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Dans le dernier chapitre, j’ai tenté à partir d’une approche épistémologique de comprendre pourquoi il m’a été difficile pendant longtemps de traiter mes interrogations interculturelles depuis une posture anthropologique et de trouver des outils pour le faire. Il est apparu qu’une approche interactionniste ou dialogique inspirée de Gadamer (1976) constitue une ressource importante pour étudier l’autre dans des contextes pluriethniques (Agar, 1982; Émongo, 1998; White, 2012b), car ce cadre épistémologique peut aussi se faire critique (Frozzini, 2010; Ricoeur, 2010; Ulin, 1991; White, 2011b) s’il intègre les enseignements critiques sur le pouvoir. J’ai mis en évidence l’attrait de certains anthropologues (Goffman, 1964; Hall, 1964; Hymes, 1964) pour l’anthropologie de la communication et l’intérêt de Hall pour une théorie de la communication interculturelle (Hall, 1964). Une décennie plus tard, Hymes (1974) appelle à la réinvention de l’anthropologie, alors qu’il indique dans son introduction que son livre est pour les anthropologues « who ask of anthropology what they ask of themselves - responsiveness, critical awareness, ethical concern, human relevance, a clear connection between what is to be done and the interests of mankind » (Hymes, 1974, p.10).

L’approche systémique développée à l’école de Palo Alto fait voir les rapports entre la communication et la culture ainsi qu’entre les structures et les contextes pour donner à penser une culture qui n’est plus figée et qui revêt plusieurs sens selon le contexte et l’histoire. Les contextes, comme les structures, ne sont pas figés et se cumulent; déjà, le regard interactif systémique s’intéressait au micro et au macro s’approchant de projets à venir comme la socioanthropologie (Olivier de Sardan, 1995) ou l’économie morale (Farmer, 2004; Fassin, 2012). Le travail de l’anthropologue étant d’établir des ponts entre des mondes pour donner du sens (Agar 1982), je le ferai ici en établissant un dialogue entre les anthropologues et les intervenants qui posent des actes auprès de clients de différentes origines ethnoculturelles. Dans cette analyse, je me permettrai de développer les idées du dernier chapitre en glissant quelques données recueillies auprès d’intervenants rencontrés dans le cadre de mes formations en relations interculturelles dans le réseau de la santé où je travaille depuis 2000 (Gratton, 2009). Cette démarche vise à cerner les forces et les limites des courants moderniste et postmoderniste en anthropologie pour répondre aux défis soulevés par les dynamiques pluriethniques.

3.1 Courant moderne : mouvement interprétatif américain

Dans la lignée de Mead, Bateson (Bateson et Mead, 1962), Wikan (1991, 1992) et Barth (1995, 2002), Geertz (1968, 1973) fait aussi des recherches à Bali. Cette région du monde revêt une place particulière pour l’anthropologie culturelle américaine. Il s’agit d’un lieu de diversités culturelles et ethniques, une dimension pourtant peu exploitée par ces chercheurs, faisant dire à Keesing (1989) que les anthropologues ont traité les cultures de l’île comme si elles étaient isolées et statiques. Je note une grande résonnance entre les questionnements de certains anthropologues du courant moderniste, particulièrement Keesing (1987, 1989), et les discours des clients rapportés par les intervenants. Consciente des dangers de la généralisation et bien que les intervenants du milieu de la santé soient eux-mêmes d’origines pluriethniques, je vais me reporter à eux en utilisant la notion du modèle type (2003) afin de ne pas alourdir le texte. De la même façon, je ferai aussi référence aux clients immigrants en tant que configuration, bien que la variation de cette population soit encore plus importante (pays d’origine, trajet migratoire, sexe, âge, religion, génération, etc.).

