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Thaïlande : approche croisée

2. Le croisement générationnel: jeunesse et vieillesse en mobilité

Le « backpacker » et l’ « hivernant » peuvent être abordés selon différents angles. La littérature brosse généralement des portraits type décrivant les groupes en fonction des âges, situations de voyage, situations professionnelles, genres, nationalités, etc. Le Tableau 3.1 donne de ce point de vue une image synthétique des deux groupes à travers les panels de backpackers et d’hivernants interrogés sur le terrain. Le chapitre 4 présentant les méthodes mise en place reviendra sur la sélection des individus composant le panel et ces caractéristiques seront largement utilisées tout au long de cette thèse. La prochaine section propose d’éclairer ce premier contact avec les profils étudiés à travers la littérature scientifique. Je choisis alors de mettre

particulièrement en avant dans ce chapitre l’enjeu générationnel, et ce pour plusieurs raisons. D’abord, jeunesse et vieillesse sont des objets de recherche généralement abordés par la sociologie, dont les enjeux géographiques restent encore assez peu explorés, alors même que la dimension spatiale de l’âge, des rapports d’âge et des générations soulève des questionnements très stimulants. Ensuite, l’entrée par l’âge et par la génération permet de faire des liens pertinents avec le genre, la situation familiale, la « race », et la sexualité, en se basant sur la démarche d’intersectionnalité proposée par K. W. Crenshaw (2005). Enfin, l’approche générationnelle est particulièrement pertinente pour le croisement des deux groupes, puisqu’elle permet de prendre en compte les expériences de mobilité en les replaçant dans des parcours de vie.

Tableau 3.1. Caractéristiques du panel de backpackers et d'hivernants interrogés TOTAL AGE MOYEN ORIGINE SITUATION PERSONNELLE DE VOYAGE* SITUATION PROFESSION-NELLE BACKPACKERS 141 28 ans 100 Europe 14 Am. du Nord 10 Asie 7 Am. du Sud 6 Moyen-Orient 4 Australie 52 hommes seuls 33 femmes seules 21 couples (H/F) 7 duos amicaux 73 Emploi (pause ou arrêt) 60 Études 6 Travail à distance HIVERNANTS 138 69 ans 109 France 28 Europe hors France 1 États-Unis 61 couples (H/F) 10 hommes seuls 6 femmes seules 132 Retraités 2 Rentiers 4 En invalidité ou maladie * Les couples représentent donc 42 personnes chez les backpackers et 122 chez les hivernants. Parmi les backpackers, une femme seule et un couple voyageaient avec un enfant.

2.1. Penser la mobilité en fonction de l’âge, de la génération et du parcours de vie

L’âge est une donnée relative. P. Bourdieu (1984) dans un entretien intitulé « La jeunesse n’est qu’un mot », explique que « en fait, la frontière entre jeunesse et vieillesse est dans toutes les sociétés un enjeu de lutte », et qu’ « on est toujours le vieux ou le jeune de quelqu’un. C’est pourquoi les coupures soit en classes d’âge, soit en générations, sont tout à fait variables et sont un enjeu de manipulations. » (p. 1). G. Valentine, T. Skelton et D. Chamber (1997) reviennent également sur la création de la catégorie « jeunesse » et la grande variété de ses limites, construites socialement. La sociologie et la démographie ont largement travaillé sur l’âge, la génération et le parcours de vie. Il s’agit ici de définir succinctement ces notions et la façon dont elles seront mobilisées.

2.1.1. Âge, parcours de vie et génération

V. Caradec (2008) rappelle la distinction fondamentale entre des notions souvent rapprochées, impliquant une double différence entre jeunes et vieux, différence en terme d’âge et de génération :

« L’âge, en tant que coordonnée sociale, renvoie à une double réalité : d’une part, être à un moment donné de son parcours de vie (avoir 30 ans et être jeune salarié, ou avoir 60 ans et être retraité) ; d’autre part, être né telle année, et donc appartenir à une génération donnée (on peut avoir 30 ans en 1969 ou avoir 30 ans en 1998). » (ibid, p. 6)

