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Les trois « Conventions de Rio » et la Commission du développement durable .1 Aperçu 7

2. N EGOCIATIONS MULTILATERALES EN MATIERE D ’ ENVIRONNEMENT

2.1 Les trois « Conventions de Rio » et la Commission du développement durable .1 Aperçu 7

La Convention-cadre des Nations Unies sur le changement climatique (CCCC) représente une convention-cadre, fixant les principes d’engagement des pays pour combattre le réchauffement planétaire dû à l’émission anthropique de gaz à effets de serre (GES), un phénomène mondial (autant en ce qui concerne le réchauffement que les impacts attendus sur la nature et sur l’homme). C’est dans le Protocole de Kyoto (PK), signé en 1997, que les engagements sont précisés en termes d’objectifs quantitatifs par pays et d’engagements financiers des pays développés à l’horizon 2008-12.

Les pays en développement ne sont pour l’instant pas tenus par des engagements contraignants de réduction de gaz à effet de serre. Les négociations qui ont eu lieu depuis 1997 ont porté essentiellement sur les mécanismes permettant aux pays développés de réaliser des réductions d’émissions de GES dans des régions et avec des technologies à de plus faibles coûts (mécanismes de flexibilité). A ce jour, le PK n’est pas entré en vigueur, ce qui n’a pas empêché de nombreux pays signataires d’entreprendre des mesures de manière unilatérale. En raison des importants coûts liés aux mesures de réduction d’émissions au niveau national, cette convention et son protocole sont suivis de très près par les pays.

La Convention des Nations Unies sur la diversité biologique (CDB) porte, tout comme la CCCC, sur un phénomène de portée planétaire, la perte de la diversité biologique. Les principes qui y ont été définis sont la conservation de la diversité biologique, l’exploitation durable de ses composantes et le partage équitable des biens et services qui en découlent. Ils sont repris et approfondis dans le Protocole de Carthagène sur la prévention des risques biotechnologiques, entré en vigueur en septembre 2003. Ces deux conventions ont été dotées d’un fonds permettant d’appuyer des projets dans les pays du Sud notamment : le Fonds pour l’environnement mondial (FEM) a été crée en 1991, une institution sous l’égide d’une assemblée intergouvernementale.

La Convention des Nations Unies pour la lutte contre la désertification (CLD) tente de combattre le phénomène de la désertification qui a une empreinte plus régionale, notamment en Afrique francophone. Elle accorde une importance cruciale à la participation des acteurs locaux, dans une approche « du bas vers le haut ». Cet accord devait initialement concerner quelques régions seulement, mais les pays participants au Sommet de Rio ont finalement convenu du principe d’une convention à portée mondiale, dotée cependant de moyens plus faibles. Les négociations relatives à cette convention ont porté en grande partie sur les mécanismes de financement des projets de lutte contre la désertification, et les parties signataires ont décidé en 2001 d’ouvrir un guichet propre auprès du Fonds de l’environnement mondial (FEM), financé également par les pays développés et ouvert en 2003.

Les négociations autour des trois conventions comprennent une session annuelle (CCCC) ou biennale (CBD / CLD) des Conférences des Parties (CdP), organe politique, et une à deux sessions annuelles des Organes subsidiaires (OS), en charge des négociations plus techniques mais sans compétence décisionnelle.

La Commission du Développement Durable (CDD), quant à elle, est une émanation du Conseil économique et social (ECOSOC) des Nations Unies et a été créée au lendemain du Sommet de Rio pour assurer le suivi des engagements pris lors de la CNUED, et plus particulièrement du plan d’action Agenda 21. Sur la base d’une programmation pluriannuelle, elle se réunit à un rythme annuel pour traiter des thèmes sensibles liés au développement durable, dans une approche intégrant les dimensions environnementales, sociales et économiques, mais aussi institutionnelles (gouvernance).

Cette arène ne donne pas lieu à des engagements forts des pays qui y participent et doit être plutôt comprise comme une enceinte de réflexion et d’innovation, tentant de porter des thématiques transversales et pluridisciplinaires à l’attention de la communauté internationale. Grâce à cette

7 Pour une analyse plus complète des arènes de négociation, se référer au document annexe remis séparément à la DPE.

enceinte, la thématique de la Forêt, par exemple, a été désignée comme priorité sur l’agenda international, avec pour conséquence la constitution d’un Forum Intergouvernemental sur la Forêt (FIF) et dans sa prolongation du Forum des Nations Unies sur les Forêts.

