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1. Rappel sur l’Energie : définition et état actuel

1.3. La technologie n’est pas la solution miracle

1.3.1. La « Croissance Verte » (et les autres énergies)

Il est de plus en plus courant d’entendre parler ou de lire le terme « croissance verte », que ce soit dans les médias ou dans les documents des institutions comme l’OCDE [6]. Selon l’OCDE, la croissance verte signifie : « favoriser la croissance économique et le développement, tout en veillant à ce que les ressources naturelles continuent de fournir les ressources et les services environnementaux sur lesquels repose notre bien-être. Pour ce faire, elle doit catalyser l'investissement et l'innovation qui soutiendront une croissance soutenue et donneront lieu à de nouvelles opportunités économiques » [6].

A l’échelle du monde, cette « croissance verte » des énergies renouvelables est en fait écrasée par la croissance du charbon, du pétrole et du gaz naturel. Comme le montre la Figure 3, il est certain que la part des énergies renouvelables (hors hydroélectrique) a fortement augmenté entre 1991 et 2016, cependant leur importance respective dans le mix énergétique mondial est bien faible. Et le charbon, pourtant perçu comme une énergie du siècle dernier, n’a jamais été aussi largement consommé.

28 Certes ce constat est mondial, et il semble pourtant qu’en France les choses changent. En effet, la puissance raccordée des installations éoliennes et photovoltaïques a fortement augmenté depuis 2000 [7]. Le changement de modèle pour la production d’énergie commence peut-être d’abord dans les pays développés à l’image de la France ?

1.3.2. 100% Electricité renouvelable en 2050 en France ?

Un rapport de l’Ademe de 2016 [8] s’est intéressé à la possibilité de produire 100% de l’électricité française à partir d’Energies Renouvelables (EnR) d’ici à 2050. Cette production 100% EnR repose très largement sur de l’éolien pour quasiment toutes les régions de France métropolitaine, le solaire ayant une plus grande place dans les régions du sud, plus ensoleillées (Figure 4). Dans ce rapport, la place du thermique renouvelable est très peu étudiée, et n’est représentée que par les Unités d’Incinération des Ordures Ménagères (UIOM), la cogénération au bois, et la cogénération via méthanisation. De plus, seules les cogénérations au bois ou via méthanisation sont considérées comme pouvant se développer.

Figure 4 : Décomposition des sources d'EnR par région métropolitaine, dans un mix 100% EnR en 2050 [8]

On ne peut contrôler le climat et donc on ne peut choisir ni lorsqu’il fera beau, ni lorsque le vent soufflera. Par conséquent, il est clair que ni l’éolien ni le solaire ne sont des énergies pilotables. De plus, le soleil et le vent ne sont pas présents uniformément sur la France, ce qui implique

29 que, même s’il y a du vent ou du soleil à un endroit, la totalité du parc français installé ne peut fonctionner pleinement. Ainsi d’après la société RTE [7], responsable du transport de l’électricité en France, en 2015 le facteur de charge3 de l’éolien en France atteint en moyenne 24,3% (suivant les mois entre 15,1 et 34,4%) tandis que pour le solaire, le facteur de charge en France atteint en moyenne 15% (suivant les mois entre 6,4 et 24,5%) (Figure 5). On notera que le facteur de charge maximal atteint oscille entre 55,6 et 86,3% pour l’éolien, et entre 41,5 et 83,5% pour le solaire, avec notamment des facteurs de charge (maximum et moyen) très faibles de novembre à février.

Figure 5: Facteurs de charge maximum et moyen pour l'éolien (gauche) et le solaire (droite) en France en 2015 [7]

Ce facteur de charge montre qu’il faut disposer d’une puissance installée supérieure à la puissance effectivement demandée. A contrario, le thermique renouvelable ne dépend pas des conditions extérieures pour être opérationnel, ce qui en fait alors un atout majeur dans une perspective de déploiement des énergies renouvelables, car il est pilotable et permet donc de répondre rapidement à des appels de puissance. Il se place donc en complément de ces énergies renouvelables dépendant des conditions climatiques, telles que le solaire et l’éolien.

1.3.3. « High Tech » ou « Low Tech »?

Le développement des EnR est inévitable dans l’optique d’un changement de mode de production d’énergie. Les énergies renouvelables se présentent sous des formes diffuses et discrètes à l’image du vent, du soleil, ou de la biomasse. Ce caractère discret de la disponibilité de la ressource impacte la production d’énergie, en particulier via le facteur de charge. La solution peut apparaître comme simple, il suffit alors de construire suffisamment d’unités de production d’énergie renouvelable pour subvenir à nos besoins énergétiques actuels.

30 Cependant, cela mobiliserait une quantité de ressource considérable, ce qui ne permet pas d’être aussi optimiste sur un déploiement massif d’installations.

