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Alain Coulon, chef du service de la stratégie, de l’enseignement supérieur et de l’insertion professionnelle au Ministère de l’enseignement

Quels outils pour une société innovante ?

M. Alain Coulon, chef du service de la stratégie, de l’enseignement supérieur et de l’insertion professionnelle au Ministère de l’enseignement

supérieur et de la recherche. Je souhaite évoquer quelques pistes de réflexion et de réalisation, et d’abord vous donner quelques éléments de cadrage quantitatifs concernant le doctorat. Pour l’année 2009-2010, on comptait 65 000 doctorants inscrits dans tous les établissements d’enseignement supérieur du pays, toutes disciplines confondues. Pour l’année civile 2009, ce sont 11 400 doctorats qui ont été délivrés, soit une hausse de 5 500 depuis 2000.

M. Jean-Yves Le Déaut. En 1999, on comptait pourtant 10 000 doctorats.

M. Alain Coulon. Je vérifierai1. On constate que la hausse des inscrits en doctorat a cessé depuis les trois dernières années.

S’agissant de l’emploi des docteurs, une enquête du CEREQ réalisée sur l’année 2004 a montré une baisse, le taux de chômage des docteurs étant en 2007 de 10 %, avec des variations selon les disciplines : 14 % dans le secteur de la chimie, 13 % en lettres et sciences humaines, 6 % dans les sciences de l’ingénieur.

71 % d’entre eux trouvent leur premier emploi en moins de trois mois, 11 % entre trois et six mois, et 18 % en plus de six mois.

1 Vérification faite, il y avait bien eu, en 2000, conformément au souvenir de M. Le Déaut, 10 404 docteurs

Près des deux tiers des docteurs sont en contrat à durée déterminée lors de leur premier emploi, en particulier parce qu’un tiers d’entre eux effectue un post-doctorat pendant les trois ans qui suivent l’obtention de leur thèse, taux qui varie selon les disciplines (12 % pour les docteurs en droit, sciences économiques et gestion, 60 % pour les docteurs en sciences de la vie et de la terre).

Il est pour le moins frappant de constater que la part des jeunes docteurs qui travaillent dans les professions hors recherche est devenue importante. 44 % des docteurs ne travaillent ainsi ni dans la recherche publique, ni dans la recherche privée, contre seulement 34 % en 2004. Les fonctions qu’ils occupent correspondent-elles vraiment à leur niveau de qualification ? La progression est particulièrement sensible en sciences de l’ingénieur et en sciences de la vie et de la terre, où la part des chercheurs du secteur privé représente respectivement 41 % et 37 % de l’insertion des docteurs diplômés. Les thésards, qui ont bénéficié de bourses CIFRE, comme les allocataires de recherche, sont peu au chômage.

On devient aujourd’hui bénéficiaire d’un contrat doctoral, on le sait, à la suite d’une sélection très forte. Bien souvent, seul le premier des DEA est choisi comme allocataire de recherche, signe de qualité s’il en est. 52 % des allocataires de recherche ont un parcours exclusivement universitaire, réalité qui a beaucoup surpris, ces jeunes n’étant pas passés par une classe préparatoire ou une école normale supérieure. Car on pense spontanément qu’il n’y aurait une recherche de haut niveau que pour ceux qui sont passés par les systèmes sélectifs qu’on connaît bien en France.

Quant au salaire des docteurs, il est en effet plus faible que le salaire d’embauche des jeunes ingénieurs ou des jeunes diplômés d’école de commerce et de management. En 2007, l’ensemble des docteurs avait un salaire net médian de 2 070 €, ceux qui avaient bénéficié d’une bourse CIFRE, 2 300 € et les allocataires de recherche, 2100 €.

Cela dit, la situation évolue, notamment grâce au contrat doctoral, qui va remplacer l’allocation de recherche, contrat doctoral qui est un vrai contrat de travail. Nombre de questions subsistent cependant. On sait la qualité que représente un travail de thèse, qualité de persévérance, de lecture, d’analyse, d’écriture, et de respect d’un certain nombre de règles communes à toutes les disciplines, des règles d’éthique et de concurrence, le travail étant soumis au contrôle et à la publication, qui l’expose à la contradiction. L’approche doctorale dans le cadre des PRES doit avoir l’ambition de diffuser le doctorat hors recherche. Dans certaines académies, certains ingénieurs sont mis à disposition, pour faire l’expérience du monde de la formation, puis repartent dans le monde de l’entreprise. Sans doute faudrait-il copier une telle initiative, en instaurant des plates-formes d’insertion professionnelle territoriale des docteurs. Les PRES créés à l’initiative des docteurs sont des structures de coopération qui permettent d’être meilleur dans la compétition internationale.

