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II. MATÉRIEL ET MÉTHODE

III.3 CRITÈRES DÉTERMINANT LE CHOIX DU LIEU DE RÉGULATION

Les régulateurs libéraux ont le choix de pratiquer la régulation soit au centre 15 du SAMU d’Evreux, soit de façon déportée depuis leur domicile ou leur cabinet.

III.3.1 Une réticence initiale vis-à-vis de la régulation déportée

Dans un premier temps, les gardes de régulation devaient obligatoirement être effectuées au SAMU. Il était donc difficile d’évaluer les avantages et inconvénients de la garde déportée dans la mesure où les médecins régulateurs n’en avaient aucune expérience préalable. Ainsi, lorsque la possibilité de pratiquer de façon déportée a été ouverte aux régulateurs, elle n’a pas immédiatement suscité un enthousiasme débordant.

« Je n’avais pas mesuré la différence que ça pouvait être. Je n’étais pas plus convaincu que ça ; et je le reconnais, c’était un défaut d’appréciation ».

La possibilité de pratiquer la régulation seul chez soi, isolé de l’équipe du SAMU, générait chez certains une forme d’appréhension. Ils marquaient donc une préférence a priori pour la régulation au centre 15.

« J’étais à fond pour la régulation sur place au début, vraiment. (…) J’ai eu un peu de mal à passer le cap de la régulation à domicile. Parce que je ne me sentais pas prêt ; même si les conditions de travail au SAMU étaient mauvaises».

Cette appréhension était telle que pour plusieurs médecins régulateurs, la première expérience de la régulation déportée résulte d’un évènement impromptu qui les a empêchés de se rendre au centre 15.

« Un jour je n’ai pas pu y aller pour une raison technique (…) je me suis retrouvée à être obligée de réguler de chez moi (…). J’ai bien stressé l’heure précédente et en fait ça s’est superbement bien passé ».

III.3.2 Les avantages de la régulation déportée

Dans un deuxième temps, les régulateurs ont pu expérimenter la régulation déportée et ainsi en apprécier concrètement les bénéfices.

III.3.2.1 Les avantages liés au confort du régulateur

Le premier avantage de la régulation déportée est lié au confort matériel dont bénéficient les régulateurs à domicile et qu’ils ne retrouvent pas au centre 15.

« On a des sièges qui sont infâmes… on n’a pas de coins pour se poser ».

La régulation à domicile permet aussi de mettre à profit le temps entre chaque appel pour réaliser d’autres travaux, ce qui est plus difficile voire impossible au centre 15 compte-tenu de l’environnement.

« Être chez soi, ça permet de faire autre chose. Tout ce qui est administratif, compta, je le fais pendant mes gardes ».

Par ailleurs, la régulation déportée offre l’opportunité de pouvoir dormir entre chaque appel.

« Je régule dans mon lit et je me rendors entre chaque appel ».

Les régulateurs notent, à l’inverse qu’il est plus difficile de se reposer au SAMU, ce qui rend la garde plus épuisante ; d’une part en raison de l’absence vivement regrettée de chambre prévue pour le régulateur libéral d’autre part en raison du bruit ambiant au CRRA.

« Le médecin régulateur de médecine générale n’a même pas de chambre. Je trouve ça scandaleux […] Ça sonne tout le temps, c’est impossible de dormir ».

Enfin, la régulation déportée permet d’éviter le trajet vers le centre 15 et surtout le retour potentiellement dangereux après une nuit sans sommeil.

« Le matin, quand tu n’as pas dormi et qu’il faut se taper 70 bornes, c’est quand même dangereux ».

III.3.2.2 Les avantages pour la qualité de l’exercice

La régulation à domicile permet de travailler dans un environnement sonore plus calme qu’au CRRA, ce qui garantit une meilleure qualité d’écoute.

« À domicile, il n’y a pas de conversation parasite autour. Parce qu’il y a du monde quand même là-bas. Il y a 3 ou 4 PARM, le régulateur hospitalier, les ambulanciers... Au 15 le niveau sonore est rédhibitoire ».

Le fait d’être en dehors du CRRA permet aussi de ne pas être atteint par le stress lié aux pics d’activité. Les régulateurs estiment qu’ils sont plus efficaces s’ils ignorent les appels en attente et un possible engorgement des appels.

« Chez toi, tu n’as pas conscience de ce qui est en attente, tu es au calme et tu les prends un par un…On est moins parasité par l’hystérie, par l’émotionnel qui peut régner au 15 ».

III.3.3 Les avantages de la régulation au centre 15

Si la régulation déportée offre des avantages, notamment en termes de confort, les régulateurs considèrent que la régulation au sein du SAMU en présente d’autres, principalement en terme de qualité de travail.

Bien que la régulation d’un appel reste un exercice individuel, certains estiment que le fait d’être entouré procure un sentiment de sécurité.

« C’est toujours plus rassurant d’être au SAMU (…) même si on ne travaille pas en équipe, il y a cet esprit d’équipe qui nous fait défaut quand on est seul à la maison ».

Par ailleurs, certains estiment que la proximité du PARM permet, par communication non verbale, d’accélérer la prise en charge des appels.

« J’apprécie, quand je suis au 15, de pouvoir communiquer visuellement et avec des signes avec les PARM. Ça permet déjà d’éluder certaines choses ».

La régulation au centre 15 est aussi vue comme un moyen d’instaurer une certaine confiance avec les PARM et ainsi d’améliorer les relations de travail. C’est pourquoi la plupart des adeptes de la régulation déportée estiment qu’il est nécessaire de venir réguler parfois au SAMU.

« C’est important quand on les appelle le soir qu’elles aient un visage(…) on a déjà travaillé ensemble, il y a un respect ».

Outre les avantages offerts par l’une ou l’autre option, d’autres critères déterminent le choix du lieu de régulation. La régulation déportée nécessite une connexion ADSL et la maitrise de l’outil informatique.

« Je suis totalement nul en informatique alors je régule au SAMU ».

La crainte d’une défaillance technique peut aussi inciter à pratiquer la régulation au centre 15.

« Dans le système de la garde déportée, ce qui peut me stresser, c’est la panne technique, c’est la coupure d’électricité ou l’informatique qui plante ».

La charge de travail, nettement plus importante le week-end qu’en semaine, influe aussi sur le choix des régulateurs. La fréquence soutenue des appels ne permet alors pas de bénéficier de tous les avantages inhérents à la régulation déportée

« Le dimanche c’est lourd, et moi je préfère aller là-bas ».