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3 Dimensionnement vibratoire des roues aubagées

3.1 Sources de vibrations et phénomènes aéroélastiques

3.2.4 Courbe de Wöhler et diagramme de Haigh

Une courbe de Wöhler représente le niveau de contrainte alternée ‡a en fonction du nombre de cycles Nr auquel survient la rupture du matériau. Ces courbes sont issues

3. Dimensionnement vibratoire des roues aubagées 29 de campagnes de caractérisation qui reflètent le comportement statistique d’un matériau donné, c’est pourquoi il est d’usage de les tracer à un certain niveau de probabilité de rupture, en général 95%. Un exemple est donné figureI.10, sur lequel apparaît une limite d’endurance ‡Œ, désignant la valeur de contrainte alternée en deçà de laquelle le matériau ne rompt théoriquement pas. Cette propriété est caractéristique de certaines familles de matériaux telles que les aciers.

Nr a

a(N)

N

Figure I.10 – Courbe de Wöhler

En plus d’une contrainte cyclique en cas de vibrations, les pales sont soumises à un chargement statique induit par le champ centrifuge dû à la rotation de la roue, à l’ori-gine d’une forte contrainte statique - ou moyenne ‡m- qui n’est pas représentée sur une courbe de Wöhler. Afin de prendre en compte ces deux paramètres dans l’estimation de la durée de vie des composants, plusieurs modèles ont été proposés. Parmi eux, on retrouve les modèles de Goodman, de Soderberg, ou de Gerber. Ces modèles sont généralement représentés sur le diagramme de Haigh, représentant, pour un nombre de cycles fixé, la contrainte alternée ‡a qui entraîne la rupture à une contrainte moyenne ‡m donnée. Sur le diagramme de Haigh, les modèles de Goodman et Soderberg sont représentés par des droites, alors que le modèle de Gerber est une portion de parabole, comme on peut l’ob-server sur la figure I.11. Pour assurer l’intégrité de la machine, de forts coefficients de sécurité sont généralement appliqués afin de réduire le niveau de contrainte alternée dans le matériau, et ainsi augmenter la distance entre le point de fonctionnement et la courbe. 3.3 Désaccordage aléatoire et intentionnel

La section I.2 a porté sur la modélisation des roues aubagées en tant que structures à symétrie cyclique, et a démontré l’intérêt d’une telle approche. Cependant, ce modèle idéalise les propriétés structurales de la roue, et peine parfois à prédire le comportement dynamique du composant lors de confrontation avec des données expérimentales. L’une des raisons à cela est que l’hypothèse de base de cette modélisation est bien souvent mise en défaut. En effet, les procédés de fabrication induisent en réalité des dispersions

ma-30 Chapitre I. Dynamique des roues aubagées a m Gerber Goodman Soderberg

Figure I.11 – Diagramme de Haigh

térielles sur le disque et les aubages, du simple fait des tolérances d’usinage et de mise en forme, dispersions auxquelles viennent s’ajouter celles induites par l’usure des compo-sants. Ainsi, la propriété de symétrie cyclique de la structure, hypothèse fondamentale du formalisme de la sectionI.2, s’en retrouve fortement impactée, et la pertinence d’une telle modélisation peut alors s’avérer discutable.

Comme nous l’avons mentionné dans le chapitre introductif de ce mémoire, le désaccor-dage de la roue, même à de faibles niveaux, est susceptible de perturber significativement la réponse dynamique de la structure. L’une des conséquences directes du phénomène est l’observation d’une localisation de l’énergie vibratoire sur certains secteurs de la roue, in-duisant des amplitudes pouvant excéder de plus de 50% celles prédites en étudiant la struc-ture cyclique idéale. Si une marge de sécurité insuffisante a été retenue sur le diagramme de Haigh (voir section 3.2.4), les niveaux de contraintes réels observés en fonctionnement sont alors susceptibles de mettre en péril le dimensionnement en fatigue de la roue. Afin de quantifier le taux de désaccordage, il est courant d’utiliser l’écart type en fréquence propre des aubes par rapport à la valeur nominale. Cette convention conduit à des courbes telle que celle de la figure I.12, illustrant l’évolution du facteur d’amplification en amplitude des pales (par rapport à la structure accordée) en fonction de l’intensité du désaccordage. Sur ce type de graphiques, il est classique d’observer un maximum en amplification, scindant la courbe en deux zones, une première précédent le maximum, où la courbe pos-sède une pente relativement raide, et une seconde zone où la pente faiblit à mesure que l’on s’éloigne du pic. L’expérience tend à prouver que le désaccordage aléatoire résultant des imperfections matérielles et géométriques, ainsi que de l’usure des composants, conduit généralement à des taux positionnant la roue dans la première zone, là où de faibles imper-fections induisent des variations significatives du facteur d’amplification. Ainsi, il apparaît qu’en termes de robustesse, il semble plus intéressant de se situer dans la seconde zone de la courbe, là où de faibles écarts par rapport au nominal induisent une variation plus

3. Dimensionnement vibratoire des roues aubagées 31

Figure I.12 – Facteur d’amplification en fonction du taux de désaccordage [19]

faible de l’amplification, et donc une erreur moindre sur les amplitudes prédites. Cette constatation a donné naissance au concept de désaccordage intentionnel, qui consiste à volontaire briser la symétrie cyclique de la roue pour se positionner au delà du pic, dans la zone permettant un dimensionnement plus robuste. Ce désaccordage intentionnel peut par exemple être obtenu en modifiant les propriétés géométriques des pales.

En plus des travaux déjà cités en introduction [36–39, 49, 102, 103, 157, 170, 174–

176,178], mentionnons également les travaux de Pierre et al. [126–129] adressant les phé-nomènes de localisation dans les structures cycliques en présence d’hétérogénéités structu-rales. En parallèle, des études se sont également intéressées au lien entre le désaccordage et les instabilités aéroélastiques [30, 67, 70, 98, 162], et ont notamment démontré qu’il était possible d’améliorer la robustesse du dimensionnement face à ces phénomènes très dangereux pour l’intégrité des roues, en augmentent les marges au flottement à l’aide du désaccordage. De nombreux auteurs se sont aussi intéressés à la réduction de l’amplifi-cation par optimisation du schéma de désaccordage de la roue [18, 23, 39, 49, 123, 138], en modifiant les caractéristiques modales des pales et leur répartition autour du disque. Plus récemment, on retrouve dans la littérature des études s’intéressant aux très grandes valeurs de désaccordage, qui seraient par exemple induites par l’endommagement d’une ou plusieurs pales [34,97,113]. Un état de l’art sur le désaccordage aléatoire et intentionnel des roues aubagées a été réalisé successivement par Slater [151], et par Castanier et Pierre [19]. Citons également le premier chapitre de la thèse de Mbaye [100] qui dresse un état de l’art très complet sur ces problématiques.