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Claude Birraux, Devant chaque porte du laboratoire national de Los Alamos, on peut lire ceci : « les valeurs au cœur de notre action, au service de la

Quels outils pour une société innovante ?

M. Claude Birraux, Devant chaque porte du laboratoire national de Los Alamos, on peut lire ceci : « les valeurs au cœur de notre action, au service de la

nation. Intègres et ouverts, passionnés par l’excellence, travaillant en groupe, respectueux des autres ».

M. Joël de Rosnay. On trouve également ces paroles dans les couloirs du MIT, qui a été construit pour favoriser le brushing shoulders, le fait que les jeunes chercheurs puissent se retrouver à la cantine ou devant un café.

Mme Geniève Fioraso. Nous sommes loin des groupes de prières qui se réunissent, dans ce pays, pour lutter contre le réchauffement climatique, preuve qu’un même pays peut abriter du rationnel et de l’irrationnel.

M. Pierre Léna, délégation à l’éducation et à la formation, Académie des Sciences. Je remercie les deux co-rapporteurs d’associer l’Académie des sciences à cette réflexion, et me félicite que Joël de Rosnay ait contesté la notion de culture scientifique et technique. En isolant la science par cette terminologie, nous ne lui rendons pas service. La voir comme une province de la culture est une terminologie bien meilleure.

Depuis quinze ans, l’Académie des sciences a eu, sous l’impulsion de Georges Charpak, l’outrecuidance d’aller au cœur des questions évoquées ce matin, en essayant de faire bouger notre système éducatif. C’est probablement un des nœuds du problème traité, probablement aussi un des plus difficiles à faire bouger.

Quelles sont donc les leçons à tirer de ces quinze années de travail ? En premier lieu, la communication de la créativité, du sens de l’innovation, de l’esprit critique, se joue pour beaucoup avant l’âge de quinze ans. Ce qu’on n’a pas fait à ce moment devient difficile. Les lauréats français des olympiades internationales de mathématiques étaient généralement très moyens, voire mauvais, selon leurs propres termes. Il y aurait donc une discordance entre leur capacité créative et leurs performances scolaires.

Comment s’attaquer à ces éléments de l’innovation que sont la capacité de raisonner entre disciplines, notamment scientifiques, de savoir s’exprimer, argumenter, échanger et convaincre ? C’est à de telles exigences que « La Main à la Pâte » s’est attaquée il y a une quinzaine d’années, en se disant qu’il fallait commencer tôt, dès l’école primaire, qu’il fallait changer de méthodologie, passer d’une transmission verticale du savoir à une élaboration commune, chacun dans son rôle, et introduire les sciences de la nature, c’est-à-dire les sciences expérimentales et d’observation. Il s’agit de passer d’une forme d’enseignement vertical à un travail horizontal à trois -le maître, l’élève, la nature-, d’une science faite de réponses toutes faites à une science faite de questions, d’une science comme une série d’acquis intemporels – lois, théorèmes, résultats – à une science entendue comme processus, comme élaboration historique et aventure humaine.

Il s’agit aussi de mettre en avant l’unité du savoir derrière la diversité des disciplines, la science étant un processus de connaissance qui a une unité très profonde. J’ajoute que la science se dit avec le langage naturel. La maîtrise de la langue, tellement mise en avant dans les objectifs de l’enseignement primaire ne saurait se construire dans une forteresse isolée. Si cette maîtrise se construit autour de la poésie, pourquoi ne pas la construire également autour de l’activité scientifique ? « La Main à la Pâte » a eu beaucoup de mal à faire passer ce message. Les programmes de l’école primaire ont ainsi changé en 2008, en se focalisant sur la maîtrise de la langue comme élément d’intégration sociale. Un tel objectif est certes essentiel. Mais on entendait en tirer comme conséquence que la formation scientifique devenait secondaire. Le ministre a heureusement bien voulu nous entendre pour ne pas prendre en compte un tel argument.

Nous avons tenté de prolonger depuis six ans cette idée au collège, en mettant en jeu, en sixième et cinquième, un enseignement intégré de science et de technologie, où les catégories disciplinaires chères aux professeurs, mais illisibles pour les élèves, s’effacent devant une science-processus.

Nous n’avons pas abordé à ce jour la question de la science informatique.

