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PARATEXTUELLES ICONOGRAPHIQUES

II. ANALYSE DES PARATEXTES ICONIQUES NON SPECIFIQUES

1. Les couleurs

Nous ne pouvons négliger les qualités chromatiques des signes plastiques dans la mesure où elles constituent un niveau de signification à part entière et un moyen de communication dans les phénomènes synesthésiques qu'elle crée, qui interagissent avec les autres niveaux des signes plastiques, mais aussi avec les niveaux des signes linguistiques pour produire le message global.

Tout en dépendant de leurs rapports avec les autres couleurs et autres teintes, ces correspondances chromatiques vont donc provoquer des significations fortes et orientées avec lesquelles le signe iconique va pouvoir entretenir des relations de décalage, d'harmonie ou d'opposition.

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Ainsi, chargées de codes et de symboles anciens auxquels nous obéissons de façon inconsciente, les couleurs sont toutes porteuses de significations qui conditionnent, d'une certaine façon, nos comportements et notre manière de penser.

Figure n° 44 :

Dessin de presse en couleur, caricature du HIC, paru in El Watan le 31.10.2009

En s'inspirant du Dictionnaire des mots et expressions de couleur : le bleu d'A. Mollard-Desfour (2002) et des couleurs de notre temps : symbolisme et société de M. Pastoureau (2003), nous présentons dans le tableau suivant la fonction symbolique et synesthésique de chacun de six couleurs de base :

181 couleur choisie par le Président actuel lors de ces campagnes électorales, mais aussi la couleur des tabliers des garçons à l’école.

Universellement, couleur consensuelle et pacifique, emportant l'adhésion de tous, couleur internationale chargée de promouvoir la paix entre les peuples, couleur des grandes institutions géopolitiques, le bleu est un emblème pour l'ONU (casques bleus), l'Unesco, le Conseil de l'Europe ou l'Union européenne (drapeau bleu).

Le rouge

Contrairement à la discrétion du bleu, le rouge, au regard de son étymologie latine (coloratus signifiant à la fois «rouge» et «coloré»), signifie la faute, l'interdit, le danger ; mais, c'est aussi, la violence, la révolution, l’émotion.

Le drapeau rouge fut adopté par la Russie soviétique en 1918, par la Chine communiste en 1949.

Le blanc

Couleur de base du système antique, le blanc est sans doute celle qui porte les symboles les plus forts et les plus universels parmi toutes les couleurs.

Considéré comme le degré zéro de la couleur, le blanc est associé, dans notre lexique, à une absence : une page blanche (sans texte), une nuit blanche (sans sommeil), un chèque en blanc (sans montant)... Mais dans l'imaginaire collectif, le blanc est spontanément associé à l'idée de pureté et par extension, d'innocence, de virginité, de sérénité, de transcendance, de paix...

Le vert

Le vert représente ce qui bouge, change, varie et est donc la couleur du hasard, du jeu, du destin, du sort, de la chance.

Dans le monde de l'édition, une couverture verte est supposée avoir moins de succès.

Dans la symbolique musulmane, le vert était synonyme d'oasis, de paradis, de salut.

Le jaune Le jaune est la couleur qui a la plus mauvaise réputation : il devient aujourd’hui le symbole du déclin, de la maladie, de la trahison, de la tromperie, de la félonie, du mensonge, de l'ostracisme.

1PASTOUREAU M. : Dictionnaire des couleurs de notre temps, Paris, Ed. Bonneton, 1992.

182 Le noir

Spontanément, le noir véhicule un aspect négatif : les ténèbres, la mort, les funérailles, le deuil, le péché. Au-delà du côté sombre du noir, il existe un noir plus respectable, celui de la tempérance, de 1'austérité (éthique de la réforme), de l'autorité (celui des magistrats, des arbitres), et aujourd'hui, un autre noir, celui du chic et de 1'élégance.

Politiquement, Le drapeau noir est devenu celui des groupes Djihadistes.

Compte tenu du support journal, la majorité des dessins d'actualité sont en noir et blanc, jouant sur des effets d'ombre, de hachures, de grisé (plus de 75%), sur les 86 dessins que nous avons sélectionnés du notre corpus, 21 seulement sont en couleurs. Bien sûr, ce choix chromatique dépend pour beaucoup de la politique de chaque journal.

Les dessins des deux quotidiens El Watanet Le Quotidien d’Oran sont systématiquement en noir et blanc, la couleur étant réservée la plupart du temps aux photographies situées en Une ou aux encarts publicitaires. Liberté est le journal qui offre, proportionnellement, le plus de place à la couleur.

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Il est incontestable que dans le contexte de la vie scolaire en 2009, les couleurs comme le rose (représenté dans 9 dessins) et le bleu (dans 6 dessins) soient omniprésentes car elles servent la représentation des élèves à travers un objet hautement symbolique : les tabliers bicolores, représenté prés de 10 fois. Le rose consacre aussi un autre sujet qui fait d’horrible panique : la grippe porcine. Quant au bleu, il signale majoritairement le sexe masculin des personnages dessinés. Les autres couleurs, moins représentées, teintent, pour la plupart, différents objets : le jaune, des vêtements ; le marron blanchâtre, la couleur de la peau ; le vert et le rouge, le drapeau national et des vêtements ; le gris, des meubles (tables, chaises, bureaux).

2. Le cadre

Élément plastique de l'image, le cadre isole, borne les limites de l'espace dans lequel est déployé le réseau des surfaces et des lignes, circonscrit l'image et la désigne comme telle.