La reconnaissance du titre de docteur peine encore à s’implanter en France. En 2004, seul 1,3 % d’une classe d’âge avait obtenu le diplôme de docteur, contre 2,8 % en Allemagne, soit plus du double, 1,7 aux Royaume-Uni et 3 % au Japon, où n’existe pas le diplôme d’ingénieur. Je vous renvoie à la page 67 de « L’état de l’enseignement supérieur et de la recherche en France de décembre 2010 », où l’on apprend que 52 % des chercheurs dans les entreprises sont titulaires du diplôme d’ingénieur contre 13 % pour les docteurs. L’écart entre ingénieurs et docteurs qui occupent des postes de recherche est donc spectaculaire.

Encore faut-il souligner que les écoles d’ingénieurs font désormais en sorte qu’un certain nombre d’ingénieurs poursuivent un doctorat, l’école des Mines s’étant fixée un objectif de 30 %.

Dès que nos responsables de haut niveau sont en concurrence à l’international, il faut savoir qu’ils sont désavantagés car ils ne sont généralement pas docteurs. Dans certains pays concurrents, on imagine mal qu’on puisse diriger une entreprise sans être docteur. Des efforts sont donc à faire. Pour ce qui concerne l’entreprise, des forums ont été mis en place depuis 2006, Mme Parisot s’étant engagée à ce que l’ensemble des branches professionnelles inscrivent dans leur convention collective le doctorat, de telle sorte que celui-ci devienne un diplôme reconnu dans les conventions collectives.

A mon sens, il faut reprendre la diffusion de la culture scientifique et technique dans notre pays, un grand effort devant être fait en la matière. De fait, il y a peu – pour ne pas dire plus – d’émissions grand public de vulgarisation des connaissances scientifiques, les médias ne parlant plus que des peurs et du principe de précaution. Un tel climat est peu propice au développement d’une culture scientifique et technique, affirmée et acceptée, socle d’une société de la connaissance.

Mme Martine Pretceille, directrice d’Intelli’agence (ex Association Bernard Grégory). En préambule, je veux rendre hommage aux fondateurs de l’association Bernard Grégory, seule structure en France, en Europe et dans le monde à réaliser depuis trente ans une intermédiation entre docteurs et entreprises.

C’est un point qu’il faut bien avoir à l’esprit, une telle structure étant essentiellement soutenue par le ministère de l’Enseignement supérieur et de la recherche, à un moindre degré par le ministère des Affaires étrangères, et pas du tout par le ministère de l’Industrie. Il s’agit aussi du seul lieu où l’on retrouve la conférence des grandes écoles, les régions, la CPU et le monde académique.

On vient d’évoquer la place des docteurs dans le recrutement. Depuis quelques années, on dispose d’indicateurs précis du monde académique et du monde économique. « Parlez-moi de l’échec des docteurs » me demandent systématiquement tous les journalistes que je reçois. Une telle question est désormais datée, et pouvait être posée il y a vingt ans. Il existe désormais suffisamment d’éléments de changement pour qu’on les prenne en compte et qu’on évacue un discours négatif que j’entends systématiquement. Des préjugés

sont tombés, certes, mais il existe toujours une méconnaissance réciproque des initiatives, ce qui exige un travail de communication.

L’évolution est aussi sensible en matière de salaires. Les docteurs sont majoritairement recrutés à un salaire plus bas que les ingénieurs, c’est un fait.

Mais toutes les entreprises qui recrutent des docteurs pour leur R&D affirment que le retard est comblé en quatre ans. Finissons-en donc avec une vision passéiste du système !

Quant à la convention qui devrait régler le problème des docteurs, c’est une fausse question. La seule branche qui a reconnu le doctorat dans sa convention est la chimie, laquelle est dans le haut du classement pour le chômage des docteurs. L’essentiel, à mon sens, est de communiquer sur les compétences. Si le diplôme d’ingénieur est reconnu, c’est parce que les écoles d’ingénieurs ont communiqué non pas sur le diplôme, mais sur les compétences possibles. Pour être en contact permanent avec les branches et les entreprises, je peux vous assurer qu’il n’y aura pas d’avancées si les obligations viennent d’en haut.