Les notions d’âge, de stratification en groupe d’âge –troisième âge, etc.– et de parcours de vie seront également largement plus utilisés2, en référence aux travaux de gérontologie, et plus largement de sociologie de la jeunesse et de la vieillesse. V. Caradec (ibid), après avoir rappelé la lutte pour les frontières entre jeunesse et vieillesse propre à chaque société, signale que l’âge fait référence à un classement de soi et d’autrui. Ainsi, dans nos société valorisant la jeunesse, les enquêtes montrent qu’à partir d’une vingtaine d’année, l’ « âge subjectif », c’est à dire l’ « âge ressenti » par l’individu, est plutôt inférieur à son « âge chronologique ». Ainsi, lors de l’enquête sur les backpackers et les hivernants, je n’ai pas utilisé de critère d’âge a priori. Les quelques personnes rencontrées semblant sortir de la catégorie backpackers ou hivernant, à cause de leur âge, ont justement été également interrogées, en tant que figures périphériques. On sera ainsi vigilant à ne pas uniformiser les groupes étudiés : de grands écarts d’âge sont présents à l’intérieur de ceux-ci. Par exemple, la perception des jeunes retraités par rapport aux plus âgés peut être très distante. Dans ce cadre, il s’agira notamment de regarder comment voyage interagit avec l’âge.

2 King et al. (2004) développent notamment l’apparition de la notion de « life cycle » au début des années 1955 dans des études portant sur le cycle familial.

La sociologie politique utilise la notion de « génération » pour tenter de comprendre l’intégration des nouvelles générations par des mécanismes de transmission, d’héritage, de reproduction et de socialisation (Devriese, 1989). L’ « enrayement » d’une société, sa difficulté à avancer en tenant ensemble tous les groupes qui la composent, serait, pour certains structuralistes, dû à une aliénation provisoire de sa jeunesse et une difficulté de transmission entre générations. Ainsi, l’impact de générations nouvelles sur le changement social retient l’attention. Sans pouvoir vraiment tirer des conclusions sur l’impact d’une jeunesse de « backpackers » quant à leur trajectoire post-voyage, faute d’avoir mis en place une enquête sur les retours, cette perspective d’analyse reste un horizon de recherche très stimulant pour l’analyse des pratiques et discours des backpackers sur leur société d’origine. Plus globalement, les éléments sociétaux propres à une génération sont des outils forts d’interprétation des parcours de vie, et c’est de cette façon que la notion sera utilisée dans cette thèse. Par exemple, dans son étude des migrations de retraites des Parisiens, F. Cribier (1994) identifie grâce à deux enquêtes biographiques, menées en 1975 et en 1987, la différence importante entre deux cohortes de retraités à seulement 12 ans d’écart. L’amélioration des conditions de logements, des services et équipements en région parisienne, sur une période d’une dizaine d’années, fait ainsi diminuer les départs des Parisiens à l’arrivée à la retraite. Dans le cadre de cette recherche, il pourra être difficile d’identifier des caractéristiques sociétales très fines de cette ordre relatives aux générations, notamment parce qu’ils sont d’âge relativement divers, au sein des backpackers et des hivernants, et parce qu’ils viennent de contextes nationaux différents. Le croisement entre les deux groupes permet néanmoins de faire ressortir de fortes différences ou continuités dans le rapport à la mobilité entre les générations qui composent les groupes de backpackers et d’hivernants.

Tout d’abord, la démarche de croisement entraîne un résultat différent si on l’aborde par le biais de l’âge ou de la génération. Aborder la jeunesse et la vieillesse en termes d’âge et donc de position dans le parcours de vie permet de les rapprocher (Noyer, 2001; Vacher, 2010). En effet, les contraintes liées à l’emploi et à la famille peuvent être moins importantes à ces deux périodes de la vie, donnant l’opportunité de prendre du temps pour autre chose, par exemple pour voyager. Par contre, appréhendés en termes de générations, ces groupes semblent de plus en plus dissemblables. Ainsi, la jeunesse des hivernants rencontrés n’aura pas beaucoup de points communs avec la jeunesse des backpackers, en termes culturels (valeur, goût, environnement technologique) et en termes de parcours sociale (accès à l’emploi notamment) (Caradec, 2008).