3.1.1 Geertz : la toile de signification

Geertz (1973) veut aller plus loin que les travaux de Weber, Durkheim et Malinowski qu’il trouve trop sociologiques, ce qui bloquerait l’avancée des études sur la religion. Il oppose la culture aux structures sociales sur lesquelles se centre l’intérêt des chercheurs européens. Il décrit la culture comme un système symbolique, une toile de signification tissée par l’Homme et à laquelle le travail interprétatif peut donner accès. Geertz (1973) n’utilise pas de méthode systématique ou explicite et ne favorise pas les comparaisons entre les sociétés (1968). Recourant à une approche interprétative, il étudie les comportements pour aborder les productions culturelles locales comme des textes. Il s’intéresse au sens des phénomènes culturels et non aux fonctions globales de la culture (Geertz, 2002).

La culture se faisant texte, on la lit comme un manuscrit étranger où le sens psychologique d’un comportement n’est pas le seul recherché, c’est-à-dire la description mince (en anglais thin), mais le sens profond aussi, la description dense (en anglais thick). Pour Geertz, la densité représente la capacité de l’ethnographe à donner un sens profond à ses observations et peut indiquer l’ampleur de ses connaissances sur l’autre. Les concepts autour de la densité sont empruntés à Ryle (1968), dont Geertz s’inspire grandement. Selon Blattberg (2009) qui approfondit la théorie de Ryle, les données sont denses lorsqu’elles sont contextuelles, c’est-à-dire lorsque d’autres concepts connexes peuvent y être associés. Prenons pour exemple le concept d’autonomie dans la société québécoise qui est associé au concept d’individualité sur lequel se construit le lien social. En réadaptation, on peut y associer les concepts d’autodétermination et d’autonomisation (empowerment), tout comme ceux d’appropriation, de liberté de choix et d’indépendance. Tout porte à croire que le concept d’autonomie perd de sa densité dans les contextes pluriethniques, car cette représentation n’a pas forcément le même sens pour les clients immigrants qui viennent d’un lieu dans lequel le lien social se construit autrement (Dumont, 1977). L’inverse se produit lorsque des clients exposent des représentations sociales qui échappent aux intervenants.

Pour Blattberg (2009) qui s’intéresse aux meurtres de masse dont celui de Bali du 2 octobre 2005, les données abstraites coupent le langage de sa source morale, ce qui se passe même avec les droits de la personne. Pour ce philosophe du dialogue interculturel, la réduction d’un concept dense à un concept mince équivaut à parler de NaCl plutôt que de sel (Blattberg, 2009, 2012). En perdant sa densité, le sel devient une abstraction: on ne peut plus discuter de son usage au quotidien, remonter à l’origine de son histoire ou critiquer son mauvais usage. Pour Blattberg22, un des dangers des concepts minces est qu’il déresponsabilise l’auteur et le lecteur et limite le dialogue favorisant la rencontre avec l’autre. Ce philosophe explique cette situation par les principes de droit qui, contrairement aux objectifs, perdent leurs sens quand ils sont réduits à des expressions légales. On retrouve cette superficialité, il me semble, dans les Programmes d’accès à l’égalité en emploi (PAÉE) dans lequel les minorités ethniques sont définies comme des « personnes autres que les autochtones et les personnes d’une minorité visible dont la langue maternelle n’est ni le français, ni l’anglais »23. Le concept de dommages collatéraux utilisé par  

22 Pour consulter Charles Blattberg sur l'interculturalisme, Laboratoire de recherche en relations interculturelles, consulté le 25 juillet 2012, suivre le lien suivant : http://labrri.wordpress.com/category/ateliers-du-labrri/

l’armée pour parler de civils tués en temps de guerres est un autre exemple des conséquences de concepts superficiels (Blattberg, 2009) ou celui de restructuration en gestion qui couvre des mises à pied massives (De Gaulejac, 2005).

