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Courbure des trajectoires en théorie newtonienne de la gravitation

Dans le document Relativité générale (Page 53-58)

Apparemment donc, on pourrait forcer un objet quelconque à réfléchir la lumière qu’on lui envoie, pourvu que l’on utilise une longueur d’onde suffisamment courte. Sauf que, au- delà d’une certaine fréquence, les photons utilisés se trouveront assez énergiques pour créer des paires particule-antiparticule de masse m ! Cela se produira pour une longueur d’onde λC telle que ¯hc/λC ≃ mc2, où ¯h est la constante de Planck. C’est la longueur d’onde de

Compton. Une particule de masse m et de dimension

l ≤ lC =

¯ h

mc (2.27)

doit être décrite par la théorie quantique des champs.

A l’échelle astronomique on a lS ≫ lC. Pour les électrons, protons etc., on a lC ≫ lS.

En combinant (2.26) et (2.27), on détermine les échelles de masse et de dimension à partir desquelles la relativité générale et la théorie quantique des champs doivent simultanément être prises en compte :

l ≃ Gmc2mc¯h . On en déduit m ≃ mP = s ¯ hc G = 2.18 × 10 −8 kg, l ≃ lP = s ¯ hG c3 = 1.62 × 10 −35 m. (2.28)

Les quantités mP et lP, appelées respectivement la masse et la longueur de Planck, caracté-

risent une physique encore totalement inconnue. La longueur de Planck vaut essentiellement le rayon de Schwarzschild d’un trou noir de masse égale à la masse de Planck : c’est la masse du plus petit trou noir qui puisse être décrit sans recourir à la théorie quantique des champs.

2.8

Courbure des trajectoires en théorie newtonienne de la

gravitation

Considérons une particule astreinte à se mouvoir dans un champ de gravitation new- tonien, homogène et constant (figure 2.5). Notons Vx et Vz les composantes x et z de la

vitesse initiale. La trajectoire est caractérisée par un temps de chute cT = 2cVz/g,

une hauteur maximale atteinte

h = (Vz)2/(2g)

et une distance horizontale parcourue

e = 2VxVz/g.

Si Vx ≪ c, alors e ≪ cT et la longueur

e2+ c2T2 de la projection de la trajectoire

spatio-temporelle dans le plan (x, ct) est à peu près égale à cT . D’autre part, si Vz ≪ c

Figure 2.5: Trajectoire parabolique d’une particule dans un champ de gravitation newtonien, homogène et constant.

d’approximer la trajectoire par un arc de cercle7, comme le montre la figure2.6. En effet,

on a

h = R [1 − cos(θ/2)] ∼= R θ2/8 cT = 2R sin(θ/2) ∼= R θ et, par conséquent,

R ∼= c

2T2

8h , θ ∼= 8h cT.

Figure 2.6: Si Vz≪ c alors h ≪ cT et donc θ ≪ 1.

Combinant ce résultat avec les valeurs données plus haut pour h et cT , on trouve R ∼= c

2

g, θ ∼= 2Vz

c .

2.8 Courbure des trajectoires en théorie newtonienne de la gravitation 45

Le rayon du cercle ne dépend que du champ de gravitation, et pas des conditions initiales !8

Dans le cas de la Terre, il vaut à peu près une année-lumière. Attention, l’espace-temps euclidien à trois dimensions dans lequel cette quantité est évaluée n’est pas l’espace-temps de Minkowski : en effet, le temps y est traité sur un pied d’égalité avec les dimensions spatiales (utilisation du théorème de Pythagore). Néanmoins, on retrouve la longueur ca- ractéristique associée au mouvement d’une particule uniformément accélérée dans l’espace- temps de Minkowski, étudié ci-dessus. Rappelons que tous les points de la trajectoire sont alors situés, sans approximation, sur une branche d’hyperbole (c’est-à-dire un « cercle » dans l’espace-temps de Minkowski), à la distance c2/g de son centre.

Le carrousel d’Einstein

3.1

Position du problème

Soit l’espace-temps de Minkowski à deux dimensions spatiales, rapporté à des coordon- nées cartésiennes (ct′, x, y). Dans le système des coordonnées polaires (r, ϕ), l’élément

de longueur s’écrit

ds2 = −c2dt′2+ dr′2+ r′2dϕ′2. (3.1) Supposons qu’une plate-forme tournante (figure 3.1) se meuve avec la distribution de vi- tesses orthoradiale ~V (r′) de module

V (r′) = ωr′, r′ < c/ω. (3.2)

O

x

y

b

(r

, ϕ

)

V~

Figure 3.1: Le carrousel d’Einstein. On y associe souvent le nom d’Ehrenfest.

