• Aucun résultat trouvé

Champ de gravitation et courbure de l’espace

Dans le document Relativité générale (Page 79-82)

Les équations des géodésiques sur le tore s’obtiennent en annulant l’équation (4.18) et en y injectant les résultats (4.19), (4.20) et (4.21) :

0 = ϕ −¨ 2 b sin ψ

a + b cos ψ ϕ ˙˙ψ (4.22) 0 = ψ +¨ (a + b cos ψ) sin ψ

b ( ˙ϕ)

2 , (4.23)

où le point désigne la dérivée par rapport à s.

Par définition de la dérivée covariante, cet opérateur déploie les quantités ∇βV sur~

l’espace tangent à la surface au point considéré (~V est un champ vectoriel quelconque et β se rapporte à des coordonnées définies sur la surface). En particulier, pour les vecteurs de base {~eα} de l’espace tangent on peut donc écrire

∇β~eα= Γµαβ~eµ. (4.24)

Les fonctions Γµαβ, symétriques sur les deux indices du bas, sont appelées symboles de Christoffel. Dans le cas du tore, les symboles de Christoffel non nuls prennent les valeurs

Γϕϕψ= Γϕψϕ = −b sin ψ a + b cos ψ, Γ ψ ϕϕ= sin ψ (a + b cos ψ) b . (4.25)

4.11

Champ de gravitation et courbure de l’espace

Une analogie, inspirée d’une remarque de Poincaré,6

va nous permettre de mieux com- prendre l’interprétation du champ de gravitation en termes de courbure.

Considérons, en coordonnées polaires (r, ϕ), un plan soumis à un champ de température absolue proportionnelle à 1 + r2/R2, avec R constant. Imaginons que tous les corps y

admettent le même coefficient de dilatation, de sorte que la longueur de chacun se trouve instantanément multipliée dans toutes les directions par le facteur 1 + r2/R2. Attention,

nous supposons ici que le champ de température n’affecte pas l’écoulement du temps. Des êtres bidimensionnels vivant sur le plan, attribuant naturellement la longueur unité à une règle étalon quelles que soient sa position et son orientation, en déduiraient l’élément de longueur dl2= 1 (1 + r2/R2)2  dr2+ r2dϕ2. (4.26) Le changement de variables7

r = R1 − cos θsin θ ⇔ sin θ = 2r/R

1 + r2/R2 (0 < r, 0 < θ < π)

transforme cet élément de longueur en

dl2= (R/2)2dθ2+ sin2θ dϕ2.

6. H. Poincaré, La science et l’hypothèse, Flammarion, 1968, pp. 88-91. On y trouvera un remarquable exposé sur le conventionnalisme en géométrie et en mécanique.

Voir également R.P. Feynman, R.B. Leighton, M. Sands, The Feynman Lectures on Physics, Volume II, Addison-Wesley, 1975, § 42-1.

7. Ce changement de variables correspond à la projection stéréographique, à partir du « pôle nord », d’une sphère de rayon R/2 sur un plan tangent à la sphère au « pôle sud ». La coordonnée θ représente l’angle zénital, compté à partir du pôle sud, tandis que ϕ désigne la longitude habituelle.

Dans ces coordonnées, il apparaît clairement que des mesures locales intrinsèques à la sur- face mèneraient ses habitants à conclure que la géométrie de leur monde est celle d’une sphère de rayon R/2. (Remarquons que la courbure ne concerne que les dimensions spa- tiales.)

On remarquera d’ailleurs que le cercle centré à l’origine et de rayon physique l est le lieu des points de coordonnée radiale

r(l) = R tan(l/R). Sa circonférence a pour mesure

C(l) = 2πr(l)

1 + r2(l)/R2 = πR sin

2l R et la courbure gaussienne à l’origine est bien donnée par

K0 = 3 π liml→0 2πl − C(l) l3 = 4 R2.

Les géodésiques du plan chauffé, déterminées à l’aide des règles étalons dilatées, sont les grands cercles de la sphère.

Du point de vue physique, il est cependant possible de choisir un autre étalon de longueur, fondé sur la distance parcourue par la lumière en l’unité de temps.8

Si cette dernière est uniforme pour un observateur extérieur, les habitants de la plate-forme quant à eux la trouveront variable et pourront dès lors hésiter entre deux types de géométrie : non euclidienne s’ils choisissent pour étalon leur « mètre » dilaté et euclidienne si l’étalon de longueur est dérivé de la vitesse de la lumière.