J’en viens au rapport entre recherche et innovation. Pour avancer, nous avons mis en place un groupe de travail avec le monde économique et le monde académique, qui va bientôt publier un portfolio de l’innovation, s’appuyant sur un différentiel des compétences en management de l’innovation. L’innovation, ce ne sont pas des connaissances. C’est essentiellement une personnalité, une attitude et un savoir-être. Question subsidiaire ? Quand développe-t-on la personnalité, le goût de l’aventure, la culture du projet, les marges ? Connaissant bien le système éducatif français, j’attends toujours la réponse. Tout est fait pour un parcours linéaire, droit et rapide, sans culture de la personnalité et du savoir-être, culture qui se développe aux Etats-Unis.

Cette culture de l’innovation doit être développée non seulement chez les docteurs et les chercheurs, mais aussi dans notre système de formation qu’elle doit imprégner. Les recruteurs formés dans nos départements RH à l’université ne sont ainsi ni formés au doctorat, ni à l’innovation, et ne connaissent rien de ce monde.

Or ce sont eux qui sont censés recruter les docteurs. Il faut donc élargir le champ.

Etre chercheur, avoir un doctorat est non seulement une posture intellectuelle, mais aussi, et de plus en plus, un métier, une profession qui consiste à savoir chercher de l’argent, avoir une culture de projet, et diriger une équipe sur le plan humain. A quel moment envisage-t-on le métier d’enseignant-chercheur comme un métier qui ne soit pas qu’une somme de compétences intellectuelles ?

Favoriser le passage entre le secteur public et le secteur privé sur le plan des carrières me paraît indispensable. Le secteur privé, c’est un fait, est prêt à accueillir des universitaires et des chercheurs. Par contre, je ne suis pas sûre que le monde académique soit prêt à reconnaître des acteurs du secteur privé.

Nos cadres, on le sait tous, travailleront de plus en plus longtemps.

Comment conserver une motivation, une compétence, un appétit au travail ? Ne faudrait-il pas leur permettre de faire un doctorat, un diplôme valorisé et valorisant, qui leur apprenne quelque chose qu’ils ne savaient pas faire avant ? Il faut sans doute inscrire le doctorat dans le cadre de la formation tout au long de la vie.

Il faut également arrêter de parler de « post-doc », notion qui laisse entendre qu’après huit années d’études, on n’est pas encore formé et qu’il faudra toujours se former. Il s’agit là d’une dévalorisation du titre de docteur. Qu’est-ce qu’un « post-doc » sinon un chercheur sous contrat ? Certains termes doivent donc être gommés du vocabulaire.

Si le doctorat est la première expérience professionnelle, il faut donc travailler davantage en amont, au niveau des étudiants en masters, et les préparer à envisager leur avenir professionnel et académique. C’est en ce sens que nous avons mis en place un module d’accompagnement, « l’avant thèse », pour que l’inscription en doctorat ne soit pas un pis-aller, mais un processus pensé dans une perspective académique mais aussi professionnelle.

Notre rôle à tous est de bien comprendre qu’il ne pourra pas y avoir d’initiatives uniquement académiques. Sans reconnaissance par le monde économique, on aura travaillé pour rien. En matière d’innovation, toutes les initiatives doivent être conjointes, la coopération devant permettre de penser les formations ensemble. La reconnaissance doit se faire au départ, par un travail commun.

De nombreuses avancées se sont concrétisées, qu’il faut encore généraliser.

Mme Geniève Fioraso. Pourquoi l’association a-t-elle changé de nom ? Mme Martine Pretceille. Parce que le mot « Grégory » renvoie à une personne, Grégory Lemarchal, et que la notion d’association est mal perçue par le monde économique, qui trouve une telle structure insuffisamment professionnelle.

Par ailleurs, on ne pouvait pas communiquer sur le mot « docteur », préempté par les médecins, les pharmaciens et les vétérinaires, qui n’ont qu’un doctorat d’exercice. Nous avons donc opté pour Intelli’agence, la notion d’intelligence étant une notion commune aux mondes économique et académique. Nous restons bien sûr une association d’intérêt général, au service de ces deux mondes.

Mme Amandine Bugnicourt, co-fondatrice de Adoc Talent Management. Mon propos sera centré sur les docteurs, vivier sur lequel s’est spécialisée l’entreprise dont je suis cofondatrice, Adoc Talent Management étant le premier cabinet européen spécialisé dans le conseil en recrutement de docteurs issus de toutes disciplines.