Pour Blattberg (2009, 2012), passer d’une compréhension superficielle à une compréhension profonde demande du temps. En conséquence, la découverte de l’autre et l’implication demandent du temps. Le temps, précise-t-il, est une condition nécessaire au dialogue. Les anthropologues modernes l’ont manifestement compris étant donné les exigences disciplinaires concernant la durée des séjours de terrain. Le temps est aussi une condition importante pour aller à la rencontre de l’autre, rapportent les intervenants qui se demandent souvent s’ils peuvent parvenir à comprendre leurs clients à l’intérieur des limites de temps imposées par les institutions. Geertz leur répondrait qu’il est impossible de parvenir à une compréhension totale, ce qui est d’ailleurs la position d’autres penseurs des courants interprétatifs, dont Schutz (2003). Geertz (1973) établit un lien entre la culture et le texte qui est la recherche de sens. Toutefois, les similitudes entre texte et culture sont limitées. L’écrit est achevé, statique, en deux dimensions, tandis que la culture est vivante, inachevée, en mouvement constant, même si ce mouvement ne se voit pas facilement à cause de la lenteur caractéristique des structures (Bateson, 1984). Geertz (1973) n’est pas intéressé par la recherche de lois générales, mais plutôt par l’explicitation du sens des actions sociales. Ce faisant, il cherche à saisir l’expérience quotidienne en rapport avec les symboles de la cosmologie. Il veut comprendre ce qu’une personne transmet de son expérience lorsqu’elle dit : « Je suis un Bororo » (Geertz, p. 24, 1973).

Par son analyse, Geertz tente de donner du sens à des symboles qui lui échappent. Plusieurs intervenants entreprennent une démarche similaire devant les multiples modes de vie que leurs clients amènent de leur pays d’origine, bien que les conditions de leurs contacts ne se comparent pas à ceux des anthropologues. Dans le courant moderniste en anthropologie, les chercheurs passent de longues périodes avec un groupe particulier qu’ils ont choisi et pour lequel ils se sont préparés avant le départ. Dans le cadre de leurs activités professionnelles, les intervenants doivent travailler avec des clients immigrants de toutes origines qui demandent des services dans un temps relativement court et pour lesquels ils n’ont pas nécessairement eu de préparation. Ils ne

doivent pas seulement donner du sens aux aspects symboliques, mais ils doivent aussi donner du sens, dans le cas de la réadaptation physique, aux mesures sociales qui favorisent la réinsertion des handicapés immigrants dans leurs groupes d’origine et dans la société d’accueil, des mesures qui peuvent être contradictoires (chapitre 9). Les intervenants doivent donc développer une connaissance sur la façon dont les groupes se sont réorganisés à la suite de la migration (Barth, 1989) et sur les ressources disponibles pour leur clientèle.

Contrairement aux anthropologues, leurs apprentissages de l’autre et de leurs clients se développent à partir de leurs tâches quotidiennes et auprès de personnes vulnérables qui peuvent difficilement jouer le rôle d’informateur. Malgré tout, les observations répétées des intervenants provoquent, selon les termes d’Agar (1982), des ruptures qui engendrent un questionnement ressemblant à l’expérience anthropologique. Comment savoir si un comportement venu d’ailleurs et qui n’a pas de sens dans sa propre culture relève de l’individu ou de sa culture? Alors que le questionnement des anthropologues modernistes concerne les rapports entre nature et culture, entre universalité et culture, les intervenants ont compris, à l’instar de Bateson (1984), qu’un changement d’échelle logique peut entraîner un changement de sens et que la culture est un contexte particulier qui peut donner un sens différent à soi, à la vie, au monde matériel comme immatériel.

Pour Geertz (1973), la recherche de Lévi-Strauss ne concerne pas chaque homme ou groupe d’hommes, mais l’humanité dans son ensemble. Dans ce cas, il considère que les niveaux logiques (Bateson, 1984) sont clairs. Toutefois, Geertz (1973) confond l’échelle psychologique et l’échelle sociologique lorsqu’il affirme que les travaux de Lévi-Strauss sur la pensée sauvage « ne sont pas vraiment sociaux, mais psychologiques » (Geertz, 1973, traduction personnelle, p.357). Dans ce cas, il commet une erreur de niveau logique. L’analyse de la notion de bricolage de Lévi-Strauss lorsque reprise par Geertz (1973) et Douglas (1989) met cette situation en évidence. Pour Lévi-Strauss, le bricolage est culturel, pour Douglas, il est universel et pour Geertz, il est individuel. Par ailleurs, quand on applique le modèle de Devereux (1980), il devient plausible que le bricolage soit à la fois individuel, culturel et universel. La question est alors de savoir les formes qu’un invariant peut prendre selon des groupes humains différents et selon ce qu’en fait un individu en particulier. Cette difficulté est un enjeu important en intervention, car

une manifestation locale peut cacher une composante universelle importante. Si des anthropologues chevronnés trouvent difficile de définir les balises pour catégoriser un comportement, on peut aisément comprendre les défis posés aux intervenants, dont ce n’est pas la tradition professionnelle ou disciplinaire.

