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Parmi les origines possibles de la coulure, les hormones ont souvent été évoquées (Osborne 1989 ; Roberts et al. 2002). En effet, des changements dans les taux d’hormones au niveau du pédicelle peuvent intervenir dans l’abscission des fruits (Osborne 1989 ; Ruperti et al. 1998). Chez la vigne, la chute des fleurs et des baies est provoquée par l’abscission de la base du pédicelle (Bessis et Fournioux 1992). Bien que les mécanismes de ce phénomène ne soient pas entièrement connus, les hormones telles que l’éthylène (Hilt 2001 ; Roberts et al.

2002 ; Hilt et Bessis 2003), les cytokinines (Ollat et al. 2002), les gibbérellines (Dokoozlian et al. 2001 ; Roberts et al. 2002), les auxines (Osborne 1989 ; Gonzalez-Carranza et al. 1997 ; Roberts et al. 2002) et les polyamines (Colin 2000 ; Aziz et al. 2001) semblent y être impliquées de manière importante (Bouard et al. 1996). Ainsi, la coulure ‘‘hormonale’’ se manifesterait suite à ‘‘un dysfonctionnement (…) de l’équilibre hormonal’’ (Bessis et Fournioux 1992).

Figure 9. Biosynthèse de l’éthylène (Hopkins 1999).

Méthionine

adénosyltransférase ACC synthase

ACC oxydase

2.3.1. L’éthylène

L’éthylène (Fig. 9) est une molécule produite par tous les tissus végétaux (Yang 1985 ; Kende et Zeevaart 1997). Elle a un rôle de régulateur des processus de croissance et de développement comme le vieillissement, la sénescence, la maturation des fruits et l’abscission (Yang et Hoffman 1984 ; Abeles et al. 1992). Le fait que la méthionine soit son précurseur n’a été démontré que dans les années 1960 (Lieberman et Mapson 1964) et sa voie de biosynthèse dans les années 1970 (Adams et Yang 1977) (Fig. 9). De plus, l’éthylène et ses précurseurs ont souvent été étudiés pour leur implication possible dans la mise en place de la zone d’abscission des fleurs et des fruits (Abales et al. 1992). L’éthylène exogène à très faibles concentrations (de 0,1 à 0,5 µL.L-1) accélère l’abscission des feuilles, des fleurs et des baies chez de nombreuses espèces (Sexton et al. 1985 ; Sexton 1995). Chez la vigne, il a été montré que cette molécule joue un rôle majeur dans la régulation de l’abscission des fleurs et des baies car il existe une relation entre la teneur en éthylène dans les fleurs ou les baies et la vitesse de chute de ces organes (Hilt et Bessis 2000), ainsi que dans la maturation des baies (Chervin et al. 2004). L’éthylène est le dernier effecteur de l’abscission (Gomez-Cadenas et al. 2000). La régulation de l’abscission n’aurait lieu qu’à certains stades de développement grâce à la réactivité de cellules-cible (Bessis et Fournioux 1992). En outre, l’intensité du processus d’abscission est proportionnelle à la concentration d’éthylène jusqu’à environ 100 ppm alors qu’une concentration de l’ordre de 1000 ppm a un effet inverse (Bessis et Fournioux 1992). Enfin, la concentration d’éthylène peut servir de marqueur d’abscission puisqu’il existe une corrélation entre l’augmentation d’éthylène dans les tissus et le début de l’abscission au stade I-23 (Hilt et Bessis 2003).

Les précurseurs de l’éthylène provoquent également l’abscission (Osborne 1989). Ainsi, l’acide 2-chloroéthylphosphonique ou éthéphon augmente l’intensité et la rapidité avec laquelle survient l’abscission lorsque sa concentration augmente dans le milieu de 10-4 à 10

-3 M (Bessis et al. 2000). Ce composé double aussi le taux de nécrose précoce des bourgeons et augmente le nombre de grappes à baies peu nombreuses (Jackson 1991) : le nombre de grappes formées est ainsi plus faible car il y a moins de bourgeons floraux et la plupart de ces grappes sont peu pourvues en baies. L’acide 1-aminocyclopropane-1-carboxylique ou ACC, autre précurseur de l’éthylène, induit les mêmes effets que l’éthéphon quand il est présent avec la même concentration dans le milieu (Bessis et al. 2000).

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La pulvérisation d’acide amino-oxyacétique ou AOA, inhibiteur de la biosynthèse de l’éthylène, diminue le taux d’abscission des fleurs et des baies (Bessis et al. 2000). De plus, l’apport de sels d’argent (inhibiteur de l’action de l’éthylène) ralentit l’abscission et en diminue l’importance. Ces résultats permettent de confirmer le rôle majeur de l’éthylène dans l’abscission chez la vigne.

Lors des études sur l’impact de l’éthylène sur l’abscission des feuilles, des fleurs et des fruits chez la vigne, les concentrations utilisées sont très largement supérieures à celles biologiquement présentes dans les tissus. Ainsi, les teneurs tissulaires d’éthylène atteignent au maximum 10 µL.L-1 (Abales et al. 1992). Des expériences avec des concentrations de 103 ou 104µL.L-1 ne sont donc pas biologiquement représentatives de ce qui se passe dans la nature, mais sont réalisées pour obtenir des effets exagérés.