2.1.2 Organisation des négociations dans ces 4 arènes

Les trois conventions ne sont pas configurées de la même manière. La CCCC et la CCB sont des conventions cadres qui définissent un cadre d'intervention et auxquels sont rattachés des protocoles.

Chaque protocole contient des amendements (instruments spécifiques) et implique des considérations plus techniques et économiques, mais aussi plus spécifiques, ce qui pose de fortes exigences pour les négociateurs.. En ce qui concerne la Convention sur la lutte contre la désertification, il s'agit d'une convention avec 5 annexes d'application sub-régionales (Amérique latine, Afrique, etc.).

Par ailleurs, malgré l'évolution du discours sur la nécessité de développer les synergies entre conventions, dans la pratique les trois conventions restent très isolées les unes des autres, entre autre compte tenu du degré de spécificité des négociations. Les difficultés de développer des synergies entre les conventions est liée aussi à la configuration institutionnelle : la CDB et la CLD sont sous tutelle du PNUE alors que la CCCC est sous tutelle directe de l’ONU. Comme le font savoir plusieurs acteurs proche du processus, le « Joint Liaison Group » chargé de la liaison entre conventions n’a pas déployé ses potentialités à ce jour. A l’échelle des pays, les dimensions économiques et sociales des conventions, et leur interaction entre elles, sont parfois traitées dans le cadre d'une coordination interministérielle dans les pays bien organisés, en vue de définir un mandat dans le cadre des négociations.

Sur le plan des alliances, les groupes traditionnellement les plus influents sont l’Union Européenne, le groupe parapluie / JUSCANZ (Japon/Etats-Unis/Canada/Nouvelle-Zélande/etc.), et le G77+Chine, également très influents dans les négociations liées au commerce. Ces alliances connaissent pourtant de grandes divergences entre les pays membres. Le G77+Chine est particulièrement diversifié et il regroupe des pays aussi divers que la Chine, l’Arabie saoudite, les pays africains ou les petits Etats insulaires, dont les intérêts sont loin de se recouper, notamment sur des aspects liés au changement climatique ou à la biodiversité.

Ces grands groupes formels n’empêchent pas la création de nombreux sous-groupes qui varient au gré des circonstances et des enjeux ; certains pays sont plus actifs que d’autres pour participer à ce jeu d’alliances à géométrie variable. Les pays africains, par exemple, qui sont tous membres du G77, ont créé un groupe ad hoc qui essaie de développer une certaine coopération à l’échelle du continent. Les petits pays insulaires, réunis dans AOSIS (alliance des petits états insulaires), jouent quant à eux un rôle crucial dans la CCCC en raison de leur vulnérabilité face aux changements climatiques. Pour les pays francophones les moins avancés se pose souvent le problème, en apparence, de la double allégeance (pays africains et Francophonie, par exemple). Plusieurs d’entre eux doivent encore prendre conscience du fait que ces allégeances peuvent être complémentaires et non pas opposées ; elles constituent différentes sources d’information, d’influence, etc.

Dans la phase de finalisation, les négociations se réduisent très vite à un petit nombre de pays et de délégués : Etats-Unis, représentants de l’UE, 2-3 pays principaux du G77, Japon, Canada, etc. ce qui marginalise tous les autres.

Ces dernières années, entre autre sur l’insistance de pays de la Francophonie parmi les moins avancés, mais aussi suite au lobbying d’ONG et d’autres acteurs, ce débat sur les règles de négociation (« gouvernance ») a pris de l’ampleur, faisant d’un accès « équitable » et « équilibré » aux négociations l’un des paramètres de succès de ces négociations. De plus en plus d’organismes, en particulier non-gouvernementaux, mais aussi des agences multilatérales, voire des groupes de pays, multiplient les rencontres informelles en amont des négociations ou entre les sessions de négociation, afin de favoriser l’échange d’information, la compréhension des enjeux, le renforcement des capacités de négociation, etc.