Geertz (1973) critique l’approche d’anthropologie sociale, notamment celle de Lévy Bruhl et de Malinowski, car leurs travaux n’ont pas fait de différence entre les actions pratiques et les rencontres mystiques. En fait, il leur reproche de ne pas distinguer et de ne pas s’intéresser aux contextes de production des symboles. Malgré l’aspect réducteur de son modèle d’interprétation et son manque de comparaison à d’autres modèles interprétatifs, Geertz fournit un outil important dans la compréhension du débat québécois actuel sur la religion et la laïcité. Ce débat se construit maintenant dans un contexte pluraliste et renvoie par certains éléments au même débat en France, tout en s’y éloignant étant donné que la séparation de l’État et du religieux y est très antérieure. Ainsi, Geertz clarifie deux niveaux de logiques différents; d’une part, les croyances en soi, et d’autre part, le modèle (template) que la religion apporte sans que cela soulève de sentiment religieux. C’est une différence du même ordre qui existe entre croyances et valeurs. Pour lui, il s’agit de ne pas confondre les données de la cosmologie avec les modèles fournis pour la vie quotidienne. Par exemple, d’un point de vue culturel, l’agenda hebdomadaire s’enracine, si on applique le modèle de Geertz, dans une cosmologie chrétienne de l’organisation du temps et de la création du monde qui s’est faite en une semaine. Pour certaines personnes, cette donnée soutient une croyance religieuse. Mais, même dans ce cas, l’utilisation d’un agenda, basé sur un temps chrétien, ne renvoie pas à un sentiment religieux, mais à un objet pratique qui permet une gestion d’un temps séculier.

Dans le débat sur la laïcité en cours, ceux qui demandent la disparition de tous les signes religieux ne font certainement pas référence à l’agenda, ils ne réalisent probablement pas qu’il révèle une organisation chrétienne du temps. Cet objet n’est pas, contrairement aux croix ou à la prière par exemple, associé au religieux dans la pensée populaire. Par contre, un intervenant s’est déjà fait accuser d’hypocrisie par un immigrant musulman pratiquant, car il ne reconnaissait pas dans son agenda une source chrétienne d’organisation du temps. Cet intervenant a été médusé par une telle interprétation qui, très clairement, commet l’erreur de mélanger les niveaux logiques

entre pratiques traditionnelles sans connotation religieuse, et valeurs et croyances religieuses. Il s’agit d’un problème fréquent dans les rencontres interculturelles.

3.1.2 Keesing : la distribution inégale du savoir

Pour Keesing (1987), la culture n’est ni un phénomène collectif comme chez Geertz (1968, 1973, 2002), ni un système comme chez Lévi-Strauss. Il base ses critiques sur les avancées de la linguistique et sur les approches cognitivistes. Keesing (1987) prend Geertz au mot et se demande comment l’indigène lit le texte de sa culture. Il remet en question la connaissance reconnue aux indigènes de leurs symboles, rituels, métaphores, ainsi que des connexions qui composent cette toile qu’est la culture. Sa critique porte en premier sur la quête interprétative (1987), sur la distribution inégale du savoir qu’elle implique, sur les idéologies enfouies dans la culture et sur les difficultés inhérentes à la traduction de la culture comme texte. Dans un second temps (Keesing, 1989), il s’intéresse à la quête exotique des anthropologues et aux données différentes produites par le même terrain. Keesing analyse cette variation à partir des difficultés de recueil des données et de leur interprétation. Il cible les difficultés du terrain (barrières linguistiques, variations dans les réponses des informateurs, etc.). Le pluralisme social qu’il observe à l’intérieur des sociétés étudiées le pousse vers une sociologie de la connaissance où il apparaît que les informateurs n’ont pas tous le même savoir, ce qui dévoile des inégalités sociales. J’ajoute qu’à l’heure actuelle, cette situation se complexifie avec toutes les classes intersectorielles (Bilge, 2009). Les intervenants observant des différences culturelles peuvent être troublés quand les informations qu’ils obtiennent varient énormément à l’intérieur d’un groupe. Ils ont alors encore plus de difficulté à leur donner du sens. N’oublions pas qu’à l’instar des anthropologues, les intervenants ont aussi des compréhensions variées des informations que leurs clients leur communiquent.

