• Aucun résultat trouvé

nationales et européennes

3- Face à la stigmatisation et aux difficultés : Le nécessaire regroupement des tabaculteurs européens au sein de l’UNITAB des tabaculteurs européens au sein de l’UNITAB

3.2 Création et de l’organisation communautaire tabacole : l’UNITAB29 l’UNITAB29

La naissance de l’organisation européenne, l’UNITAB, doit beaucoup à la fédération nationale des producteurs de tabac français. Le seul fait, qu’en Europe, des agriculteurs cultivent une même plante, ne constitue pas une condition suffisante pour expliquer l’émergence et la cohésion d’une organisation.

Au niveau communautaire, les planteurs européens se rassemblent au sein de l’UNITAB dès 1952. Son secrétariat se trouve à Paris, dans les lieux mêmes de la FNPT. A plusieurs reprises, la fédération italienne a souhaité se charger du secrétariat européen, cependant la France et la plupart des autres pays européens s’y sont refusés de peur que l’UNITAB ne devienne une instance de représentation des intérêts italiens. Cette opposition n’empêche toutefois pas la France de profiter parfois de sa position pour mettre davantage en valeur les intérêts français dans les sphères communautaires sous l’égide de l’UNITAB.

145

Créée à l’origine dans le but d’améliorer les techniques de production en Europe, l’UNITAB rassemble alors les tabaculteurs français, allemands et suisses. Cette dernière particularité explique d’ailleurs l’appellation de l’association puisqu’elle est officiellement une union internationale des tabaculteurs. Ces trois pays ne bénéficient pas de conditions climatiques très favorables à la culture du tabac. Ils tentent ainsi, conjointement à la phase de transformation de l’agriculture menée en France à partir de 1950, de moderniser les structures de production du tabac et d’augmenter leur productivité. De cette façon, les planteurs découvrent la situation de leurs homologues, et échangent diverses informations techniques. Notons que l’Italie ne participe pas à la création de l’UNITAB. Son volume de production est nettement supérieur à celui des trois pays membres. L’organisation européenne est pour l’Italie un lieu où les organisations s’échangent des innovations techniques afin de compenser les difficultés liées à la météorologie de ces pays « du nord ». Son climat paraît beaucoup plus propice à la culture du tabac, il lui semble ainsi peu utile de s’affilier à l’UNITAB. Les groupes tabacoles transalpins se sentent parfaitement sécurisés par le monopole italien, et ne cherchent pas à améliorer leur productivité grâce au progrès technique. De plus, les planteurs italiens ne disposent pas, comme c’est le cas en France et en Allemagne d’une organisation très structurée et indépendante des autres maillons de la chaîne de production des cigarettes.

Peu à peu, l’Europe se construit, et à partir de 1962 le secteur tabacole dépend de la PAC et des décisions prises à Bruxelles. L’Italie entre à l’UNITAB en 1966, et chacun fait part de ses inquiétudes à ses homologues. En RFA et en Belgique, l’ensemble des opérations ayant trait au tabac est libre : la production est vendue aux enchères. En Italie, l’organisation de la culture est assurée par le monopole d’Etat (Administration du monopole) qui s’engage, comme en France, à acheter la totalité de la production. Peu à peu la construction européenne se renforce et c’est à l’UNITAB que les planteurs échangent leurs craintes relatives à la création de l’OCM tabac. L’organisation européenne devient alors un lieu de représentation politique. En 1969 a d’ailleurs lieu une manifestation coordonnée avec les planteurs belges, allemands, français et italiens. 12 000 planteurs français

146

se mobilisent à Souillac pour le maintien du monopole d’Etat30. 20 000 en Ombrie. Plusieurs milliers de planteurs germaniques et du Benelux organisent également des manifestations. La mobilisation est née à l’UNITAB, et les différentes organisations nationales ont coordonné leurs actions auprès de leur propre gouvernement. On peut remarquer que les revendications, d’un pays à l’autre, n’étaient pas exactement identiques. Toutefois, elles critiquaient toutes vivement la fin des monopoles dans les pays concernés, et demandaient la préservation du revenu des planteurs. Cette première protestation de rue des planteurs européens renvoie aux études de Sidney Tarrow31 sur les différentes formes de mobilisation. On observe ici une action internalisée, puisque chaque groupe professionnel s’adresse à son gouvernement respectif pour que celui-ci protège les intérêts des tabaculteurs à Bruxelles. Il s’agit, conformément aux travaux de Doug Imig et Sidney Tarrow32, d’une forme coopération transnationale dans la mesure où « les individus de différents pays s’unissent pour des campagnes de protestation liées et coordonnées dans plusieurs Etats contre un adversaire commun ». Ainsi les tabaculteurs européens ont organisé de façon coordonnée sur leur territoire des actions de protestation contre la proposition de réforme de la Commission afin de sensibiliser leur propre gouvernement.

L’UNITAB, en tant qu’organe de représentation européen a favorisé l’émergence de cette mobilisation. L’unité symbolique de l’UNITAB a pu émerger, tout en permettant aux intérêts fractionnels, ici nationaux, de s’exprimer sans remettre en question la légitimité du groupement. Les intérêts particuliers ont été en effet mis en discours, dans un langage universalisant à savoir la défense des revenus des planteurs. La production de ce discours a permis de neutraliser la diversité et l’hétérogénéité des intérêts des planteurs. Les différentes représentations sociales des tabaculteurs européens avaient au moins en commun de reposer sur la croyance partagée en l’existence objective d’une catégorie : « Nous, les producteurs de tabac européen », même si les conditions de production et le poids économique du secteur entre chaque pays étaient fortement

30 La Voix des cultures, avril 1969.

31 Tarrow Sidney, « La contestation transnationale », Cultures et Conflits, n° 38-39, 1998. 32 Imig Doug, Tarrow Sidney (eds), 2001, op. cit.

147

hétérogènes. Lors de la première manifestation européenne des tabaculteurs, en 1969, les tabaculteurs commencent à prendre conscience de l’existence d’un nouveau groupe, celui des planteurs européens.

3.3 L’UNITAB : une association au fonctionnement souple en quête

Outline

Documents relatifs