Mais supposons que, du point de vue extérieur au plan, la vitesse de la lumière soit donnée par

v(r) = c (1 + r2/R2), donc qu’il existe un indice de réfraction

n(r) = 1 1 + r2/R2

tel que v(r) = c/n(r). Alors, compte tenu de la dilatation de leurs règles, les observateurs bidimensionnels mesureront en tout point une vitesse de la lumière égale à c.

Quel sera le mouvement de la lumière dans ces conditions ? D’après le principe de Fermat, le trajet de la lumière entre deux points donnés A et B doit être tel qu’il minimise le temps de parcours entre ces points, donc le chemin optique car

tAB = Z B A p dr2+ r22 v(r) = 1 c Z B A n(r)qdr2+ r22.

Or, le chemin optique est précisément égal à la distance mesurée sur la plate-forme à l’aide des règles dilatées puisque

Z B A n(r) q dr2+ r22 = Z B A dl.

8. C’est précisément le point de vue actuellement adopté en métrologie puisque, depuis 1983, le mètre est défini comme la 299 792 458e partie de la distance parcourue par la lumière en une seconde.

4.11 Champ de gravitation et courbure de l’espace 71

La lumière parcourt donc les géodésiques de l’espace courbe de métrique donnée par (4.26). Dans ces conditions, le caractère sphérique de l’espace s’imposerait aux habitants de la plate-forme comme l’interprétation la plus naturelle de toutes les mesures qu’ils peuvent y effectuer.

Ces résultats peuvent être interprétés dans un cadre spatio-temporel : les trajectoires de la lumière décrites ci-dessus sont, en fait, les géodésiques nulles de la métrique

ds2= −c2dt2+ 1 (1 + r2/R2)2



dr2+ r2dϕ2. Un théorème9

stipule en effet que la projection des géodésiques nulles de la métrique statique

ds2 = −g00(xk) c2dt2+ gij(xk) dxidxj (4.27)

(g00 > 0 et gij définie positive) sur les sections spatiales demeure géodésique pour la

métrique spatiale

dl2= gij g00

dxidxj.

Ainsi, les géodésiques nulles minimisent la distance spatiale l entre deux points fixes donnés et donc le temps de parcours10

car, par (4.27), dl = rg ij g00 dxidxj = c dt.

Le champ de température est une métaphore pour le champ de gravitation en relativité générale. L’analogie n’est pas mauvaise dans la mesure où, comme la pesanteur, on suppose que la dilatation thermique affecte tous les corps indépendamment de leur nature. De plus, dans la théorie d’Einstein la vitesse de la lumière, mesurée localement, demeure toujours égale à une constante universelle c.

Un observateur isolé thermiquement de la plate-forme, par exemple au travers d’une plaque isolante et transparente, préférerait sans doute maintenir la géométrie euclidienne (quitte à sacrifier le caractère géodésique des trajectoires de la lumière) car elle est mathé- matiquement plus simple. Si l’on découvrait un jour des corps insensibles à la gravitation, la relativité générale s’en trouverait ruinée, depuis le principe d’équivalence jusqu’à l’in- terprétation de la gravitation en termes de courbure de l’espace-temps.

9. C.W. Misner, K.S. Thorne, J.A. Wheeler, Gravitation, Freeman, 1973, p. 1108.

R. Adler, M. Bazin, M. Schiffer, Introduction to general relativity, International Student Edition, McGraw- Hill Kogakusha, 1975, pp. 221-222.

10. Réciproquement, il est intéressant de remarquer que l’on peut interpréter le mouvement de la lumière dans une géométrie statique à trois ou quatre dimensions d’espace-temps en termes d’espace euclidien dans lequel la vitesse de la lumière varierait en fonction d’un champ d’indice de réfraction. En effet, les métriques spatiales à deux ou trois dimensions sont conformément euclidiennes (annulation du tenseur de Weyl) et, à trois dimensions spatiales par exemple, on peut écrire l’élément de longueur sous la forme

ds2= −g00(x, y, z) c2dt2+ n2(x, y, z) (dx2+ dy2+ dz2).

Tout se passe alors comme si la lumière se propageait dans un espace euclidien avec une vitesse égale à √g

00c/n ou encore, comme si la métrique spatio-temporelle s’écrivait

ds2= −g00 c 2

n2 dt

4.12

Les surfaces à courbure négative constante

Dans le document Relativité générale (Page 79-82)