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Conclusion du chapitre

5 Recensement des pratiques à risque

5.2 Contraintes induisant de mauvaises pratiques

Certaines contraintes ou difficultés, de nature technique, réglementaire, économique et sociologique pèsent sur les professionnels chargés de lutter contre les maladies des animaux et peuvent influer négativement sur les modalités d’utilisation des antibiotiques, induisant de mauvaises pratiques.

5.2.1 Difficultés réglementaires

Un certain nombre de dispositifs réglementaires, dans la mesure où ils ont été conçus et instaurés dans un contexte différent de la problématique de l’antibiorésistance, sont susceptibles de constituer des facteurs de risque dans ce domaine. On citera comme exemples :

 Les délais d’attente

L’absence d’AMM pour la majorité des antibiotiques, chez certaines espèces « mineures », conduit les prescripteurs à avoir recours à la « cascade de prescription » de manière courante. Il s’ensuit l’obligation de respecter un délai d’attente forfaitaire qui peut être incompatible avec certaines durées d’élevage ou certaines productions et activités. L’adaptation des pratiques peut alors s’avérer difficile. Certaines filières volailles, les filières poissons, les petits ruminants (notamment les caprins) et les chevaux sont très concernés.

Par ailleurs lorsque le choix existe, il est tentant, pour des raisons pratiques, de préférer les molécules les plus récentes dont les délais d’attente sont plus courts. Ceci est particulièrement sensible en production laitière avec des molécules de nouvelle génération qui présentent des temps d’attente nul dans le lait a contrario d’AMM plus anciennes qui ont des temps d’attente de plusieurs traites.

o Les règles anti-dopage : chez les chevaux, il convient de rappeler la grande hétérogénéité des préoccupations et contraintes liées à la nature des équidés traités et à la typologie des soignants, au premier rang desquels se trouvent les vétérinaires (à activité équine exclusive ou à activité mixte), mais aussi les propriétaires et entraîneurs. Ainsi, les chevaux de sport ayant une activité dans les courses de galop, de trot, les concours (de saut d’obstacles, de complet, de dressage) ou l’endurance, sont en outre potentiellement soumis à des contrôles anti-dopage, qui peuvent conduire à des arbitrages thérapeutiques qui privilégient un délai d’attente court, voire nul, éventuellement aux dépens des risques vis-à-vis de l’antibiorésistance. En effet, certaines spécialités antibiotiques contiennent de la procaïne qui est une substance dopante, limitant alors la possibilité d'usage chez le

cheval de sport

.

 Le défaut de révision des anciennes AMM : certaines anciennes molécules d’antibiotiques disposent d’AMM assorties de posologies aujourd’hui inappropriées. Leur usage selon les indications de l’AMM conduit à effectuer des sous-dosages qui sont des facteurs de risque connus vis-à-vis de l’antibiorésistance. Des recommandations d’usage raisonné et modéré des nouvelles molécules antibiotiques ne pourront être émises que si l’arsenal thérapeutique plus ancien est réactualisé, notamment dans le domaine de la posologie. L’actuelle réglementation européenne transposée dans le droit national rend difficile l’actualisation de certaines parties de dossiers des anciennes AMM imposant la fourniture de nouvelles études notamment en écotoxicologie pour la révision des anciennes posologies par exemple. De plus ces procédures devront parfois être gérées au niveau européen. Cela pose le problème de l’investissement financier nécessaire et du retour sur investissement que peuvent en attendre les laboratoires pharmaceutiques sur d’anciennes molécules, la durée de protection des données et du marché étant révolues. Il s’avère donc nécessaire de réfléchir au niveau européen à une évolution de ce dispositif.

 Les règles administratives peuvent constituer un frein à l’évolution et à la rénovation des bâtiments.

5.2.2 Contraintes techniques

Un certain nombre de difficultés techniques, aujourd’hui non résolues, conduisent à une utilisation inadaptée d’antibiotiques. On citera comme exemples :

 L’absence d’outils de diagnostic rapide : il est aujourd’hui indispensable de mettre à

disposition des vétérinaires, des outils de diagnostic et d’aide à la décision rapides. Il peut s’agir de kits permettant de faire la part entre les affections susceptibles de requérir un traitement antibiotique et les autres. Ces outils ont été développés en santé humaine et il est souhaitable qu’il en soit de même en médecine vétérinaire. Il est également important que les indicateurs d’infection soient les plus précoces possibles, notamment dans le cadre d’une optimisation des traitements métaphylactiques (systèmes automatisés de mesure de la température corporelle par exemple).

 L’absence relative de valeur prédictive des antibiogrammes réalisés en médecine

vétérinaire (cf 3.3.1).

 Le manque d’informations régulièrement disponibles et mises à jour sur l’évolution des

dominantes infectieuses et du niveau de résistance des principaux agents pathogènes chez certaines espèces.

 Le peu de connaissance disponible pour les prescripteurs, sur la biodisponibilité des antibiotiques, ce qui ne leur permet pas de prendre en compte ce critère qui permettrait de limiter les volumes d’antibiotiques utilisés.

 L’inadaptation des unités de vente : un certain nombre d’antibiotiques ne sont disponibles

que sous des unités de vente inappropriées à leur usage. Cela peut conduire, soit à des sous-dosages si le volume est insuffisant pour le nombre de traitements à administrer, soit à de l’automédication en utilisant le reliquat du médicament si le volume est plus important que celui correspondant au nombre de traitements à administrer.

 Les difficultés à estimer le poids de certains animaux (chevaux, bovins) peuvent conduire à un mauvais dosage.