Nous aidons les entreprises à s’ouvrir au vivier des cadres à haut potentiel créatif que représentent les docteurs. Notre entreprise conseille de manière très opérationnelle et sur le terrain des clients de toute nature, publique, start-up, PME, et de tous les secteurs d’activité. Nous recrutons des docteurs à des postes et des fonctions très variées, depuis des fonctions d’expertise et de R&D, du « middle et du top management », jusqu’aux fonctions dans le conseil ou le secteur commercial.

Pour répondre à la question posée dans cette table ronde, je souhaite expliquer pourquoi un docteur est une clé et un vecteur essentiel de la diffusion de l’innovation et de la culture des sciences au sein de nos entreprises et de la société en général.

En premier lieu, il faut rappeler que le docteur est vecteur de cette diffusion, parce qu’il est un producteur d’innovation. Son travail consiste à générer de nouvelles connaissances, à améliorer l’existant, à travailler sur les ruptures scientifiques et technologiques. Comme signataire d’un contrat doctoral, il a également une mission de diffusion, tout d’abord par l’enseignement, notamment supérieur, mais aussi par des actions de vulgarisation scientifique et d’animation de débat avec la société.

Avec ces multiples facettes, les docteurs développent un ensemble de compétences, qui en font des vecteurs indispensables de la diffusion de l’innovation et de la culture scientifique. Notre agence travaille beaucoup sur les compétences des docteurs, car elle est l’interface entre les recruteurs et les docteurs. Elle a souhaité renforcer son expertise acquise sur le terrain en lançant, avec vingt-cinq partenaires, aussi bien associatifs, institutionnels et entrepreneuriaux, une grande étude à destination des docteurs et des recruteurs, afin d’identifier et de mettre en parallèle les compétences clés développées par les docteurs, et celles attendues par le marché de l’emploi.

Nous avons reçu près de 5 000 réponses à nos questionnaires. Il apparaît que les docteurs ont des opportunités, mais aussi les capacités pour être des vecteurs essentiels de l’innovation, dans la sphère académique et au-delà. Cette étude a mis en évidence que les compétences développées par la pratique de la recherche étaient multiples. La plus intuitive est une expertise pointue et de haut niveau. J’ajoute qu’il serait pour le moins réducteur de cantonner le docteur à cette expertise pointue, car il a mobilisé un certain nombre de compétences transversales, indépendantes du sujet de sa recherche. Je citerai la veille, la capacité à rechercher l’information, à l’analyser, à la synthétiser et à la communiquer. J’évoquerai également la capacité à mettre en œuvre une démarche innovante, la gestion de projet et le développement de réseaux d’intelligence et scientifiques.

Ces compétences sont de grande valeur pour occuper un poste en R&D, mais pas seulement. Le secteur privé l’a bien compris : en moins de dix ans, entre 1997 et 2007, le taux d’intégration des docteurs dans le secteur privé est ainsi

passé de 34 à 46 %, taux qui devrait passer à plus de 50 %. Sans doute la diminution des postes dans le secteur académique intervient-elle, mais c’est aussi la preuve d’une appétence croissante du secteur privé pour ces profils, mais aussi une capacité d’adaptation des docteurs, qui changent de contexte avec succès.

En R&D, l’expertise pointue des docteurs constitue l’un de leurs atouts phares. Nous avons pu montrer dans notre enquête que les compétences les plus recherchées par les recruteurs allaient du savoir faire jusqu’au savoir être. Rigueur, autonomie sont des compétences clés attendues, les PME notant la capacité à maintenir un réseau avec le monde académique. Le docteur en connaît le mode de fonctionnement et pourra être l’ambassadeur de sa PME vers ce monde et construire un important réseau.

Prés de la moitié des docteurs qui s’orientent vers le secteur privé accède directement à des postes hors R&D. Ce faisant, ils interviennent sur des secteurs peu riches en culture scientifique, l’enquête montrant qu’ils couvrent deux-tiers des 88 domaines d’activité, du conseil à l’informatique, des activités juridiques aux banques et assurances. De tels docteurs, c’est un point essentiel, mobilisent des compétences porteuses d’innovation dans leur métier actuel, comme la curiosité, l’ouverture d’esprit, la culture scientifique, l’esprit d’initiative, l’aptitude à gérer les situations complexes ou la situation de veille. On l’observe chez nos clients issus du secteur du conseil, mais aussi dans les entreprises de haute technologie, qui font appel à nous pour recruter des docteurs, par exemple pour des fonctions technico-commerciales ou de direction générale. Comprendre les produits ou les services qui ont un fondement hautement technologique, prendre les bonnes décisions et fixer une stratégie d’avenir exigent un bagage scientifique poussé. Les compétences transversales acquises par la pratique de la recherche sont par ailleurs indispensables.