2.1.2. Les mobilités de la jeunesse et de la vieillesse, des champs géographiques à approfondir

R. King, M. Thomson, T. Fielding et T. Warnes (2004) rappellent le lien entre les étapes du parcours de vie et les migrations. À chaque étape correspond une localisation optimale dépendant de critères différents d’ordre familial, social, professionnel et qui interagissent avec des anticipations de long-terme. La notion de parcours de vie permet, par l’approche biographique, de mettre en lumière des continuités entre les différents lieux de migrations. Mobilisé dans le chapitre 6 notamment, cette approche a l’avantage de faire apparaître les interactions entre les différents événements du parcours de vie d’un individu, en interaction avec son entourage, compensant la difficulté à obtenir des données statistiques fiables et globales sur les mobilités et complétant ces dernières (Lelièvre 1999). L’ « illusion biographique », explicitée par Bourdieu (1994), conduisant l’individu et/ou le chercheur à reconstruire a posteriori une cohérence dans la continuité des évènements qui jalonnent la vie, et donc potentiellement ses pratiques de mobilité, doit alors être prise en compte. La notion de « bifurcations », c’est-à-dire de changement inattendue dans la trajectoire de vue, explorée par C. Bidart (2006) sera particulièrement utile à l’interprétation de la mise en mobilité de certains enquêtés.

Dans l’ouvrage Cool Places, geographies of youth cultures (Skelton et Valentine 1997), les auteurs indiquent dès l’introduction que les imaginaires populaires de la jeunesse correspondent à une contre-culture basée sur la musique et la drogue, ainsi qu’à une liberté de partir pour des voyages aventureux. Cependant, selon ces auteurs, contrairement aux géographies de l’enfance, les géographies de la jeunesse sont rares. Ce sont les études sur le backpacking qui ont inauguré les études sur leurs espaces de voyage, mais plutôt à travers les yeux de la socio-anthropologie. Penser les géographies de la jeunesse implique aussi de penser leurs mobilités, et celles-ci peuvent être abordées sous des angles très différents : l’insertion professionnelle (Dumartin 1995), la formation avec son versant international sur les programmes d’échange type Erasmus (Cattan 2004), et le voyage. Selon l’Atlas des jeunes (Alsellem-Mainguy et Timoteo 2012), ces mobilités traduisent souvent des écarts sociaux au sein de la jeunesse. La variable sociale, dans cette période de socialisation qu’est la jeunesse, est essentielle (Lebon et Linares, 2016), et pourtant, hormis dans les champs d’étude du scolaire, assez peu mobilisée. A. C. Wagner (2007) a bien montré combien la culture cosmopolite, associée à des compétences linguistiques et des compétences internationales, était un attribut distinctif des élites. Analysant la socialisation dans le cadre du voyage B. Réau (2009) montre que les classes supérieures n’appartenant pas nécessairement aux élites reproduisent en l’adaptant le principe de socialisation de la jeunesse par le voyage. À ce titre, parmi les séjours Erasmus, évoqués à travers les travaux de M. Ballator (2010), les classes supérieures sont surreprésentées. D’autre part qu’il s’agit bien de compétences de l’ordre de la socialisation internationale et non

nécessairement de la formation, qui sont recherchées. En outre, la diversité des pratiques vacancières au cours de la jeunesse correspond à un usage éducatif de la mobilité propre aux classes supérieures. Le séjour long à l’étranger s’avère dans ce cadre selon B. Réau particulièrement distinctif :

« Les éléments de culture qui distinguent sont ceux que les autres catégories sociales ne peuvent pas acquérir, d’abord parce que celles-ci n’ont pas eu la possibilité d’aller à l’étranger pendant une période aussi longue. La connaissance d’éléments quotidiens, anodins, peut être très distinctive car elle nécessite d’avoir vécu sur place. Ce sont ces savoirs pratiques qui marquent la différence ente ceux qui ont été pour une longue période à l’étranger et les autres, tout autant que leurs connaissances ‘culturelles cultivées’ (qui peuvent en partie s’acquérir scolairement) » (Réau, 2009, p. 18)