La pénétration de l’informatique dans la société est une banalité. Or le monde éducatif l’a jusqu’à présent entendue comme l’usage de l’informatique. On a très peu d’outils de formation sur la nature de l’informatique, à savoir cette possibilité de mettre sous forme de 0 et de 1 n’importe quelle information, de la traiter avec l’algorithmique et les machines, et d’en faire un vecteur de transformation sociale extraordinairement profond. Lorsqu’on étudie les chiffres de la R&D mondiale consacrée à ce secteur, on s’aperçoit que nous n’y préparons pas notre jeunesse.

Un pas a heureusement été franchi récemment, avec la création d’une spécialité de science informatique. Reste qu’il faut faire remonter ce type d’intérêt pour la science informatique jusqu’à l’école primaire, avec des outils adaptés à chaque stade. Nous faudra-t-il trente ans pour réaliser cette transition ? Il s’agit d’un nouveau chantier essentiel.

Cela dit, et c’est une banalité de le dire, le rôle du professeur est central dans cette affaire, qu’il soit généraliste au primaire ou plus spécialisé au collège. Un professeur a une carrière de quarante ans. Or c’est un fait que le développement professionnel est en totale dégringolade dans notre pays.

Pour les professeurs de science, de l’école au primaire, on consacre environ 3 milliards d’euros par an, somme constituée essentiellement par les salaires des professeurs. Le résultat n’est pas à la hauteur de cette dépense, car la partie qui consiste à les maintenir en lien avec la science vivante a pratiquement disparu.

L’Académie des sciences s’est penchée sur cet abandon et a publié en 2010 un avis sur le sujet. Un texte a également été publié par l’Inspection générale de l’administration à l’attention des ministères de l’Enseignement supérieur et de la recherche, et de l’éducation nationale, texte beaucoup plus sévère que le nôtre qui n’a pas été rendu public. Nous sommes dans une situation totalement bloquée.

Pourquoi ? Parce que les professeurs sont opposés à faire du développement professionnel hors temps scolaire. S’ils le font sur le temps scolaire, il faut les remplacer, coût devenu insupportable. Seule une évolution, déjà débattue, de la fonction enseignante permettra de sortir de là.

Sur ce point, nous avons analysé l’exemple britannique, qui est remarquable, du National science learning center, qui offre des outils de développement professionnel au corps enseignant au bénéfice de leur capacité de transmettre une science et une technique vivante, donc de la capacité d’innovation.

Comment un système comme l’Education nationale, en très grande difficulté pour innover lui-même, peut-il transmettre le goût de l’innovation ? La première chose à faire, à mon sens, est de transformer le rapport du corps enseignant à la science et à la technique vivante. L’outil législatif permet désormais une initiative innovante du corps enseignant, mais est peu utilisé.

Surtout, on est passé d’un extrême à l’autre, d’un système pyramidal et vertical, où les injonctions partent du sommet, à une latitude donnée au local. Beaucoup d’enseignants innovent, a-t-on rappelé. Encore faut-il rappeler que la propagation de ces innovations n’est pas assurée, contrairement à ce qui passe en recherche.

Il faut donc assurer un dispositif souple, hors système institutionnel, qui permette cette propagation, comme l’Académie des sciences l’a proposé au grand emprunt, en mettant en place des prototypes de maisons régionales pour la science et la technologie, au service des professeurs. Nous allons ainsi ouvrir deux prototypes de développement professionnel, très inspirés par l’exemple britannique, où la mise en place des principes que j’ai mis en avant sera proposée au corps enseignant, le problème du statut du corps enseignant se posant toujours.

Face à l’urgence à laquelle notre pays doit faire face dans le contexte européen et international, nous avons des lenteurs qui sont vraiment terribles. « La Main à la Pâte » a été créée il y a quinze ans. Elle a été reconnue par tous les ministres que nous avons eu l’occasion de rencontrer. Mais elle pénètre aujourd’hui dans moins de la moitié des écoles primaires françaises.

Moins de la moitié mettent en œuvre les deux heures d’enseignement scientifique prescrits par les programmes. Pourquoi ? Parce que le minimum de formation professionnelle continue des professeurs n’a pas pu être mis en œuvre malgré tous nos efforts. Nous avons testé l’enseignement intégré de science et technologie sur cinquante collèges en cinq ans, le ministre de l’Education nationale ayant fixé l’objectif de 400 collèges pour le mettre en œuvre, sans donner d’échéances. Au rythme actuel, il faudra un demi-siècle pour changer l’enseignement dans nos collèges. Ce problème de la constante de temps d’un système éducatif face à de telles urgences est particulièrement préoccupant.