J’en viens aux sciences humaines et sociales. Notre société, chacun en conviendra, est foncièrement fondée sur la connaissance, laquelle nous place face à des enjeux immenses, une évolution très rapide de nos activités, de nos technologies, une globalisation, notamment des flux d’information, et des défis sociétaux et environnementaux. A mon sens, de tels enjeux renforcent le rôle des docteurs dans la construction, mais aussi pour la diffusion de l’innovation et de son acceptabilité, notion clé. En la matière, les chercheurs en sciences sociales ont un rôle déterminant, les chercheurs de ces disciplines ne représentant qu’1 % du total des chercheurs en entreprise. Ce taux, on le voit, est particulièrement faible.

Il sous-estime largement leur impact sur l’innovation et la diffusion, oubliant qu’ils interviennent toujours en support au processus d’innovation, notamment sur la question de l’usage et de l’appropriation de l’innovation. Toute révolution technologique, il ne faut pas l’oublier, s’accompagne d’une révolution sociale, éthique, législative et politique. Avec la révolution des usages, l’anthropologie de l’homme technologique prend tout son sens.

Par ailleurs, les enjeux auxquels nous sommes confrontés nous poussent à concevoir des projets de plus en plus transversaux et multidisciplinaires sur des

grandes thématiques, qui intégreront d’emblée la dimension sociétale. Mais ces projets s’accompagneront aussi de l’apparition de nouveaux métiers, chargés de faciliter la création, le partage et l’usage des savoirs. Ces métiers d’interface sont à mon sens de réelles opportunités où la valeur ajoutée des docteurs est à même de s’exprimer.

Enfin, toute innovation technologique s’accompagne en amont d’innovations organisationnelles et managériales dans l’entreprise. En miroir, les innovations organisationnelles favorisent souvent l’émergence d’innovations technologiques. En ce sens, les sociologues, les psychologues et les ethnologues sont sources de performance économique.

Pour conclure, je suis persuadée que les compétences acquises par la pratique de la recherche sont génératrices d’innovation et permettent sa diffusion et son acceptabilité lorsqu’elles irriguent le tissu socio-économique. Le docteur y prend toute sa place pour tisser un maillage, créer du lien, traduire et assurer l’interface entre producteurs et utilisateurs des savoirs, entre sphères académiques et privées.

Mme Geniève Fioraso. Le chiffre de 1 % de docteurs en SHS dans les départements de recherche des entreprises est particulièrement faible. Il faudrait le comparer avec notamment ce qui se passe au Royaume-Uni, pays où l’on voit des philosophes travailler dans la finance.

M. Joël de Rosnay, docteur ès Sciences, président exécutif de Biotics International et conseiller de la présidente d’Universcience. Bâtir une culture des sciences et de l’innovation est le travail quotidien d’Universcience, établissement né de la fusion de la Cité des sciences et de l’industrie, et du Palais de la découverte. Fort de notre expérience avec les jeunes, 50 % de nos 3,5 millions de visiteurs par an ayant moins de vingt-cinq ans, je veux vous présenter cinq points généraux.

En premier lieu, je veux apporter une nuance aux notions de culture et d’innovation, nuance qui prend sa source dans ces discussions. En France, on le sait tous, la science ne fait pas partie de la culture générale. Par ailleurs, on emploie souvent à tort la notion de culture scientifique et technique, notion intraduisible en anglais. Aux Etats-Unis, on parle de scientific literacy. Etre un lettré scientifique, c’est « être au courant de, être capable de s’exprimer dans ».

La scientific literacy est une notion très différente de celle de culture scientifique et technique, qui renvoie à la transmission de culture. En France, on distingue la culture des cultivés et celle des spécialistes. La première est celle des gens qui savent des petits riens sur un peu tout ; la seconde, celle de gens qui savent tout sur de petits riens.

A Universcience, nous entendons la culture comme un ciment qui réunit les éléments épars d’un monde disjoint par les médias et notre formation analytique et disciplinaire. Comment donc créer ce ciment pour

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