L’enjeu des mobilités des seniors a un caractère émergeant lié à l’augmentation de cette classe d’âge au sein des sociétés développées. Comme le rappelle M.-P. Noyer (2001), les enfants du baby-boom nés au milieu du siècle ont bénéficié « de l’élan national, de ses progrès économiques, industriels et sociaux (...) » (p. 100). Le nombre d’années passées à la retraite est en moyenne en France de 23,8 ans, il s’est largement accru lors des dernières décennies, et conduit donc à prendre en compte ce temps comme lui aussi structuré par des aspirations et des pratiques multiples prenant une importance sociale. V. Caradec (2010) identifie à l’âge de la retraite cinq types de comportements résidentiels, regroupés entre les comportements subis d’une part, (l’assignation à résidence et la mobilité contrainte), et choisis d’autre part : la stabilité résidentielle ou la mobilités choisie, nationale ou internationale, qui nous intéresse ici :

« Parmi ces cinq cas de figure, c’est sans doute la mobilité résidentielle qui retient le plus facilement l’attention, même si elle constitue un comportement minoritaire dans la population âgée. De la mobilité résidentielle des retraités, on connaît bien la forme ‘classique’, qui est marquée par un changement définitif de résidence et qui consiste soit en une migration de retraite interrégionale, soit en un déménagement de proximité qui vise à se rapprocher des commerces et des services. Or à côté de cette forme ‘classique’, des formes nouvelles se font jour (...). » (ibid, p. 3)

Ces formes ne sont pas si nouvelles, comme l’indique par exemple les travaux de P. Duhamel sur les résidents étrangers aux Baléares (1997), elles sont néanmoins considérées par V. Caradec (ibid) comme émergentes. L’auteur signale que la mobilité de retraite internationale concerne deux groupes de retraités différents : les natifs du pays de départ, qui migrent principalement pour accroître leur qualité de vie, et les personnes qui ont vécu une migration de travail et retourne dans leur pays d’origine. L. Thomsin (2001) rappelle que les migrations de retraités constituent une troisième phase de migration au sein de la vie, après les migrations d’émancipation et de mariage, et celles d’agrandissement familiale. Elles sont moins nombreuses que les précédentes, et se font généralement à une distance relativement faible. Ainsi, s’il est difficile de les chiffrer, ces migrations internationales de retraites concernent une faible partie de la population. R. King, M. Thomson, T. Fielding et A. Warnes (2004)

précisent qu’après l’âge de 50 ans, les chances de migrer sont plus importantes parmi les personnes au début de la soixantaine, correspondant au départ en retraite, et sont positivement corrélées aux revenus, à la classe sociale et à la propriété. Les migrations à une distance relativement grande, dont les migrations internationales, sont plus courantes parmi les couples mariés et ceux qui ont été mobiles au cours de leur vie. Un autre pic de migration intervient plutôt après 75 ans, mais sur des distances très courtes, intra-urbaines et dans le cadre de divorce, perte du conjoint et accroissement de la dépendance physique. Leur dimension émergentes et relativement diverses en font un objet aujourd’hui de plus en plus étudié.

Bien sûr, et comme le mettait en valeur le backpacker Markus dans l’extrait d’entretien en introduction de ce chapitre, le croisement des âges dans l’analyse de la mobilité interroge également les corps et la santé, qui est dans le cas des backpackers plutôt relié à la prise de risque dans le cadre d’une bonne santé, et dans le cas des hivernants aux bienfaits de la mobilité au soleil sur la santé.

Ces approches générationnelles de la mobilité s’appliquent dans le cadre de cette thèse à deux groupes spécifiques. Avant de se demander s’ils représentent des figures emblématiques de la mobilité de la jeunesse et de la mobilité de la vieillesse, il convient de les présenter plus amplement.

2.2. Qui sont les

backpackers

et les hivernants ?

La littérature sur le backpacking est relativement importante bien que récente, et se place principalement dans le champ des études touristiques. Les études sur les hivernants sont quant à elles plutôt imbriquées dans les recherches sur les migrations internationales de retraite en général, mélangeant les migrants saisonniers tels que les hivernants, et les migrants s’installant de façon plus durable dans les destinations. Ces deux pans de la littérature sur les mobilités internationales permettent d’ores et déjà de « faire connaissance » avec ces individus mobiles que l’on croisera à travers les retours empiriques de l’enquête pour aborder les renouvellements à l’œuvre dans les mobilités contemporaines.

