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Étape 4 La modélisation

4.9 Critères de rigueur et de scientificité

L’analyse des données qualitatives ne peut s’envisager uniquement par l’application de procédures de codage et doit permettre de développer une façon de penser les données et le monde dans lequel elles s’inscrivent (Strauss & Corbin, 2004). En ce sens, il importe de maintenir «un équilibre entre objectivité et sensibilité», car s’il est nécessaire d’analyser avec rigueur les données, il convient aussi d’être flexible et créatif (Strauss & Corbin, 2004, p.67). L’objectivité est nécessaire pour arriver à une interprétation la plus juste et précise possible des événements, alors que la sensibilité est nécessaire pour poser des questions stimulantes, percevoir les nuances ou le sens des données, nommer avec pertinence les catégories et reconnaître les relations entre les concepts (Strauss & Corbin, 2004). Aussi, dans cette démarche, nous avons eu la préoccupation de répondre à des critères de rigueur et de validité afin que les résultats soient crédibles et aient une certaine valeur tant auprès des gens de la pratique que du monde de la recherche.

Les critères de scientificité peuvent différer selon l’épistémologie à laquelle la chercheuse, ou le chercheur, adhère et leur définition, de même que leur appellation, varient aussi très souvent d’un auteur à un autre (Drapeau, 2004; Savoie-Zajc, 2009b). De façon générale, selon Lessard-Hébert, Goyette et Boutin (1996), lorsqu’il est question de critères scientifiques, que ce soit en méthodologie quantitative ou qualitative et interprétative, on réfère à des critères d’objectivité, de validité et de fidélité. Toutefois, dans un souci de coller davantage à la réalité d’une démarche de recherche qualitative et interprétative, et d’utiliser un langage qui lui est propre (Golafshani, 2003; Savoie-Zajc, 2004), des auteurs comme Guba et Lincoln (1982) et Lincoln et Guba (1985) ont formulé des critères de rigueur plus spécifiques à cette épistémologie. En ce sens, en se basant sur les travaux de ces auteurs, les critères de crédibilité, de transférabilité, de fiabilité et de confirmabilité sont généralement utilisés lorsqu’il est question d’une démarche de recherche qualitative et interprétative (Anadón, 2006; Fortin & Gagnon, 2015; Savoie-Zajc, 2004).

Le critère de confirmabilité, ou neutralité, renvoie à l’objectivité dans les données et leur interprétation (Fortin & Gagnon, 2015). En recherche qualitative, comme l’expliquent Strauss et Corbin (2004, p.68), l’objectivité ne veut pas dire le contrôle des variables, mais plutôt «une ouverture, une volonté d’écouter et de “donner la parole” aux interviewés». C’est donc davantage une question d’être capable de représenter honnêtement les données en donnant une voix indépendante aux acteurs du terrain de celle du chercheur, et ainsi minimiser les biais induits par ce dernier (Miles & Huberman, 2003; Strauss & Corbin, 2004). Dans le cas présent, l’utilisation des cartes conceptuelles interactives, avec les extraits de codage intégrés, fut un outil qui a contribué à garder, dans la mesure du possible, à distance nos propres points de vue de ceux exprimés par les participantEs. De plus, nous avons tenté de maintenir une attitude vigilante et critique tout au long du travail, tant sur le terrain qu’au moment de l’analyse, afin de ne pas biaiser les données issues des entretiens.

Le critère de fiabilité, qui correspond à celui de fidélité, renvoie à la stabilité des données (Fortin & Gagnon, 2015), dans le sens où il y a «cohérence entre les résultats et le déroulement de l’étude» (Savoie-Zajc, 2004, p.143). Ce critère de fiabilité a été respecté dans la mesure où nous avons eu le souci d’assurer un fil conducteur tout au long de la démarche, mais aussi de garder des traces permettant de justifier les choix et les décisions qui l’ont orienté. Dans cette optique, nous avons documenté du mieux possible ce qui caractérisait la réalité sur le terrain par le biais de prises de notes dans le journal de bord et rapporté l’essentiel dans le rapport de recherche.

Enfin, la fiabilité des données est essentielle afin d’en assurer la crédibilité, qui cherche quant à elle à savoir si les données ont une valeur de représentation des phénomènes étudiés (Fortin & Gagnon, 2015). En fait, la crédibilité soulève la question de savoir si «le sens attribué au phénomène est plausible» (Savoie-Zajc, 2004, p.143) et si les interprétations élaborées par le chercheur sont bien «révélatrices de l’expérience vécue» par les participants (Fortin & Gagnon, 2015, p.377). Si dans notre cas le critère de transférabilité s’applique plus ou moins dans le sens où nous ne cherchions pas à convaincre de la possibilité de reproduire les résultats de la recherche dans un autre milieu, celui de la crédibilité est fondamental. Comme le souligne Drapeau (2004, p.79), «la valeur d’une recherche scientifique dépend étroitement de l’habileté du chercheur à démontrer la crédibilité de ses découvertes». La

recherche qualitative tire d’ailleurs sa force de sa capacité à susciter la conviction de la communauté scientifique de la valeur de représentation des interprétations fournies, et ce, malgré des échantillons restreints et un «caractère local» de l’étude (Mukamurera et al., 2006, p.111).

Soulignons finalement que les critères de confirmabilité et de fiabilité seront en un sens validés par les chercheurEs membres du comité de cette thèse. Ces personnes représentent la communauté scientifique et ont pour rôle de valider notre utilisation de la théorie et de la méthode, et de déterminer si le résultat est significatif, «c’est-à-dire s’il est adéquatement articulé et analysé avec le cadre théorique ou méthodologique partagé» (Hallée, 2011, p.67- 68). Il existe plusieurs procédures visant à atteindre un degré satisfaisant de validité et dans notre cas, la technique du retour aux acteurs a été retenue. Cette démarche sera discutée plus en détail dans la section qui suit.