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II. MATÉRIEL ET MÉTHODE

III.7 PERFORMANCES ET LIMITES DU SYSTÈME

III.7.3. Conséquences pour la société

III.7.3.1 Un système jugé efficient

La mise en place d’une régulation avait pour objectif de diminuer la charge de travail des médecins, notamment en limitant les consultations injustifiées. Or si ces consultations sont injustifiées, le coût qu’elles engendrent l’est aussi. Le législateur, en instituant une régulation, entendait donc réduire les coûts de la permanence des soins par la diminution du nombre de consultations.

Les régulateurs jugent que l’organisation choisie dans l’Eure est particulièrement efficace dans ce domaine. Contrairement à ce qui se pratique dans d’autres départements, la régulation de la permanence des soins n’est assurée que par des médecins généralistes libéraux. Or, les régulateurs libéraux jugent qu’ils ont moins recours à l’effecteur que ne l’auraient des régulateurs hospitaliers, ce qui permettrait de limiter au maximum le nombre de consultations.

« On sait les rassurer, les calmer parce qu’on fait ça toute la journée dans notre cabinet (…). Le régulateur du 15, les gamins qui ont de la fièvre, il les enverrait tous aux urgences ».

Ce sentiment de performance de la régulation s’appuie sur le retour d’information positif des effecteurs. En effet, ces derniers peuvent, via une fiche informatique, indiquer si leur diagnostic confirme les hypothèses du régulateur et si la consultation se justifie. Ils déplorent cependant que les effecteurs soient trop peu nombreux à remplir cette fiche.

« La plupart du temps, ceux qui remplissent la fiche effecteur, ils marquent que ça correspondait (…). Mais bon, il n’y en a pas beaucoup qui la remplissent ».

Ainsi, les régulateurs estiment qu’une régulation performante permet l’absence d’effecteur libéral en nuit profonde. Or, une astreinte de garde effectrice donne droit à une indemnité de 100 euros sur la tranche entre minuit et 8 heures du matin. Cette absence d’effecteur permet donc, selon eux, de réaliser une économie substantielle.

« La sécu est bénéficiaire (…), l’abandon de l’astreinte la nuit sur les 12 secteurs, ça fait 1 200 euros par nuit économisés ».

Même s’ils avaient des effecteurs libéraux à leur disposition, les régulateurs déclarent qu’ils auraient recours à l’effecteur public pour les rares cas où une consultation s’imposerait, plutôt que de déranger leur confrère libéral.

« À 3 heures du matin, c’est évident que je n’irais pas déranger mon collègue qui travaille le lendemain. Clairement le patient je l’enverrais aux urgences ».

Ainsi, les régulateurs jugent que dans certains départements, la garde effectrice en nuit profonde serait davantage maintenue pour permettre aux effecteurs de percevoir des indemnités d’astreinte que pour répondre à un besoin réel de la population. La certitude de toucher l’indemnité d’astreinte combinée au risque minime d’être dérangé grâce à la régulation rendrait la garde attractive.

« On pourrait tous gagner 100 euros la nuit à ne rien faire (…). À Carcassonne ils ont des secteurs de garde à 3, ce qui fait qu’ils touchent 100 euros de garde toutes les 3 nuits, alors qu’avec la régulation ils ne font pas d’actes ».

Enfin, les régulateurs libéraux citent l’absence de maison médicale de garde dans le département pour souligner les performances économiques du système, ces structures étant considérées extrêmement coûteuses.

« On était opposé à la maison médicale de garde dès le départ (…) ça coûte une fortune, c’est complètement déficitaire ».

Les régulateurs ont donc l’impression de participer à un système vertueux économiquement, tant par rapport à leur ancienne organisation que par rapport à celle pratiquée dans d’autres départements.

III.7.3.2 Conséquences sur la démographie médicale

Les régulateurs jugent que l’ancienne organisation du système de permanence des soins était de nature à décourager l’installation de jeunes généralistes dans un département rural comme l’Eure. En effet, ils jugent que la nouvelle génération de médecins n’était pas prête à assumer la charge de travail induite par la répétition des gardes.

« Dans les campagnes, les gardes étaient une astreinte lourde qui revenait beaucoup (…). Et c’était une menace pour que les médecins ne fassent plus le choix de s’installer à la campagne ».

Ainsi, en limitant la charge de travail liée aux gardes, les régulateurs ont le sentiment que ce nouveau système va aider à préserver la densité de médecins généralistes dans le département. D’une part en rendant l’installation plus attractive.

« Grâce à notre système, on peut espérer qu’on va pouvoir ramener des jeunes généraliste dans notre département ».

D’autre part en incitant les médecins les plus âgés à prolonger leur activité au-delà de ce qu’ils avaient prévu.

« Ça peut avoir une influence sur le fait de ne pas décrocher et de maintenir les performances de démographie médicale du département ».

III.7.3.3 Conséquences en matière de santé publique

Les régulateurs ont le sentiment de participer à un système efficace répondant bien aux attentes de la population et qui a permis de limiter les coûts. Cependant, certains se demandent si la participation des médecins libéraux à la permanence des soins est indispensable. Lors de la grève de l’hiver 2001-2002, la permanence des soins a reposé uniquement sur les médecins hospitaliers, et certains régulateurs jugent qu’il n’y a pas eu de préjudice en matière de santé publique.

« La grève que nous avons faite il y a 5 ans nous a montré que nous pouvions très bien fonctionner sans permanence des soins (…). Si pendant les 3 mois qui viennent, il n’y a plus d’effecteur ni de régulateur libéral, je ne suis pas sûr qu’on aura une augmentation de la mortalité nocturne ou infantile dans l’Eure ».