En effet, la construction d’éoliennes, de panneaux solaires, de centrales hydrauliques ou de centrales biomasse nécessite des ressources, notamment des ressources métalliques. Comme on peut le voir en Figure 6, un changement de production énergétique, basé sur des énergies fossiles aujourd’hui, vers des énergies renouvelables implique une forte demande sur les métaux. On notera que les centrales de combustion d’huile de colza et le photovoltaïque se démarquent par une forte demande en métaux, vient ensuite l’éolien, puis les centrales de cogénération au bois, et l’hydraulique (difficilement lisible sur la figure 6).

Figure 6: Demande en métaux pour différentes source d'énergie, en comparaison avec le mix global actuel (base 1) [9]

Ces ressources métalliques sont elles-mêmes non renouvelables, et sont donc en déclin [9]. De fait, l’Homme a commencé à prélever dans la nature les ressources les plus faciles d’accès et les plus concentrées. Puis, une fois le gisement épuisé, il a fallu trouver un nouveau gisement,

31 qui est alors moins concentré en ressources et/ou plus profond sous terre. Ainsi le taux de métal dans le minerai extrait est de plus en plus faible, à l’image du cuivre sur la Figure 7. En effet le taux de cuivre dans le minerai exploité est passé de 2-2,5% en 1905 à 0,6-0,8% en 2015.

Figure 7: Evolution de la teneur en cuivre dans le minerai exploité pour 5 mines importantes de 1905 à 2005

[9]

On pourrait expliquer cette diminution de concentration par une augmentation des performances de production du cuivre qui permet alors d’exploiter des gisements moins riches, et qu’une diminution de concentration va, au pire, entraîner une augmentation du prix du cuivre, mais qu’il y en aura toujours de disponible moyennant des investissements croissants.

Cependant, la baisse de la teneur en minerai implique, à production de métal pur constante, une augmentation de la quantité de minerai à extraire, donc une augmentation de la consommation d’énergie, accompagnée inévitablement d’une augmentation de la quantité de roche déchets [9]. Or le métal à extraire est nécessaire pour la production d’énergie. Donc on entre dans un cercle vicieux où on veut du métal pour pouvoir avoir de l’énergie, mais l’appauvrissement des minerais nous demande de plus en plus d’énergie, qui nous demande de plus en plus de métal… En ce qui concerne les énergies, on utilise le EROI (Energy Return On Investment) qui est le ratio d'énergie utilisable acquise à partir d'une source donnée d'énergie, rapportée à la quantité d'énergie dépensée pour obtenir cette énergie. Quand EROI>1, le stock d’énergie exploité est « rentable », c'est-à-dire qu’il fournit plus d’énergie qu’il en faut pour extraire cette énergie. Par contre quand EROI<1, on dépense plus d’énergie pour l’extraction que ce qu’on récupère. On observe ainsi des EROI décroissants dans le temps pour le pétrole, car les gisements sont de plus en plus compliqués à exploiter (offshore, sable, schiste…). On peut alors

32 appliquer le même raisonnement pour les métaux et on pourrait alors définir un seuil minimal en dessous duquel il n’est plus « rentable » énergétiquement d’extraire un métal.

Dans l’absolu, une diminution de la concentration d’un minerai n’est pas un problème en soi, si on considère que le stock de métal extrait reste dans la technosphère4, et donc disponible pour une utilisation ultérieure, via le recyclage par exemple. Mais c’est sans compter l’usage dispersif que nous faisons des métaux [10], cumulé à la perte par usure. En effet, plusieurs métaux sont utilisés dans des applications qui les dispersent dans la nature ou qui les diluent dans d’autres métaux. L’exemple le plus flagrant (et le plus extrême certes) est celui du titane, qui montre un usage dispersif à hauteur de 95% du titane produit annuellement [10]. Le titane est utilisé dans des cosmétiques ou en peintures pour sa couleur blanche sous forme de TiO2. Il finit alors dans les boues de stations d’épuration ou reste sur les parties de meubles/murs peintes, qui finiront enfouies ou incinérées, donc dans des mâchefers, qui sont enfouis…

Table 1 : Utilisation dispersive de différents métaux [10]

Pour finir, il n’est pas évident de recycler les métaux en alliage tout en gardant les mêmes propriétés. En effet, il existe de nombreux alliages différents de métaux, or le nombre de filières de traitement est limité. Ainsi, les alliages de basse qualité (typiquement non-inox) se retrouvent dans une filière de « recyclage » qui utilise ces alliages, certes, mais pour produire un alliage dit « acier carbone », typiquement employé pour le fer à béton. La matière est ainsi conservée, mais le métal à proprement parler n’est pas récupéré et les propriétés particulières qu’il peut présenter sont perdues [10].

Pour conclure sur l’aspect énergétique, conserver le même niveau de consommation énergétique via un déploiement massif des énergies renouvelables ne semble pas être possible, du moins pas durablement. Il sera donc nécessaire de diminuer la quantité totale d’énergie consommée ainsi que de recourir à des unités de production de petites tailles et demandant peu de matériaux (dans l’absolu).

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