Nous nous proposons de doter ce carrousel d’un système de coordonnées et d’y étudier le ds2, en insistant sur le fait que la question ne sera envisagée ici que du point de vue cinéma-

3.1 Position du problème 47

peut être obtenue pratiquement. Ce point est, en effet, beaucoup plus délicat en physique relativiste qu’en physique newtonienne, où l’on peut admettre une interaction instantanée entre l’axe de rotation et les différentes particules solidaires constituant le disque solide. Nous ne nous traiterons donc pas de la dynamique du problème [par exemple, la répartition des tensions à l’intérieur du carrousel pour la loi (3.2)] : il nous suffit d’admettre que le disque est constitué de petits éléments rigides dont chacun a reçu la consigne de se déplacer selon la loi (3.2). En d’autres termes, l’objet de notre étude n’est pas tant le corps matériel rigide en rotation que le mouvement de rotation rigide.

Ce problème a joué un rôle important dans l’édification de la relativité générale. Ein- stein en parle dans plusieurs de ses écrits fondamentaux.1

Il faut en effet remarquer qu’on y voit apparaître certains concepts de base de la théorie :

- utilisation de coordonnées générales, c’est-à-dire reliées à des coordonnées carté- siennes (inertielles) par une transformation non linéaire ;

- expression du tenseur métrique dans ces coordonnées ;

- en liaison avec cela, présence d’un champ de gravitation à bord de la plate-forme ; - courbure (des sections spatiales).

Soit le changement de variables

t = t′, r = r′, ϕ = ϕ′− ωt′. (3.3) Il permet d’associer des coordonnées (r, ϕ) constantes à toute particule fixe par rapport à la plate-forme tournante. Ces coordonnées, dites comobiles, sont commodes pour décrire les événements à bord de celle-ci. Cependant, t n’a manifestement pas de sens physique immédiat car nous savons que le temps propre marqué par une horloge dépend de sa vitesse, donc de sa distance à l’origine. D’autre part, on doit s’attendre à ce que la contraction des longueurs intervienne dans l’expression de la distance spatiale entre les particules. Il sera donc nécessaire d’interpréter les mesures physiques de temps et d’espace dans les coordonnées (3.3). Ce sera l’objet de la section 3.2.

Mais on peut dès à présent anticiper des subtilités résultant de la relativité de la simultanéité : par exemple, la synchronisation d’horloges s’avère impossible sur l’entièreté d’un cercle à distance R de l’origine ; sinon, on aboutirait à une contradiction. Admettons en effet que la transformation de Lorentz soit applicable localement dans la direction tangente au cercle. Alors, à un instant donné dans le référentiel « fixe », les diverses horloges du carrousel seraient censées accumuler, de proche en proche, des décalages temporels par rapport à une horloge de départ à laquelle on revient pourtant après avoir effectué un tour complet ! La figure 3.2résume et éclaire la situation.

1. Voir notamment

A. Einstein, La relativité, Petite Bibliothèque Payot, Gauthier-Villars, 1963, chapitre 23 ; A. Einstein, Quatre conférences sur la théorie de la relativité, Gauthier-Villars, 1971, pp. 52-55 ;

R. Adler, M. Bazin, M. Schiffer, Introduction to general relativity, International Student Edition, McGraw- Hill Kogakusha, 1975, pp. 120-124 ;

L. Landau, E. Lifchitz, Physique théorique, Tome 2, Théorie des champs, Mir, 1989, § 89 ; G. Pascoli, La gravitation, Que Sais-je ? 2489, Presses Universitaires de France, 1995, pp. 49-52 ;

J. Stachel, The Rigidly Rotating Disk as the "Missing Link" in the History of General Relativity, dans Einstein from ‘B’ to ‘Z’, Einstein Studies, Volume 9, Birkhäuser, 2002, pp. 245-260.

O

R ϕ

ct

b

2πR

c t

c t

x

b

c∆t

P

b

c∆t

Figure 3.2: Diagramme d’espace-temps pour les particules situées sur la circonférence de rayon R. Leur vitesse vaut V = ωR dans le référentiel inertiel (de coordonnée temporelle ct) par rapport auquel tourne le carrousel. Pour fixer les idées on a pris V /c = 3/5. Il faut imaginer que l’axe des abscisses est enroulé autour de la verticale de façon à faire coïncider les lignes d’univers (notées ct) des particules d’abscisse ϕ = 0 et ϕ = 2π. L’axe des x matérialise les événements simultanés, dans le référentiel du carrousel, à l’événement O situé à l’origine : on constate immédiatement que la synchronisation des horloges le long d’une ligne spatiale fermée est impossible, puisque P 6= O. La mesure de la circonférence est égale à 2πR dans le référentiel inertiel mais, mesurée dans le référentiel du carrousel (en gras sur l’axe des x), elle prend la valeur 2πR/p1 − V2/c2 en vertu de la contraction de l’espace. On en déduit le

« défaut de synchronisation » c∆t = 2πRV /[cp1 − V2/c2]. Il en résulte également c∆t =

2πRV /[c(1 − V2/c2)], conformément à la relation (3.14) qui sera démontrée plus loin.

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