2.3.2. Les cytokinines

Chez la vigne, les cytokinines augmentent surtout la capacité puits des fleurs et des baies qui puisent plus d’assimilats au détriment des parties végétatives de la plante (Huglin et Schneider 1998). De plus, les cytokinines interviennent dans l’élongation cellulaire et leur synthèse est régulée par les glucides. La pulvérisation de cytokinine (benzylamino-purine) stimule la croissance des inflorescences aux dépens de la croissance végétative (Mullins 1967). Cependant, si la concentration est trop élevée, le résultat inverse est obtenu avec une réduction du débourrement (Mullins 1967). Le SD 8339 (6-benzylamino-9-(2-tétrahydropyranyl)-9H purine), surtout été étudié au milieu du XXème siècle, n’est efficace que sur les inflorescences qui présentent alors une croissance plus importante (Mullins 1967), caractérisée notamment par une stimulation de leur élongation et l’émergence des fleurs (Mullins 1968). De plus, le nombre de baies par grappes dépend de la concentration appliquée : ainsi, des pulvérisations SD 8339 jusqu’à une concentration de 0,025%

(poids/volume) sur des inflorescences de Corinthe noir 3 jours après la pleine floraison augmentent le nombre de baies par grappes de 66 à 137, respectivement pour les témoins et les plantes traitées. Au-delà de cette concentration, le nombre de baies par grappes n’augmente pas (Weaver et al. 1965). Chez la vigne, le CCC (chlorure 2-chloroethyl-trimethylammonium) augmente le nombre d’inflorescences, le nombre de grappes par pied et le rendement (Lilov et Andonova 1976). Dans ce cas, l’augmentation du nombre de grappes

est liée à une multiplication précoce du nombre de primordia inflorescentiels (Sugiura et al.

1976).

2.3.3. Les gibbérellines

Dans certains pays, l’acide gibbérellique ou GA3 est communément appliqué à la floraison afin de réduire la nouaison et les grappes trop compactes des raisins de table (Huglin et Schneider 1998). Plusieurs études ont été menées pour préciser les effets du GA3 sur le développement des fleurs et des baies et montrent des résultats parfois contradictoires. Ainsi, le GA3 induit une diminution du nombre de feuilles, ainsi qu’une augmentation de la longueur des inflorescences et du nombre de fleurs (Khurshid et al. 1992). Dans ce cas, les gibbérellines augmenteraient la capacité puits des fleurs en développement (Archbold et Dennis 1985). Mais d’autres études montrent que la pulvérisation de GA3 diminue le nombre de baies, leur poids, la nouaison et aussi le rendement (Weaver et Pool 1971 ; Dokoozlian et al. 2001). Dans certains cas extrêmes, certaines concentrations de GA3 peuvent retarder le débourrement, réduire l’initiation florale, provoquer l’avortement des ovules et induire la coulure (Agüero et al. 1995 ; Ezzili 1997).

2.3.4. Les auxines

Les auxines sont des hormones synthétisées à partir d’un point de branchement de la voie de biosynthèse du tryptophane (Normanly et al. 1995 ; Kende et Zeevaart 1997). Elles induisent généralement les divisions cellulaires et la différenciation tissulaire (Kende et Zeevaart 1997 ; Bergmann 2004 ; del Pozo et al. 2005 ; Woodward et Bartel 2005), ce qui explique leur synthèse et leur présence dans les organes jeunes en croissance (Reynier 1989).

Les différentes études sur les auxines ont souvent abouti à des résultats contradictoires. Ainsi, dès 1957, une corrélation positive entre la concentration en auxines et la vitesse de croissance des inflorescences de vigne a été présentée (Nitsch et al. 1957). Néanmoins, des études sur le 2,4-D (acide dichlorophénoxyacétique), analogue de l’auxine naturelle, ont démontré son rôle dans l’inhibition de la croissance des inflorescences de vigne (Mullins 1968). L’AIA (acide indole-3-acétique) provoque des effets équivalents, notamment une diminution du nombre de fleurs et de la longueur des inflorescences (Khurshid et al. 1992).

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2.3.5. Les polyamines

Les polyamines regroupent les composés contenant au moins 2 groupements amines.

Ces molécules interviennent dans de nombreux processus biologiques dont la floraison (Egea-Cortines et Mizrahi 1991). Chez la vigne, les teneurs élevées en polyamines à la nouaison sont fortement corrélées à un taux de nouaison élevé (Gény 1997 ; Colin 2000 ; Aziz et al.

2001 ; Aziz 2003). Une accumulation de polyamines est ainsi observable lors de la transition florale (Gény 1997). Alors qu’un apport exogène de polyamines augmente le taux de nouaison des boutures fructifères, celui d’un inhibiteur de la biosynthèse des polyamines le réduit significativement (Gény 1997 ; Aziz et al. 2001 ; Aziz 2003), confirmant ainsi le rôle anti-abscission des polyamines chez la vigne.