Mme Geniève Fioraso. Nous allons maintenant entendre des responsables d’enseignement, qui pourront confirmer ou informer l’inertie que vous mettez en avant. Le statut des enseignants et le principe d’un nouveau contrat avec les enseignants est une chose. Sans doute une réflexion sur les rythmes scolaires pourrait-elle nous permettre de dégager du temps. Car un système qui contracte l’enseignement sur quatre jours et se caractérise par des vacances très longues est une exception mondiale. On pourrait utilement s’interroger sur l’impact d’un tel système sur la créativité des enfants, ainsi que sur la perte de la démocratisation de l’accès à l’enseignement supérieur, et sur l’échec scolaire inscrit dès le plus jeune âge dans les milieux les plus défavorisés, réalités constatées tout récemment par un rapport de la Cour des comptes.

Organiser et valoriser les formations scientifiques

M. Gérard Pignault, directeur de l’ESCPE Lyon, président de la commission Recherche de la Conférence des grandes écoles. Je vous remercie de me donner l’opportunité d’échanger avec vous. Il s’agit d’un sujet qui me tient particulièrement à cœur, non seulement comme praticien, mais aussi comme

citoyen. Car la question de l’innovation est au cœur d’un de nos problèmes principaux, à savoir la question du chômage, problème à l’origine de nombre de difficultés de notre société. Il s’agit donc d’un sujet clé.

J’avoue être agréablement surpris par la relative convergence d’un certain nombre d’analyses. M. Léna a bien dit combien il était difficile d’aller de ce qu’on sait à l’exécution. Autant je pense que, dans ces domaines, la France a fait de très grands progrès dans les idées, autant elle n’a pas fait de gros progrès dans l’exécution. Or avec Internet et les brassages des hommes, les idées sont moins différenciées d’un pays à l’autre. Bien souvent, c’est la rapidité et la qualité d’exécution qui fait la différence entre les nations, domaine où nous avons de grands progrès à faire. Une telle situation s’explique par notre morcellement ou la monstruosité de certaines de nos structures.

Cela dit, je suis invité en tant que vice-président de la conférence des grandes écoles. Depuis six ans, je dirige une école d’ingénieur lyonnaise – CPE Lyon. Il s’agit d’une école associative privée, rattachée à l’université Claude Bernard-Lyon I, situation exemplaire entre une grande école et une université. Elle est conventionnée avec le CNRS et depuis peu le CEA. Nous formons des ingénieurs dans le domaine de la chimie et des procédés, mais aussi des systèmes électro-info-communicants. Il s’agit de domaines particulièrement innovants au plan industriel.

Je préside également l’incubateur Rhône-Alpes-Ouest CREALYS, créé par Claude Allègre. Il s’agit du premier incubateur de France par le nombre d’entreprises créées. Avant, j’avais fait une école d’ingénieur. J’ai fait également un doctorat, dont j’ai un très bon souvenir. J’ai appris énormément de choses, tant sur la plan de la technique ou de l’autonomie. J’ai passé une année aux Etats-Unis, puis travaillé dans le groupe Péchiney pendant dix-sept ans, où j’ai fait de la recherche, de la production et de la stratégie. A l’époque, ce groupe était considéré dans son domaine comme innovant.

La conférence des grandes écoles regroupe 143 écoles d’ingénieurs, 38 écoles de management, 20 autres écoles, comme les écoles d’architecture. Elle compte 14 établissements étrangers et 46 organismes. Moins de la moitié des ingénieurs français sont désormais passés par les classes préparatoires à concours.

C’est une diversification des recrutements extrêmement importante. Nous assurons 38 % des diplômés de grade « master », un tiers des doctorants en France étant dans des laboratoires situés dans des écoles d’ingénieurs, soit un total de 320 000 étudiants. Près de 7 % aujourd’hui des étudiants poursuivent en thèse, pourcentage égal au pourcentage général de l’enseignement supérieur en France.

Nous nous trompons complètement en posant l’équation innovation égale science, science égale doctorat. Ce sont des choses tellement différentes que d’aucuns affirment que ces deux pratiques n’ont rien à voir. Je vous invite ainsi à lire les deux derniers ouvrages de Michel Godet, Bonnes nouvelles des conspirateurs du futur, et Création et innovation dans les territoires. Pour cet

auteur, 80 % de l’innovation de notre société a peu à voir avec la technologie, chiffre peut-être un peu fort. Le rapport de Delphine Mansot, professeur à l’école de commerce de Paris, fait état de 50 % de l’innovation qui n’a pas son origine dans la recherche scientifique. Ne prendre en compte que la science et la technologie lorsqu’on réfléchit à l’innovation, c’est n’en regarder qu’une partie.