2.2.1. Les backpackers : un profil type qui se complexifie

Plusieurs articles ou ouvrages présentent les différentes facettes de ces individus mobiles (par exemple Sørensen 2003; Lallemand 2010). Des états de l’art ont été réalisés, notamment dans les introductions et certaines contributions des ouvrages collectifs initiés par le Backpacker Research Group (BRG) de l’Association for Tourism and Leisure Education and Research (Richards et Wilson 2004; Hannam et Ateljevic 2007; Hannam et Diekmann 2010) ou encore par J.-C. Demers (2012). Ces synthèses pointent la forte diversité des profils des backpackers (Cohen 2003; Hampton 2013), diversité qui serait liée à l’évolution du phénomène, mais également à de potentiels

angles morts des premières recherches sur cette question. La définition générale, par exemple rappelée par Hampton (2013) ci-dessous, ne suffit plus.

« at the simplest level backpackers may initially be defined as tourists who travel with backpacks, who live on a budget, and who normally travel for longer periods than conventional holiday periods » (ibid)

L’article de E. Cohen (ibid) « Backpackers, diversity and change » est à cet égard particulièrement éclairant. Longtemps perçus de façon homogène comme jeunes, étudiants, blancs et issus de la classe moyenne supérieure, les backpackers présentent aujourd’hui selon lui des caractéristiques sociales, nationales, d’âge et de rapport au travail bien plus diverses. Ainsi H. Muzaini (2006) et H. Bui (2014) soulignent que les backpackers d’origine non-occidentale et notamment d’origine asiatique sont de plus en plus présents. Il s’agit selon H. Bui (ibid) dans les sociétés asiatiques, notamment sud-coréennes et japonaises, d’un phénomène social encore à un stade limité de développement, contribuant au capital symbolique des jeunes asiatiques et reflétant la transition sociale qui a lieu dans ces pays. La représentation ancienne du backpackers comme blanc, selon Peggy Teo et Sandra Leong (2006), a partiellement rendu invisible ces groupes non-occidentaux notamment à l’œil des chercheurs, généralement occidentaux, qui se focalisaient sur des voyageurs semblables à eux. Les origines sociales seraient également plus étendues. Par exemple les séjours prolongés de Français de classes populaires, identifiés comme « jeunes de banlieue », en Thaïlande ont récemment été médiatisés (Ouamrane 2012). Enfin, l’une des évolutions les plus marquantes du phénomène est l’émergence des « flashpackers », définis par J. Jarvis et V. Peel (2010) comme des voyageurs indépendants, plus âgés, non plus étudiant mais voyageant dans le cadre d’une pause dans leur carrière, ou de vacances prolongées, disposant de plus de ressources, mais cherchant à voyager comme les backpackers. Cette évolution est également marquée par une forte modification des conditions du voyage et notamment des interactions sociales dans un cadre de connectivité accrue (Molz 2012).

Ces évolutions du phénomène correspondent également à des évolutions dans les angles de recherches adoptés. Le champ a été dominé pendant longtemps par des travaux socio-anthropologiques. Les chercheurs ont alors identifié le backpacking comme une sub-culture du tourisme (Sørensen 2003), liée à des normes et valeurs spécifiques, se référant à l’idéal du drifter. E. Cohen, précurseur des études sur les backpacking proposait en 1972 de distinguer 4 types de touristes, ceux inscrits dans le tourisme de masse, en autonomie, ou séjour organisé, les explorateurs, et en dernier lieu, les drifters, définis de la sorte :

« This type of tourist ventures furthest away from the beaten track and from the accustomed ways of life of his home country. He shuns any kind of connection with the tourist establishment, and considers the ordinary tourist experience phony. He tends to make it wholly on his own, living with the people and often taking odd-jobs to keep himself going. He tries to

live the way the people he visits live (…). The drifter has no fixed itinerary or timetable and no well-defined goals of travel. He is almost wholly immersed in his host culture. Novelty is here at its highest, familiarity disappears almost completely. » (ibid, p. 168)