Titre III- Impact 1 : la contribution à la réalisation des conditions techniques de la reconversion variétale
5. Contribution à l’organisation de la filière sur le marché intérieur et extérieur
famille ». Il précise les conseils donnés sur la récolte : « il fallait apprendre aux producteurs la récolte, à une
heure dite précise, par exemple, ne pas faire 3 semaines avant la récolte un tas de mangues, on leur expliquait
que la coupe se faisait le jour même le conditionnement. Nous avons travaillé sur la coupe, c’était de la
formation au quotidien. Les gens ne savaient pas comment fonctionnait le manguier. Il ne fallait pas récolter
n’importe quoi, nous donnions les informations sur les calibres, les opportunités de marché, sur la
demande ».
Au-delà d’un simple appui technique, le Projet Fruitier propose de le conjuguer à un appui
juridique, commercial, organisationnel, pour réaliser les conditions de la commercialisation. Il
considère la place et les problèmes du producteur dans une approche globale concernant l’ensemble de
la filière, de la plantation à la vente : « Auprès du projet fruitier, les petites et moyennes entreprises de
production fruitière pourront trouver : les conseils nécessaires pour réussir leur culture, un avis sur le choix
de leur terrain, une aide pour la constitution de leur dossier de demande de prêt, la possibilité de faire faire
des travaux à façon, le matériel végétal sélectionné indispensable, un service de collecte et de vente de leur
produit, un service de groupage permettant de standardiser et de diminuer le coût des matériels, notamment
d'irrigation, dans la mesure où les autorités le souhaiteraient et où des moyens seraient mis en place, un
service de gestion d'entreprise fruitier » (Godefroy, Pointereau, Subra, 1979, p 100).
5. Contribution à l’organisation de la filière sur le marché intérieur et extérieur
Si le Projet Fruitier se concentrait sur l’offre, en ciblant une amélioration de la productivité et de la
qualité, il participe aussi à une dynamisation de la demande en variétés floridiennes, par l’export, la vente
nationale, et l’organisation des circuits de commercialisation.
a. L’organisation des circuits commerciaux
Le Projet Fruitier ciblait la mise en relation des producteurs et du marché, et notamment la réduction
des intermédiaires, comme le souligne J.J Barer, « il s’agissait de transporter les fruits des lieux de production
aux lieux de vente, de Banfora à Orodara, nous organisions nous même la vente, on faisait le moins possible
au détail, et le plus à des marchands traditionnels grossistes. L’exportation s’est greffée ensuite ». Il estime le
volume de tonnes vendues sur le marché national, par le Projet Fruitier, entre 5000 à 6000 tonnes, ce qui est
beaucoup plus important que le volume exporté.
Le Projet Fruitier aurait favorisé une forme particulière d’organisation du conditionnement face à la
dispersion des vergers, à savoir sur les lieux de production et non dans une station de conditionnement (J.
Bourdeaut, 1987, p 28). Il se justifiait par de nombreux avantages : une manipulation réduite des fruits, leur
emballage immédiat résolvant le problème de l’exsudation de sève, une garantie d’homogénéité des maturités,
l’intéressement et l’ intervention directe du planteur, de sa famille dans la récolte et le conditionnement, l’
allègement des procédures de paiement des récoltes réglées directement à un prix arrêté par période et par
zone de production évitant toute discussion après coup, la garantie de fraîcheur du produit, et l’allègement des
coûts de transport (Bourdeaut, 1987, p 29). Le consentement des producteurs à vendre leur production aurait
été facilitée par le mode de règlement direct. En effet, ces derniers admettaient de moins en moins des
règlements différés amputés de retenues indirectes, telles que les frais d’approche, la marchandise avariée en
cours de transport, le retard d’embarquement, les difficultés de trésorerie des exportateurs (Bourdeaut, 1987, p
29). Des gestes sur le conditionnement ont été recommandés au terminal de Ouagadougou: contrôle des
cartons au déchargement, paletisation des cartons par unité de 105 par calibre et par variété, stockage des
palettes en chambre froide ou confection immédiate pour le fret aérien, délai de conditionnement moyen après
récolte entre 24 et 72 heures (Bourdeaut, 1987, p 29). J.J. Baraer ajoute que face à une production prolifique
en un temps court et occasionant des pertes élevées, le Projet rendit possible le stockage quelques jours les
mangues en frais dans des installations à Ouagadougou et chez les importateurs.