Ce cadre offre également des possibilités avec ses constructions géométriques à l'intérieur du plan originel : diamètres, diagonales, médianes, hypoténuses ou toutes les autres intersections de lignes.1

La question du cadre, se référant à des conventions de représentations perpétuées par la tradition picturale et aujourd'hui photographique, est une préoccupation déjà ancienne de la sémiotique visuelle.

Dans prés de 63% des cas, un cadre, de forme généralement carrée ou rectangulaire, délimite un dessin. Sorte de médiation entre l'espace représenté (la scène du dessin) et l'espace de l'exposition (la mise en page du journal), le cadre situe le dessin de presse dans le corps du journal. Les autres dessins, sans cadre, sont fondus dans la masse textuelle des articles, mais néanmoins délimités par le blanc de la page, sorte de frontière virtuelle. Notons que l'absence ou la présence de cadre appartient au style graphique de chaque dessinateur : Dilem, par exemple, encadre toujoursses dessins de presse, alors que d’autres dessinateursœuvrent en fonction de la politique de la rédaction en ce qui concerne la mise en page du journal.

3. Le cadrage

Se rapportant aux lexiques photographique et cinématographique, le cadrage correspond à 1'échelle des plans sélectionnés, c'est-à-dire à la dimension de l'espace représenté. Donnée classiquement par référence au corps humain, 1'échelle détermine la portion d'espace retenue

1CURTI S. : Dessins d’actualité et représenttion de l’imaginaire politique, Thèse de doctorat en sciences du langage, Université de Franche-comté, soutenue le 21/12/2006, p. 88.

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dans le cadre du dessin1. Le choix de 1'échelle de plan n'est pas indifférent. Il sélectionne dans le réel la partie destinée à être montrée parce qu'étant jugée la plus significative. Son choix peut également priver d'informations, favoriser certaines interprétations ou surdéterminer au contraire les significations injectées dans l'image. Nous distinguerons plusieurs techniques de cadrage en relation avec 1'échelle des plans. Les différentes caractéristiques de plan sont déterminées par la distance d'un corps utopique2 à l'objectif photographique (ou échelle de proxémie). La taille des plans est une nomenclature culturellement normalisée qui tronçonne commodément l'espace et (ou) le corps humain.

Cette échelle varie du plan panoramique (figurant un paysage, une vue aérienne, une grande étendue) au plan général (PG) ou plan d'ensemble (PE) (cadré sur un lieu précis, un espace élargi, une foule par exemple) et au plan de petit ensemble ou plan de demi-ensemble (PdE) situant les objets, les personnages dans un décor. Définis comme des plans descriptifs, la réduction de 1'échelle s'effectue encore pour aboutir au cadrage en plan moyen (PM) (personnage cadré sur pieds), en plan italien (PI) (personnage cadrée à mi-mollet), en plan américain (PA) (ou plan demi-rapproché) dont la signification est légèrement plus marquée que le plan italien (personnage cadré à mi- cuisse ou sensiblement à hauteur de la taille), en plan rapproché (PR) (ou premier plan) qui focalise sur le buste ou la poitrine d'un personnage, en gros plan (GP) (taille du visage, encore appelé plan détail ou encore plan taille) et enfin, au très gros plan (TGP) (ou insert) qui saisit un détail du visage, du décor ou de la scène. Pour information, le décadrage consiste à jouer sur la perspective sans pour autant la faire disparaître.

Figure n° 46 :

Plan moyen, dessin de BENATTIA, paru in Le Quotidien d’Oran le 02.06.2009

1CURTI S. : Op. Cit, p. 92.

2L'étalon de référence est traditionnellement le corps humain.

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Le graphe suivant nous renseigne sur l'échelle des plans privilégiée par les dessinateurs :

Figure n° 47 : Echelle des plans

- le plan moyen (PM) ala faveur de nombreux dessinateurs (10 dessins). Représentant un personnage en pied, son rôle est multiple dans la mesure où, selon le contexte, son effet varie : introduction d'un personnage, situation cocasse, chute ou gag imminent ;

- montrant un personnage un peu au-dessus des genoux, le plan américain (PA) est utilisé dans quatre dessins pour mettre en scène deux personnages en situation de conversation (l’élève et son enseignant) ;

- il en est de même pour le plan de demi-ensemble (PdE), situant les objets et les

personnages dans un environnement et favorisant les mises en situation dans un décor : scènes de café, de rue ;

- correspondant à la taille du visage, le gros plan (GP) est spécifiquement utilisé dans le portrait charge où il permet toutes les déformations du visage, les grossissements des traits et/ou l'exagération de certaines particularités physiques de tel ou tel personnage ; - proposant au lecteur à la fois des données objectives générales (un environnement

spécifique : une rue, par exemple) et des situations psychologiques particulières (une manifestation, par exemple), le plan d'ensemble (PE) est une vue globale et générale d'un événement (mobilisation des enseignants lors des grèves du Cnapest, par exemple) ;

0 2 4 6 8 10 12

PdE PM PA PR GP TGP

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- cadrant un personnage à la ceinture ou à la poitrine, le plan rapproché (PR) entraîne une appréhension plus intime du personnage, de sa situation morale, psychologique, de ses intentions, de son caractère (élève grippé, par exemple) ;

- enfin, le très gros plan (TGP), phénomène, généralement, très rare dans les dessins de la presse algérienne (un seul dessin dans notre corpus), permet de mettre en évidence un objet mais aussi un détail du visage d'un personnage, de favoriser le rejet ou l'identification, de trahir des sentiments et des émotions, de supprimer les distances entre le personnage et le lecteur...