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Des contrats de délégation de plus en plus incitatifs

Partie 1 : La variété des modes de gestion des transports collectifs urbains

3. Les choix organisationnels des autorités organisatrices

3.2. Des contrats de délégation de plus en plus incitatifs

3.2.1. Une proportion majoritaire et croissante de contrats à prix fixe

Le graphique ci-dessous indique qu’une minorité d’autorités organisatrices ayant choisi la gestion déléguée optent actuellement pour des conventions de gérance, préférant à ces contrats faiblement incitatifs des arrangements de type « prix fixe », c’est-à-dire des conventions à prix forfaitaire ou compensation financière.

Graphique 5 : Répartition des modes de gestion déléguée en 2002 (en % du nombre de réseaux)53

Cette préférence est conforme à la tendance observée depuis une dizaine d’années qui indique clairement la volonté des autorités organisatrices de faire supporter aux opérateurs une part de plus en plus grande des risques d’exploitation du service de transport.

(52) Deux réseaux exploités par une SEM (La Rochelle et Le Puy) sont passés en régie municipale et un réseau

en régie (Béziers) a opté pour la délégation. De leur côté, les communes de Rennes, Douai et Bayonne sont passées de la délégation à une SEM à la délégation pure, tandis que Martigues et Saint-Denis de la Réunion ont fait le mouvement inverse.

(53) Nous avons ici tenu compte d’un type de contrat –les conventions de concession- dont nous n’avons pas

parlé en raison de la part marginale qu’il représente dans l’ensemble des contrats. Dans ce type de contrats, les exploitants se voient confier la responsabilité de réaliser les investissements et d’en supporter les risques, en sus des risques sur recettes et sur charges liés à leur activité d’exploitation.

Graphique 6 : Des contrats de plus en plus incitatifs

3.2.2. Le recours à des formules d’intéressement

L’analyse du détail des contrats auxquels nous avons pu avoir accès confirme cette tendance vers des contrats plus incitatifs. Non seulement les autorités organisatrices s’orientent davantage vers des contrats de type « fixed price » mais elles cherchent également à rendre plus incitatifs les contrats de type « cost plus ».

Nous nous sommes en effet rendu compte, à la lecture des contrats, que les conventions intitulées « conventions de gérance » incorporent très souvent des formules d’intéressement de l’exploitant aux résultats. Ainsi, sur les 23 contrats de gérance mis à notre disposition, 16 (soit 70%) contiennent des formules d’intéressement de l’opérateur aux résultats. C’est la raison pour laquelle nous avons regroupé, dans notre base de données, les contrats de gérance avec les contrats de régie intéressée dans une seule et même catégorie, appelée « gérance ». Nous n’avons donc pas retenu la distinction faite par le CERTU entre ces deux types de conventions dans la mesure où le principe du contrat de régie intéressée est le même que celui de la gérance avec intéressement et où, d’après notre échantillon de contrats, la grande majorité des conventions de gérance incluent des formules d’intéressement.

Il peut s’agir d’un intéressement à la baisse des coûts d’exploitation, à l’augmentation des recettes, à la hausse de la fréquentation ou, plus rarement, à l’amélioration de la qualité54. Ainsi, lorsque les performances réalisées par l’opérateur dépassent les objectifs fixés en début d’exercice, il est récompensé de ses efforts par une prime proportionnelle à l’écart de performance. Dans le cas contraire, il est pénalisé mais ne supporte qu’une partie de ses contre-performances, les pénalités (comme les récompenses) étant plafonnées.

L’introduction de ces formules a clairement pour objectif de responsabiliser davantage les opérateurs et l’usage massif qui en est fait révèle une volonté de la part des autorités organisatrices de faire partager aux délégataires une partie des risques, commerciaux et industriels. Ceci étant, pour pouvoir mesurer avec précision la puissance incitative des

(54) Alors que tous les contrats de gérance avec intéressement contiennent des formules d’intéressement à la

variation des coûts et que 99% d’entre eux incorporent des formules d’intéressement à l’évolution des recettes et de la fréquentation, l’intéressement à la qualité est une pratique nettement moins répandue (seuls 2 réseaux (Blois et Laval) y font appel dans le cadre de conventions de gérance). Ceci s’explique d’une part, par la difficulté et le coût de la mesure de la qualité (généralement par enquête de satisfaction des usagers), et d’autre part, par le fait que qualité du service et fréquentation sont fortement corrélées. Il n’est donc pas nécessaire d’intéresser à la qualité lorsqu’on incite déjà à la fréquentation.

formules d’intéressement, il faudrait pouvoir comparer le montant des primes/pénalités encourues avec le montant garanti de la rémunération du délégataire, ce que nous n’avons pas été en mesure de faire, car nous n’avons à disposition que les formules et ne pouvons en déduire le résultat des calculs permettant d’obtenir ces montants55. En outre, même si nous étions en mesure de calculer le montant théorique de l’intéressement, il faudrait encore vérifier que les menaces de sanctions et les promesses de récompenses sont effectivement appliquées.

