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Cristaux phononiques et réfraction négative

Dans le document Acoustique des milieux bulleux (Page 128-130)

3.2 Réfraction négative : conception d’une lentille plate

3.2.1 Cristaux phononiques et réfraction négative

La communauté des cristaux photoniques s’est développée à la fin des années 80 [16, 17] ; celle des cristaux phononiques au début des années 90 [18, 19]. Ces der- niers consistent en des arrangements périodiques d’inclusions présentant un contraste en densité ou en compressibilité avec leur milieu hôte et de paramètres de maille du même ordre de grandeur que la longueur d’onde (voir figure 3.11). Ils permettent d’ob-

Figure 3.11 – Représentation schématique de cristaux phononiques 1D, 2D et 3D. Chaque couleur est associée à des propriétés acoustiques (ρ et χ) différentes. Repro- duction de [20]

tenir un certain nombre de propriétés découlant de l’interférence, dite de Bragg, entre le champ excitateur et les différents ordres de diffraction associés au cristal. Du point de vue chronologique, c’est l’ouverture de bandes interdites absolues qui fut la pre- mière avancée significative dans le domaine. Notons d’ailleurs que le phénomène avait été observé par Neumann [21], Stokes [22] et évoqué par Rayleigh [23] avant même le développement du formalisme de la physique des solides et la contribution majeure de Bloch [24]. Depuis, d’autres types d’applications ont pu être mises en avant. On peut notamment évoquer le guidage permis par l’introduction de défauts [25, 26] ou encore la possibilité de combiner les effets de Bragg et d’hybridation afin de contrôler profondeur et largeur de la bande interdite. La dernière possibilité a été notamment explorée dans le cas de cristaux de bulles [14, 27, 28]. Mais l’application qui nous intéressera est celle consistant à concevoir un matériau d’indice négatif.

La première démonstration a été apportée par Yang [29] en 2004. L’idée consiste à tirer parti des propriétés d’un cristal constitué de billes de carbure de tungstène de 0.8 mm de diamètre réparties selon un arrangement périodique tridimensionnel cubique à faces centrées (CFC). Nous allons nous appuyer sur les résultats issus de ces travaux afin d’introduire les propriétés du cristal qui nous intéressera par la suite. On a représenté, en figure 3.12, sa cellule unité, sa première zone de Brillouin ainsi que sa courbe de dispersion (issue de [30]). Cette dernière exhibe une bande inter- dite absolue pour les fréquences de l’ordre du mégahertz. Au delà de cette région, la partie réelle du nombre d’onde diminue lorsque l’on augmente la fréquence. Cela signifie que la vitesse de groupe est négative. Ce constat peut surprendre puisqu’il semble contredire le principe de causalité. Mais il s’agit simplement de la conséquence

Figure 3.12 – (a) Cellule unité associée au réseau cubique faces centrées (CFC). (b) Première zone de Brillouin associée (faces bleues) et zone de Brillouin irréductible (traits rouges). (c) Courbe de dispersion pour un cristal de billes de carbure de tungs- tène de 0.8 mm de diamètre réparties aux nœuds d’un cristal CFC. Figure reproduite de [30]. La ligne horizontale rouge indique la fréquence de travail choisie dans [29] (1.57 MHz).

du choix qui consiste à représenter la structure de bande dans la première zone de Brillouin : la pente négative observée est simplement le résultat d’un effet de replie- ment. Remarquons également que, pour les fréquences immédiatement supérieures à 1.5 MHz, la courbe de dispersion ne prédit qu’une seule bande propagative ce qui simplifie l’étude du phénomène. Pour cette raison, les auteurs de [29] ont choisi de travailler à 1.57 MHz. On peut alors prévoir la réfraction à l’interface entre l’eau et le cristal en s’appuyant sur le tracé des contours isofréquence. Pour les raisons que l’on a évoquées, on ne peut pas se contenter des contours correspondants à la première zone de Brillouin. Il convient ici de se reporter à la zone étendue. Sur la figure 3.13, on a représenté l’interface air-eau (trait vertical vert) sur laquelle on dispose le point Γ cor- respondant à l’origine du réseau réciproque. Comme dans [29], le cristal est orienté de manière à ce que la direction ΓL corresponde à la normale à l’interface. On peut alors représenter les contours isofréquence correspondants à la zone de Brillouin étendue pour l’eau (cercle bleu) ainsi que pour le cristal (contours noirs). On applique ensuite la loi de Snell-Descartes qui impose la conservation de la composante tangentielle du vecteur d’onde (symbolisée par les pointillés noirs) de façon à déterminer le vecteur d’onde kkk à l’intérieur du cristal. Une fois la solution obtenue, on peut également dé- terminer la vitesse de groupe via la relation vg(ω) = gradkω. La vitesse sera donc

orthogonale aux contours isofréquence et, dans le cas présent, orientée vers l’intérieur de ces derniers puisqu’ils se contractent lorsque la fréquence augmente. Ici, la vitesse de groupe pointe vers la normale à l’interface. Le champ réfracté se situera donc du même côté de cette normale que le champ incident, ce qui constitue un témoignage de la réfraction négative.

De cette manière, les auteurs sont ainsi parvenus à focaliser derrière le cristal faisant ainsi la démonstration que celui-ci se comporte comme une lentille plate. Dans cet exemple, la qualité de la focalisation reste cependant limitée du fait de la forte ani-

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Figure 3.13 – Résolution graphique de la loi de Snell-Descartes dans le plan (ΓL, ΓK). Les contours isofréquence sont issus de [29].

sotropie des contours isofréquence. Les vecteurs d’onde participant à la focalisation ressentiront tous des indices de réfraction différents. Il s’ensuit un étalement de la tache focale le long de l’axe de propagation. De plus, le champ incident sera partiel- lement réfléchi du fait de la rupture d’impédance à l’interface.

Signalons que ces deux difficultés ont pu être levées en utilisant un cristal phononique 2D de tiges d’acier disposées selon une maille triangulaire [31, 32]. Enfin, des travaux plus récents [33] montrent que l’association de la réfraction négative avec un mode de volume résonant au sein du cristal permettait de faire contribuer le champ évanescent à la focalisation qui devient alors super-résolue. Une démonstration équivalente a été proposée pour les ondes élastiques [34].

3.2.2

Une nouvelle approche combinant résonances individuelles

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