Bien souvent, et c’est l’un des biais des politiques publiques en France, partant de constats réels sur la question de l’innovation, on arrive très souvent sur des actions qui ont à voir avec la recherche et qui ne traitent qu’une partie du problème. C’est ainsi qu’à mon sens, le dossier des SATT dans le cadre du grand emprunt a été beaucoup trop axé sur la propagation de la recherche scientifique.

En résumant, la science conduit à des connaissances, puis à des inventions, éventuellement protégées par des brevets. L’innovation, elle, est une invention qui crée son marché. Ainsi du téléphone portable, pour lequel il n’existait pas de marché. Lorsque le marché des PC s’est développé, les sociétés qui en vendaient ne savaient pas ce que les gens en faisaient. Tout le monde pensait qu’ils feraient leur comptabilité et leur courrier, et n’imaginait jamais qu’ils joueraient avec. Le premier diplômé d’une école de business qui aurait annoncé au patron d’IBM ou de HP qu’un marché monstrueux d’adultes allait se développer pour cette fin aurait été renvoyé. Bref, il y a de l’inattendu dans l’innovation.

Comment enseigner les sciences et les valoriser ? En les enseignant. Dans notre conférence, nous nous inquiétons sur certains éléments de la réforme du lycée, qui diminue dans certains cas le nombre d’heures de sciences enseignées.

Nous pensons qu’il s’agit d’un problème. Il faut enseigner les sciences pour donner le goût des sciences, et ne pas attendre que le goût des sciences soit donné.

Il faut également donner très tôt un goût des sciences expérimentales, en montrant le lien entre la vie quotidienne, la culture et la science. Il faut démarrer vite, donner le goût et le lien entre les sciences et notre vie quotidienne.

Il est en effet étonnant que notre vie quotidienne soit envahie de science et de technologie, et que la science fasse relativement peu partie de notre fonds culturel. Il faut également prendre garde à ne pas négliger dans les classes ultérieures le lien avec les mathématiques, qui sont un outil essentiel de représentation de la réalité, et bien intégrer les dimensions expérimentales, tant il est vrai que voir une expérience sur un film et la faire soi-même sont deux choses différentes. A cause de problèmes de coût et d’assurance, l’enseignement expérimental est en train de diminuer fortement aux Etats-Unis. Aussi accueillons-nous des étudiants américains, parce que accueillons-nous leur proposons des programmes expérimentaux, programmes qui sont en train de disparaître de leur université.

Il faut aussi montrer le lien entre disciplines, les sciences devant être intégrées de façon globale. De ce point de vue, les normes européennes, qui ont par ailleurs des qualités, n’ont pas amélioré la situation. Du moins ont-elles révélé une situation de fragmentation des savoirs pour le moins ennuyeuse.

Les sciences doivent aussi être enseignées avec des disciplines littéraires, artistiques, des langues.

Quant aux écoles de commerce, il faut rappeler aux hommes d’affaires qu’ils peuvent entreprendre dans le domaine scientifique. On rappelle toujours aux ingénieurs qu’ils ne doivent pas faire que de la science et de la technologie. Aussi les forme-t-on au business et à l’entreprenariat. Mais il faut aussi former les gens du business à la science et à la technologie, et leur montrer qu’ils ne sont pas obligés de se diriger vers le marketing, et qu’ils peuvent développer des choses extraordinaires en entreprenant dans des domaines technologiques. Il faut créer des passerelles.

Le modèle linéaire, qui consiste à croire qu’on fait une recherche, qu’on en déduit une technologie, qui ira ensuite vers le marché, est extrêmement partiel.

De fait, le market pull est plus fort que le technical push. Or, dans le grand emprunt, on a trop privilégié le second aspect par rapport au premier.

Il faut aussi promouvoir l’innovation pédagogique. Lorsqu’on s’intéresse à des pédagogies innovantes, force est de constater qu’on ne va pas se former en France, mais au Canada ou en Belgique, pays qui développent les pédagogies par problèmes.