De la même manière, il nous est apparu que les conventions à prix forfaitaire contenaient très fréquemment des formules d’intéressement des opérateurs aux résultats. Sur les 21 conventions à prix forfaitaire, 16 (soit 76%) incorporent une formule d’intéressement de l’opérateur aux variations des recettes commerciales et de la fréquentation56, ce qui indique que ces conventions sont plus incitatives dans la pratique qu’en théorie et confirme donc ce que nous avions déjà observé pour les contrats de gérance.

Il n’en va pas tout à fait de même pour les contrats à contribution financière forfaitaire. La lecture de ces contrats révèle en effet que ces conventions ne font pas toujours supporter l’intégralité des risques à l’exploitant. Certaines autorités organisatrices prévoient de partager avec leurs délégataires les risques commerciaux, en général à part égale, et lorsque la valeur absolue de l’écart entre les recettes réelles et les recettes prévisionnelles dépasse un certain seuil. Autrement dit, dans le cas extrême, si les recettes réelles sont supérieures à l'engagement de recettes défini en début d’exercice, la compensation forfaitaire est réduite d'un montant égal la moitié de l'écart de recettes. Si par contre, les recettes réelles sont inférieures au même engagement de recettes, la compensation forfaitaire est augmentée de la moitié de l'écart de recettes. Dans le cas le plus fréquent, le partage des risques sur recettes, qu’il s’agisse de « bons » ou de « mauvais » risques, n’a lieu qu’à partir d’un certain montant ou d’une certaine proportion et ne concerne évidemment que l’écart entre les recettes observées et le montant-seuil, comme illustré dans le schéma ci-dessous.

Schéma 5 : Exemple de mécanisme de partage des risques sur recettes dans les conventions à compensation financière (d’après CERTU 1999) :

Dans notre échantillon, 7 conventions à contribution forfaitaire sur 32 sont dans ce cas de figure, qui correspond à une version moins incitative des contrats à contribution forfaitaire, les rendant très proches des contrats à prix forfaitaire avec intéressement. Il semble en effet

(55) Notamment parce que nous ne connaissons pas la valeur des indices mentionnés dans les formules.

(56) L’intéressement ne porte pas sur l’évolution des coûts puisque, dans ces conventions, l’opérateur supporte

déjà les risques industriels. Et il est, ici aussi, très rare d’observer des formules d’intéressement à la qualité (2 contrats sur 16).

très difficile de distinguer ces deux modes contractuels. Dans les deux cas, l’opérateur supporte l’intégralité des risques sur charges et une partie seulement des risques sur recettes.

Les 25 autres contrats sont plus caractéristiques. Ce sont, soit des conventions à contribution forfaitaire « pures » (15 cas), soit des conventions avec intéressement de l’autorité organisatrice sur les « bons » risques commerciaux57 (10 cas), très proches par conséquent de la version « pure ».

La frontière entre les trois modes contractuels de délégation que nous avons identifiés dans la section B (G, GPF et CFF) est donc plus floue en pratique qu’en théorie. Entre les formes contractuelles « pures » que nous avons décrites et qui correspondent aux grandes catégories couramment utilisées, on trouve en réalité un continuum d’arrangements. Une typologie affinée des modes de délégation des transports publics urbains devrait donc distinguer 6 contrats :

Tableau 7 : Une typologie affinée des modes de délégation

Risques industriels supportés par

Autorité organisatrice Autorité organisatrice et

opérateur Opérateur

Autorité

organisatrice Contrat de gérance

Contrat de gérance avec intéressement sur les

coûts Contrat à prix forfaitaire

Autorité organisatrice et opérateur

Contrats de gérance avec intéressement sur

les recettes et sur les coûts

Contrat GPF avec intéressement sur les

recettes /

Contrat CFF avec partage des risques sur recettes Risques sur

recettes supportés par

Opérateur Contrat de compensationfinancière

Cette typologie, si elle permet de nous éclairer sur la diversité des pratiques contractuelles et de révéler la place très minoritaire des contrats de gérance « purs », n’a malheureusement pas pu être retenue dans notre analyse des déterminants de l’efficience car le nombre d’observations de notre base de contrats est trop faible pour mener à bien une telle étude. Nous nous sommes donc contentés, dans la suite de notre étude, de la typologie décrite dans la section B, qui ne distingue que les contrats de gérance, à prix forfaitaire et à compensation financière. Cette typologie, si elle est évidemment sommaire au regard de la diversité des formes contractuelles mise en évidence dans cette section, n’en demeure pas moins plus fine que celle que retiennent la plupart des études empiriques tentant d’évaluer l’impact des modes de délégation sur les performances (Gagnepain 1998).

(57) En d’autres termes, avec ce type de contrat, seul le surplus de recette réelle par rapport à la recette prévisionnelle est partagé entre les parties et les termes du partage dépendent du montant de ce surplus.