b. Saisir l’opportunité du fret aérien
Pour J.J. Baraer, l’export de mangue a pris de l’essor, notamment grâce à la saisie par les acteurs du
Projet Fruitier des opportunités de capacité de fret aérien à très faible coût. Il souligne que toute une relation
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de confiance et de fiabilité est à construire entre tous les acteurs de la filière (producteurs, importateurs,
compagnies aériennes), qui n’est pas donnée d’avance. Pour saisir effectivemment les opportunités
logistiques, tout un combat pour gagner le consentement des acteurs de la filière se met en place, qu’il faut
sans cesse reconstruire : « L’impact c’est toujours comment saisir les opportunités au bon moment. Il y avait
une usine Peugeot à Kano au Nigéria de montage de voitures, les avions cargo amenaient du matériel, mais
repartaient à vide. Mais lorsque l’usine de Kano a fermé, les capacités d’emport par avion ont ont fortement
diminué au départ de Ouagadougou, ce qui a fait diminuer sensiblement les exportations. Beaucoup d’avions
cargo repartaient d’Afrique à vide. Mais cette opportunité a diminué quand l’usine du Nigeria a fermé. Au
lieu d’avoir des capacités de 80 à 100 t par avion 747, on est passé à 30, 40 T, ce qui est négligeable. Il faut
bien s’imaginer que de l’autre côté, en Europe, en Arabie Saoudite, ils ne nous attendent pas, il fallait saisir
ces opportunités de fret [...]. Le prix de l’export avion aujourd’hui est beaucoup plus élevé […] Le
développement des filières export, c’est toujours l’histoire d’opportunité […] On s’est battu pour négocier
chaque semaine les capacités de fret, ce n’était pas gagné. Il n’était pas affecté à un pays a priori. Les plus
fiables sont ceux qui étaient acceptés, on a réussi à s’imposer comme des exportateurs fiables car on arrivait
à tenir nos réservations de fret. Ce n’était pas comme en Côte d’Ivoire, où le trafic de fret était beaucoup plus
important, car la population française était plus importante ».
L’export nécessite tout un savoir faire, qui se construit dans son expérience. Il souligne que le fret
par avion a aussi ses contraintes, notamment celle de la chaleur réduisant les capacités de portance. Or, les
périodes d’export correspondent à ces mêmes périodes climatiques. De ce fait les capacités d’emport
pouvaient diminuer de 130, 140 à 40, 50 tonnes. L’absence d’usine de carton en Haute-Volta obligeait leur
importation de Côte d’Ivoire ou de Dakar. Cette contrainte logistique nécessitait la capacité de prévoir 6 mois
à l’avance le nombre de cartons et le tonnage futur exporté. Les essais d’export de mangue en Arabie Saoudite
durant 2 années impliquaient aussi une capacité à saisir les disponibilités de frêt des pèlerinages à la Mecque.
La figure 12 souligne l’importance de la part des mangues exportées dans le cadre du Projet Fruitier
par rapport au total des mangues exportées du Burkina Faso. Selon J.J. Baraer, la baisse des exportations en
1986 ne correspond pas à la fin du Projet Fruitier, mais à la baisse des capacités de fret aérien, en raison du
ralentissement des activités d’Air Afrique. De surcroît, le passage du fret aérien au fret mairitime défavorise
les pays enclavés. Le Tableau 6 représente la hausse des planteurs vendant leur production au Projet entre
1979 et 1986.
Source : Bourdeaut, 1987, p 28.
Figure 12 : Mangues exportées dans le cadre du Projet Fruitier par
rapport au total des mangues exportées du Burkina Faso.
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Tableau 6 : Nombre de Planteurs vendant leurs mangues pour les exportations du Projet Fruitier
Années 1979 1980 1981 1982 1983 1984 1985 1986
Nombre de planteurs 1 28 250 506 594 849 850 870 Source : Bourdeaut, 1987, p 28.