 Les difficultés d’administration : la contention des animaux est un pré-requis systématique

à l’administration individuelle d’un antibiotique, que ce soit chez les animaux de compagnie ou en production animale. Cette contrainte est un frein à l’observance des prescriptions lors d’administrations répétées. Les formulations « longue-action » sont une réponse efficace à ces difficultés, en termes de praticité et d’observance. Elles présentent cependant les inconvénients suivants :

o l’élimination lente de l’antibiotique (la propriété responsable de son caractère

« longue-action ») fait qu’il persistera également plus longtemps après le délai nécessaire à son action curative, avec un impact potentiellement défavorable sur les flores bactériennes en matière d’antibiorésistance (cf 2.5.2),

o lors d’une administration unique de la formulation « longue action », la durée

d’exposition de l’organisme est figée. Ce type de formulation n’est pas adapté à une ré-évaluation de la durée de traitement par le prescripteur (cf 2.5.2).

5.2.3 Contraintes et/ou opportunités économiques,

sociologiques

Les experts ont également identifié un certain nombre de contraintes et d’opportunités économiques et sociologiques influençant la prescription des antibiotiques, sans pour autant pouvoir les évaluer scientifiquement dans le cadre de ce Groupe de Travail, qui ne comportait pas de compétences dans ces domaines. Leur énumération dans le présent rapport peut conduire à identifier certaines pistes d’enquêtes ou de recherches :

 L’arrivée des génériques en thérapeutique vétérinaire : les génériques ont permis une

baisse du prix des antibiotiques, ce qui apparaît comme un facteur favorisant le recours à ces produits.

 Coût de la main d’œuvre : le traitement lorsqu’il s’agit de médicaments injectables doit

filières. Il peut être un frein à l’utilisation de cette voie d’administration qui pourtant, expose moins aux antibiotiques les bactéries commensales (digestives) que la voie orale, ou au contraire être favorable à l’utilisation des présentations longue action (cf 5.2.2).

 La prise en compte de la productivité dans les schémas génétiques : chez les vaches laitières, par exemple, la sélection génétique a pris en compte la productivité mais jusqu’à récemment, assez peu la « résistance » aux infections mammaires. A titre d’illustration : la rapidité de traite a fait l’objet d’une sélection. Chez les animaux ainsi sélectionnés, on constate une plus grande sensibilité aux infections mammaires.

 L’économie de l’élevage et/ou de la filière conditionne très fortement la capacité

d’investissement nécessaire pour améliorer les bâtiments et le matériel, en vue de placer les animaux dans un environnement qui permette une meilleure maîtrise des infections. Les contraintes économiques actuelles obligent souvent les éleveurs à accroître la taille des groupes d'animaux, voire leur densité, ce qui représente un facteur de risque pour l'émergence de pathologie et donc la consommation d'antibiotiques (cf 2.1). Cet

accroissement de taille, voire de densité doit s’accompagner de moyens de maîtrise

supérieurs qui passent nécessairement par des investissements supplémentaires dans l’élevage.

 Le facteur éleveur-propriétaire :

o Quelles que soient les filières, l’éleveur est le gestionnaire de l’élevage. Au travers

de ses décisions, ses choix, sa rigueur, sa constance, son expertise et ses objectifs, il exerce une influence prépondérante sur la gestion des maladies au sein de son élevage. C’est le garant du respect des mesures de biosécurité, de la surveillance des animaux ; il est aussi gestionnaire de l’alimentation, des paramètres d’ambiance, de la surveillance et du tri des animaux, de l’élimination des malades et de la qualité du rationnement.

L’observance des traitements de la part des éleveurs est primordiale dans la maîtrise de l’antibiorésistance.

Le vétérinaire prescrit selon deux modalités :

- lors d’une visite dans l’élevage et d’un examen clinique des animaux

- sans examen clinique des animaux, en conformité avec un protocole de soin établi par lui. Cette seconde modalité représente aujourd’hui la très grande majorité des prescriptions antibiotiques. C’est alors l’éleveur qui administre les médicaments au titre d’infirmier.

L’aptitude de l’éleveur et de son personnel à reconnaître les maladies (diagnostiquer), à se référer et à respecter le protocole de soins et la prescription des médicaments (opportunité de traiter, choix de l’anti-infectieux, évaluation du poids des animaux, mode et durée d’administration, etc.), à évaluer l’efficacité des traitements entrepris est essentielle.

o Les propriétaires de chiens et de chats constituent une classe particulière d’acteurs dans la mesure où ils ne sont pas des professionnels de l’élevage. Pour autant, ils interviennent souvent directement sur les modalités de mise en œuvre d’un traitement antibiotique. Entre 2006 et 2009, la progression des stérilisations chez le chien (+6 %) et le chat (+ 2 %) est un indicateur de la médicalisation croissante des chiens et des chats, que ce soit en ville ou en campagne.

Ce recours aux soins s’est accompagné d’une augmentation des prescriptions et de la mise en place de traitements à court et moyen terme. Ces différents aspects de la médecine de ces carnivores font que la prescription de traitements antibiotiques face à une infection bactérienne (avérée ou supposée) est un acte courant du vétérinaire, suivie par une utilisation de qualité variable de la part du propriétaire : sans pouvoir la caractériser, il est connu qu’une part d’automédication ou de réutilisation d’anciennes ordonnances existe pour les chiens et les chats (en cas de pyodermite récidivante par exemple) ; d’un autre côté, le défaut d’observance par non respect des prescriptions, en particulier l’arrêt prématuré d’un traitement du fait de l’amélioration clinique et de la difficulté d’administrer un traitement, est fréquemment rencontré pour ces animaux de compagnie.

5.3 Recensement des pratiques à risque