En conclusion, il me paraît indispensable de travailler sur l’état d’esprit. L’innovation n’est pas une science, mais un état d’esprit. Il faut du temps pour l’innovation, des espaces de créativité, des financements, trouver des endroits, des lieux et des temps dans lesquels les PME pourront se consacrer à l’innovation. Cela suppose de créer une société de confiance. On est d’autant plus innovant qu’on baigne dans une société de confiance, où l’on admet que les gens peuvent faire des erreurs et qu’ils apprendront de l’erreur, état d’esprit non développé en France.

Sait-on que Georges Charpak, au sortir de la Deuxième Guerre mondiale, a failli être renvoyé en Pologne, et qu’il n’est resté en France que parce que le nord de la France manquait de mineurs ? Charpak aurait pu ne pas être français. Il a par ailleurs débuté sa carrière scientifique par une erreur monumentale, erreur qu’il a reconnue. Or je ne suis pas sûr qu’un scientifique qui démarrerait par une telle bêtise aujourd’hui pourrait poursuivre sa carrière. J’ai été dans une entreprise racheté par des Canadiens. En France, nous a-t-on dit, l’ego est l’intelligence, celle-ci étant conçue comme une faculté à ne pas faire d’erreurs. Dans le monde nord américain, l’ego est la capacité à rebondir lorsque vous avez fait des erreurs.

Cela, on a du mal à l’intégrer dans notre cursus. Qui se souvient que Pierre Kosciusko-Morizet, un des très grands entrepreneurs français, a d’abord créé une entreprise dans la Silicon-Valley, où il a échoué. Qui sait que l’inventeur de l’aspirateur Dyson, qui fait travailler près de 10 000 personnes, a réalisé 250 prototypes avant de mettre son produit sur le marché ?

On a beaucoup parlé du bisphénol, ces derniers temps. Je ne sais pas s’il est dangereux. Ce produit a été interdit un jour après la saisine d’experts scientifiques par le Gouvernement. Soit on savait, et il était alors inutile de faire appel à des experts. Soit l’avis des experts s’imposait, et il fallait attendre. Le message subliminal passé est que nous n’avons plus confiance dans les experts.

On ne créera pas une société de la confiance avec de tels fonctionnements.

La France a aussi un problème avec les atypiques, système normalisateur oblige. Contrairement à ce qu’on croit, on compte plus d’établissements d’enseignement supérieur par habitant aux Etats-Unis qu’en France, mais qui sont spécialisés. Le Hollins College, à Boston, a un mode de recrutement très particulier. Il recrute des gens sur une passion, sportive, musicale, que sais-je, passion que l’établissement essaiera de canaliser et de diriger vers la science ou les affaires. Un tel mode de recrutement s’intéresse d’abord à la personnalité et pas aux capacités.

Je suis un grand promoteur des sociétés ouvertes. Notre société est corporatiste, autoritaire, normalisatrice. Depuis cinq ans, tous les directeurs d’école d’ingénieurs nommés à Lyon viennent du domaine de l’industrie. De ce fait, ce sont des équipes pluridisciplinaires qui sont à la tête des écoles, avec des académiques et des gens qui viennent de l’industrie.

Mme Geniève Fioraso. A Grenoble, l’une des sociétés les plus innovantes est la société Aremond, société familiale, qui compte 5 000 personnes dans le monde. En deux générations, elle est passée du bouton pression au système d’attache des circuits hydrauliques dans les voitures et, désormais, aux biotechnologies. Chaque année, cette société produit 700 produits nouveaux, grâce à une organisation qui pousse à la créativité et à l’innovation.

M. Gérard Pignault. Une des forces de l’Allemagne est la force de son capitalisme familial, qui a une vision de long terme. Je ne suis pas un chantre de la métaphore familiale dans l’entreprise, la famille n’étant pas un grand lieu de démocratie et de développement personnel. Mais c’est un fait qu’il s’agit d’un modèle qui peut admettre des erreurs. Un enfant qui apprend à marcher marchera parce que ces parents ont confiance en lui et qu’ils savent qu’il marchera. Bref, le capitalisme familial a des vertus d’innovation.

M. Christian Lerminiaux, président de la Conférence des directeurs d’écoles françaises d’ingénieur. La France compte 214 formations d’ingénieurs, dont 50 déjà dans les universités. On trouve donc des formations d’ingénieurs dans des établissements indépendants, dans les universités, dans les ministères techniques et les écoles privées. Nous avons donc une variété de statuts et de pratiques pour le moins extraordinaire.

Cela dit, nous sommes tous confrontés à certaines problématiques.

Premièrement, la question de l’emploi scientifique et la capacité à attirer les jeunes vers des formations qui permettent le développement de l’industrie et des services

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