Selon J.Bourdeaut, le projet Fruitier aurait permis, de « multiplier des espèces et des variétés fruitières
nouvelles et de mettre au point des techniques culturales propres aux conditions écologiques et climatiques du
Burkina Faso (centres de Bazega, Kou, Diapaga, Guenako) », de « sensibiliser les paysans aux cultures
nouvelles » et de permettre « l’accroissement du potentiel fruitier du pays » (1987, p 55). Il conclut à un effet
d’entrainement des unités types de production : « En milieu rural, le centre du Kou a eu rapidement un certain
rayonnement, qui a permis de voir le développement de petites plantations. Le centre de Bazega situé dans
une zone aux conditions climatiques plus difficiles a eu au cours de cette période un rôle très important
auprès des autorités et de l’administration du pays : celles-ci prirent à ce moment la conscience des
possibilités de réussite des cultures fruitières irriguées ». La première phase du Projet Fruitier « a permis de
démontrer que la production de fruits pouvait constituer en Haute Volta une activité justifiée aussi bien par le
développement végétatif et la mise à fruit des espèces à croissance rapide dont les résultats ont déjà pu être
appréciés (essentiellement bananier, papayer et ananas), que par l’accueil réservé à ces produits, peu connus
jusqu’alors, par les consommateurs (Godefroy, Pointereau, Subra, 1979, p 7). La figure 13 tente de
synthétiser les conditions de succès de l’impact.
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Figure 13 Conditions de l'impact au Burkina Faso
Impact 1 : Contribution à la réalisation des conditions techniques de la reconverion variétale Impact 2 : Organisation de la filière Conditions/Effets Effet 1 : Disponibilité d’un capital variétal nouveau Effet 2 :
Impulsion d’un réseau de formateurs de formateurs sur
l’itinéraire technique
Effet 3 : Dynamisation de la reconversion par la commercialisation et l’export
Politiques Autorisation des autorités et financement de la Caisse Centrale Coopération Economique
Soutien de la révolution de Thomas Sankara au Projet Fruitier
Economiques -Intérêt commercial des variétés (étalement de la période de production de production de 2 à 6 mois, différentiel de prix par rapport à l’Amélie et aux mangots sur le marché intérieur et extérieur)
-Développement de l’export et d’une demande européenne (50 tonnes exportées en 1979, 300 tonnes en 1982)
-Organisation des circuits commerciaux
-Capacité à saisir les opportunités économiques (capacité
d’emport de fret aérien à un prix bas)
Agronomiques -Préexistance de vergers de mangots et d’Amélie.
-Année 1983 particulièrement mauvaise du fait d’un harmattan établi pdt plus d’un mois, la baisse par les haies vives, de nombreux arbres sèchent 1982-1983 (Baraer, 1987)
-Problèmes phytosanitaires (mouches des fruits, anthracnose…) limitent la durée de campagne
Techniques, savoir-faire
-Niveau d’entretien du verger (Certains sont vieux et peu entretenu, avec des rendements faibles).
-Acceptation du producteur à renouveler son verger (Baraer, 1987)
Préexistence de gestes techniques (greffage, sur-greffage)
Pépinières administratives forment à ces gestes techniques
Logistiques -Stock suffisant de greffons, transport des plants, question sanitaire des greffons. - 1979-1980, les plantations reprennent à un bon rythme du fait du bitumage de la route Koudougou-Ouagadougou (principal centre de consommation) (Baraer, 1987).
-Organisation des circuits commerciaux
socio-culturelles -Fort peuplement de la région (centre-ouest)
-Morcellement de la terre (centre ouest), rareté de la terre
- en zone de savane sèche, la rareté du bois conforte l’usage du manguier comme bois de feu (Baraer, 1987)
-Genre :« Nous avions décidé de travailler plus avec les femmes. Quand les
hommes se sont aperçus que la mangue pouvait rapporter, il y a eu quelques conflits de propriété » (Baraer).
Recherche - les UTP et la commercialisation donnent une expérience concrète des contraintes des producteurs.