2.1.3 Interaction entre le domaine de l’environnement et les autres domaines

Au-delà des enjeux liés à la comparaison entre les différentes arènes de négociation environnementales, il faut ajouter celui de l’interaction entre le domaine de l’environnement et les

autres, en particulier le commerce, d’une part, et les enjeux de développement et de solidarité, d’autre part. Cette interaction est encore marginale mais elle gagne en importance, surtout entre l’environnement et le commerce. Les négociations qui ont lieu au sein de l’OMC ont un impact croissant sur de nombreux autres domaines, dont l’environnement, y compris sur des aspects très concrets et ayant une implication directe sur les normes et règles nationales. Or le suivi de cette interaction requiert une très forte capacité de coordination dans les pays, ainsi que la capacité de formulation de stratégies à la fois globales et cohérentes, ce qui représente un défi considérable. La CDD ne couvre que très partiellement ces besoins spécifiques de coordination et de mise en évidence des enjeux transversaux, car elle n’a pas d’effet immédiat sur les législations nationales ; les véritables enjeux sont donc traités ailleurs.

Cette interaction devient donc une composante incontournable des négociations multilatérales et doit être intégrée dans toute stratégie qui s’intéresse à ces négociations. Les différentes ONG que nous avons eu l’occasion de rencontrer, comme le WWF, ICTSD ou ENDA, tout comme les groupes traditionnels de négociation insistent tous très fortement sur cette interaction et ses conséquences, à savoir une pression supplémentaire sur les pays en négociation et donc des exigences accrues.

2.1.4 Enjeux sur le plan national

Les véritables enjeux des négociations internationales pour certains pays en voie de développement se trouvent enfin souvent au sein de leur propre pays : de l’avis convergent des interlocuteurs, la faiblesse de nombreux PMA est liée à leur difficulté à construire une stratégie globale et cohérente pour les différentes négociations multilatérales. Cet avis est émis aussi par presque tous nos interlocuteurs africains. Les personnes actives dans les ONG ou comme experts indépendants rejoignent également ce constat, de même que les représentants d’agences multilatérales et d’organisations inter-gouvernementales. Il s’y ajoute le problème de la sous-représentation fréquente de ces pays dans les négociations formelles (souvent une seule personne en moyenne par pays). La Convention est dans la plupart des cas «portée» par une seule personne, le Point focal. Cette situation handicape aussi bien l’élaboration d’une stratégie que la participation active aux négociations ou la restitution de l’information dans le pays, sans compter la coordination entre les négociations liées à des arènes différentes.

Cette faiblesse structurelle constituerait le principal facteur explicatif de leurs difficultés de participation aux négociations, bien plus que la langue ou les ressources. Certains pays très peu dotés en ressources ont fait la preuve ces dernières années qu’avec une réelle volonté politique et une stratégie active d’alliances bien choisies (y compris des ONG et des experts du Nord et du Sud) il est possible de développer une stratégie nationale proactive, qui puisse conduire à des résultats (cf.

l’exemple de l’initiative de quatre PMA africains sur le coton dans le cadre des négociations de l’OMC).

Mais il reste un travail considérable à effectuer dans ce domaine, et l’instabilité institutionnelle parfois chronique de certains de ces pays handicape leur possibilité de participer de manière satisfaisante aux négociations multilatérales. Concrètement cela peut se ressentir notamment au niveau de la continuité et de l’efficacité des points focaux.

Ainsi, il y a unanimité parmi nos interlocuteurs pour constater que le véritable enjeu réside dans la promotion de la capacité de ces pays à construire une telle stratégie nationale, comprenant un diagnostic de leurs problèmes et intérêts, la formulation de positions de négociation, la construction d’alliances, la mobilisation de réseaux divers, etc.

Or un soutien qui viserait à appuyer ce processus doit avoir lieu sur place, avec les acteurs concernés, et non pas uniquement avec les personnes représentant ces pays aux négociations multilatérales.

Développer une stratégie de soutien uniquement avec ces personnes implique aussi un risque de ne pas obtenir des effets durables car, d’une part, elles peuvent varier dans le temps et, d’autre part, le fait de renforcer les capacités de personnes isolées, approchées à l’extérieur de leur pays, ne garantit pas un effet plus systémique sur les institutions et processus du pays concerné.