Les critiques de Keesing (1987, 1989) sont pertinentes pour mon analyse. En effet, contrairement au texte, la culture est un phénomène dynamique qui comporte des éléments et des structures qui réagissent de façon contextuelle et à un rythme différent (Bateson, 1984) sous l’impulsion de plusieurs variables : économiques, politiques, historiques, sociales et individuelles. Keesing

(1987, 1989) affirme que dans la vie sociale, il faut rechercher et traiter les rapports de force et les mouvements, car ils influencent la vie des groupes et des personnes. La position de chacun est en rapport aux savoirs qu’il détient dans sa société. Dans un groupe humain, tout savoir est distribué en fonction de la distribution des pouvoirs en lien avec les normes de la tradition (Keesing, 1987, 1989). Pour Keesing (1987), la toile de significations de Geertz (1973) recouvre une double mystification : elle cache des idéologies qui déguisent des réalités politiques et économiques. Même dans les sociétés sans classe, les idéologies serviraient à légitimer le pouvoir de certains. Pour dévoiler ces idéologies, il faut se demander qui crée le sens et à quelles fins? Il s’agit de cerner la place sociale des informateurs-clés et de comprendre les mécanismes d’assignation de cette place (Foucault, 1972) en regardant la nature et la complexité des connaissances que l’informateur a d’un sujet particulier.

L’analyse de Keesing (1987, 1989) sur la distribution inégale des savoirs s’intéresse aux variations des réponses d’une personne à une autre, mais elle n’explique pas les variations de réponses chez un même informateur, une situation observée par Wikan (1992) lorsqu’elle tente de donner sens à une information contradictoire d’une informatrice de Mead. On peut supposer que les facteurs sociologiques et psychologiques ont une influence sur la variation des réponses d’une personne. À l’échelle sociale, une variation dans les réponses peut être un indicateur de transformations sociales relativement rapides, comme l’exemple du Québec à la suite de la Révolution tranquille. Je pense que si Miner (1985) avait revu en 1970 ses informateurs des années 30 leurs réponses auraient été différentes, particulièrement concernant la sexualité. Dans le cas de l’informatrice de Mead qui est revenue sur ses réponses des années plus tard, il est difficile de ne pas y voir un lien avec la perte de la liberté sexuelle observée par Wikan (1992) et le prosélytisme religieux américain qui s’est implanté dans la région depuis le premier séjour de Mead.

La deuxième critique de Keesing (1989) met les anthropologues en garde contre une trop grande recherche de cohérence et une tendance vers l’exotisme. Acceptant la critique de Saïd (1989), Keesing (1987) croit que c’est non seulement la culture comme texte qui pose problème, mais l’usage même de la notion de culture qui engendre une essentialisation de l’autre représenté comme étant radicalement différent. Pour Keesing (1989), l’anthropologue reste un traducteur de

l’univers de l’autre. L’autre serait donc créé par l’anthropologue et l’ethnographie pourrait être une source de réification. Dans son analyse, il pourfend la cohérence du sens culturel qui serait, contrairement à la position de Geertz (1973), un artefact des études anthropologiques où les bornes mises en place pour des fins d’analyse doivent être discutées. Selon Keesing (1989), des problèmes de traduction sont souvent à l’origine des enjeux qui les questionnent. Sa solution est de défaire l’unité culturelle pour parler de mosaïques locales ou de variations culturelles locales. Même si des arguments associés aux critiques postmodernes commencent à transparaître dans son texte, il critique à cet instant les postmodernes pour leur manque de rigueur qu’il nomme « le