en train d'effectuer une activité de repérage ou pas : "It is by no means easy to properly identify when noticing has and has not occurred". Parler tout de suite après l'exécution de la tâche de ce que l'on a repéré peut permettre de montrer que quelque chose n'a pas été repéré, mais cela ne révèle pas forcément tout ce qui a été repéré. Il convient de construire un ensemble de tâches susceptible de fournir des indices pour le repérage d'informations pertinentes. D'ailleurs, Schmidt (1990) souligne la nécessité de mener des recherches concernant la façon dont les caractéristiques d'une tâche conditionnent la compréhension de l'input par les apprenants. Il précise qu'ils n'ont pas toujours la possibilité de repérer par eux-mêmes un élément donné dans l'input, mais qu'il est possible de les aider en dirigeant leur attention sur une source d'information particulière et en les invitant à en ignorer d'autres. On peut, par exemple, favoriser davantage le repérage de la forme ou davantage le repérage du sens. Dans la figure ci-dessous, Schmidt (1990) présente plusieurs facteurs qui conditionnent la possibilité de repérer des informations dans l'input, à savoir les attentes des apprenants, la "saillance perceptuelle" de l'item et sa fréquence, le niveau d'apprentissage et les besoins liés aux caractéristiques des tâches de production. Les items ont été traduits par moi.

74 Les attentes :

L'enseignement peut favoriser la création d'attentes qui favorisent à leur tour le repérage.

On ne repère pas les éléments que l'on n'arrive pas à interpréter.

La fréquence :

Plus un item est fréquent dans l'input, plus il est probable qu'il soit repéré.

La saillance perceptuelle :

Le contexte immédiat d'un élément peut favoriser ou entraver sa mise en relief.

On risque de le percevoir plus difficilement s'il est assimilé à un autre élément.

Le niveau d'apprentissage :

Disposer de certains automatismes de traitement de l'input peut être la condition pour apprendre certains nouveaux faits langagiers.

Les besoins liés aux caractéristiques des tâches de production :

La nature de la tâche influence la façon dont l'input est traité par l'apprenant.

Figure 20 – Repérage d'un élément dans l'input.

Repérer une information afin d'exécuter une tâche semble être une des conditions les plus fiables pour que la rencontre entre input et apprenant puisse avoir comme résultat un apprentissage (intake) : "the information committed to memory is essentially the information that must be heeded in order to carry out a task" (Ericsson et H. Simon, 1984 : 118, cité dans Schmidt, 1990). Il n'est pas important de savoir si l'apprenant a eu l'intention ou pas de repérer quelque chose. Ce qui compte, c'est que la tâche favorise le traitement de l'input par l'apprenant.

Quelles sont les activités observables qui permettent de supposer qu'il y a traitement de l'input ? Bruner (1958), relu par Gaonac'h (1991), donne quelques pistes à ce sujet.

2.5.2. Catégorisation

Selon Bruner (1958, cité dans Gaonac'h, 1991 : 89), percevoir un élément dans un environnement linguistique implique une activité de catégorisation. L'apprenant rattache les indices qu'il perçoit à "certaines classes d'objets". La réponse au "stimulus" est donc catégorielle. Un principe économique opère pendant cette catégorisation : le classement dans une catégorie doit être possible à l'aide de peu d'indices ; leur nombre doit toutefois permettre de limiter, le plus possible, le risque d'erreur. "Percevoir est donc prendre une décision"

(Gaonac'h, 1991 : 89). Afin de pouvoir classer les indices perçus dans des catégories, ces

75 catégories doivent préexister. Pour Bruner, elles sont, pour la plupart, construites, comme le rappelle Gaonac'h (1991 : 90). Les catégories en place sont une sorte de grille que le sujet applique en abordant son environnement linguistique. L'activité perceptive a un caractère anticipatoire. L'apprenant sélectionne des éléments en fonction de ses hypothèses concernant la nature et les propriétés de l'environnement qu'il observe. Il peut aborder l'input en effectuant les gestes suivants.

Détection de la présence d'un objet ; recherche d'indices pour une exploration large suivie d'une catégorisation provisoire (hypothèse) ; activité exploratoire plus restreinte aboutissant à la confirmation de l'hypothèse (Gaonac'h, 1991 : 90, se référant à Bruner, 1958).

Les attentes et les besoins des sujets déterminent la recherche d'indices et la formation d'hypothèses. Les catégories convoquées peuvent être plus ou moins accessibles. Si l'apprenant a des attentes fortes, il a besoin de peu d'indices pour percevoir l'objet dans l'environnement ; dans ce cas, "la catégorie correspondante est dite très accessible" (Gaonac'h, 1991 : 90). Le nombre et la nature des indices jouent également un rôle pour la perception. Si l'on s'attend à trouver un représentant d'une certaine catégorie, on a tendance à ne percevoir que les indices liés à cette catégorie et à ne pas percevoir ceux qui plaident en faveur d'une autre catégorie. Il y a des choix stratégiques à faire concernant l'activation de certaines hypothèses et l'application de certains modes de vérification (Gaonach'h, 1991 : 91). Bruner explique qu'une théorie de la perception est également une théorie de la signification.

La signification d'une chose, c'est la localisation d'un objet dans un réseau d'inférences hypothétiques relatives à ses autres propriétés observables, ses effets, etc. (Bruner, 1958 : 6-7, cité dans Gaonac'h, 1991 : 91-92).