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Afin de contrôler la stéréochimie du centre créé en C14, nous avons envisagé d’utiliser

Prins/coupure réductrice - Synthèse du (+)-cryptocaryol A

III. Application : synthèse totale du (+)-cryptocaryol A

II.58. Afin de contrôler la stéréochimie du centre créé en C14, nous avons envisagé d’utiliser

les conditions de Paterson, à savoir l’utilisation de chlorodialkylborane.64,65 Nous avons donc formé l’énolate de bore de la cétone II.58,158 qui a été mis en réaction avec l’aldéhyde II.63, pour conduire après traitement oxydant aux produits d’aldolisation II.64 et II.65. Plusieurs conditions ont été testées, en faisant varier à la fois le borane utilisé, le solvant et la température de l’aldolisation ainsi que celle du traitement oxydant. Les résultats sont regroupés dans le Tableau 8 ci-dessous.

Dans un premier essai, nous avons effectué la réaction d’aldolisation en présence de chlorodicyclohexylborane (Cy2BCl) dans l’éther, de –78 °C à température ambiante. Dans ces conditions, nous avons observé une rétroaldolisation lors de la remontée en température et seul l’aldéhyde II.63 a été détecté après traitement (Tableau 8, entrée 1). Nous avons reproduit la réaction à plus basse température (de –78 °C à –20 °C) (Tableau 8, entrée 2) et après traitement les composés II.64 et II.65 ont été isolés sont la forme d’un mélange dont les proportions n’ont pas pu être déterminées, ce mélange contenant également l’aldéhyde résiduel II.63 ; le rendement estimé par RMN 1H pour ces deux diastéréoisomères II.64 et II.65 est de 13%.

Des études complémentaires nous ayant montré que la cétone II.58 était peu soluble dans les solvants polaires et donc peu réactive, nous avons réalisé la condensation aldolique entre II.58 et II.63 en remplaçant l’éther par du pentane et nous avons alors pu isoler un mélange des composés II.64 et II.65 avec un rendement estimé à 35% par RMN 1H (Tableau 8, entrée 3).

Comme nous avons observé que la rétroaldolisation se produisait lors du traitement oxydant, nous avons effectué non seulement la réaction d’aldolisation à –78 °C, mais également le traitement oxydant, ce qui nous a permis d’améliorer le rendement en II.64 et II.65 et d’obtenir ces composés avec un rendement estimé à 47%, mais ces composés sont toujours en mélange avec l’aldéhyde II.63 résiduel (Tableau 8, entrée 4). La rétroaldolisation n’a donc pas pu être empêchée, même à basse température.

Par ailleurs, dans l’espoir d’améliorer la diastéréosélectivité de la réaction d’aldolisation, nous avons remplacé le Cy2BCl par un borane optiquement actif, le (–)-diisopinocamphéylborane (Tableau 8, entrée 5). En utilisant ce réactif, un mélange de composés II.64 et II.65 (en proportions indéterminées) et d’aldéhyde II.63, a été obtenu avec

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un rendement estimé à 26% pour les diastéréoisomères II.64 et II.65 et globalement la réaction est moins propre que dans les essais précédents.

Nous avons donc choisi de conserver le Cy2BCl pour former l’énolate de bore. Après optimisation, les meilleures conditions se sont révélées être l’utilisation de chlorodicyclohexylborane dans le pentane, de –78 °C à –40 °C pendant 4 h, suivie d’un traitement oxydant à –40 °C pour conduire à un mélange constitué des composés II.64 et II.65, dans des proportions indéterminées, et de l’aldéhyde II.63 avec un rendement estimé par RMN

1H de 55% pour les produits d’aldolisation II.64+II.65 (Tableau 8, entrée 6).

Entrée R2BCl Solvant T1 °C t T2 °C (II.64+II.65)

/II.63a Rdt b 1 Cy2BCl Et2O -78 °C à t.a. 18 h 0 °C à t.a. 0:1 0% 2 Cy2BCl Et2O -78 °C à -20 °C 5,5 h 0 °C à t.a. 30:70 13% 3 Cy2BCl Pentane -78 °C à -20 °C 3 h 0 °C à t.a. 65:35 35% 4 Cy2BCl Pentane -78 °C 3 h -78 °C à t.a. 70:30 47%

5 (–)-Ipc2BCl Pentane -78 °C 3,5 h -78 °C à t.a. 75:25 26%

6 Cy2BCl Pentane -78 °C à -40 °C 4 h -40 °C à t.a. 60:40 55%

a Proportions du mélange des produits d’aldolisation II.64+II.65 par rapport à l’aldéhyde résiduel II.63.

b Rendement estimé par RMN 1H pour le mélange des deux diastéréoisomères II.64 et II.65.

Tableau 8

Ce mélange de composés a ensuite été directement traité par Me4NBH(OAc)3 afin de réduire les β-hydroxycétones II.64 et II.65 en anti 1,3-diols correspondants II.66 et II.67. Ces derniers ont été isolés avec un rendement de 67%, sous la forme d’un mélange inséparable de diastéréoisomères dans un rapport 75:25, a priori en faveur du composé syn,anti-II.66 (Schéma 127). Il faut noter que si les deux diastéréoisomères II.64 et II.65 sont formés au cours de la réaction d’aldolisation, la réduction de ceux-ci est diastéréosélective.

127 Une déprotection globale de II.66 et II.67, en présence de HF dans l’acétonitrile, suivie de la séparation des deux diastéréoisomères nous a permis d’isoler le (+)-cryptocaryol A avec un rendement de 50% (Schéma 127) confirmant, a posteriori, que les composés majoritaires

II.64 et II.66 étaient bien issus d’une réaction d’aldolisation 1,3-syn. Les données physiques et

spectrales du (+)-crytpocaryol A synthétique sont en accord avec celles rapportées dans la bibliographie pour le produit naturel {[α]D 20 + 15 (c 0.2, MeOH), [α]D 23litt + 14 (c 0.2, MeOH)}.146,154,156

Schéma 127

Nous avons donc préparé le (+)-cryptocaryol A en 20 étapes avec un rendement global de 1,6% à partir du (R)-glycidol commercial (Schéma 128). Le tétraol C6-C12 a été construit en utilisant la méthode mise au point précédemment, grâce notamment à deux cyclisations de Prins. Le centre stéréogène en C14 a été introduit grâce à une réaction d’aldolisation diastéréosélective et le centre stéréogène en C16 a été contrôlé par une réduction stéréocontrôlée 1,3-anti.

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VI. Conclusion

Nous avons mis au point une méthode de synthèse diastéréosélective de 1,3,5,7-tétraols de type II.R1 à l’aide de deux séquences cyclisation de Prins/oxydation/réduction suivies d’une coupure réductrice (Schéma 129). Nous avons montré que lors de la cyclisation de Prins, les centres stéréogènes étaient contrôlés par la configuration de l’alcool homoallylique utilisé et qu’il était possible d’accéder à tous les diastéréoisomères de ces tétraols en choisissant les alcools homoallyliques et les réducteurs appropriés. Nous avons également pu fonctionnaliser sélectivement l’une des deux doubles liaisons créées, ce qui fait de ces 1,3,5,7-tétraols des intermédiaires synthétiques valorisables dans le cadre de la synthèse de produits biologiquement actifs.159

Schéma 129

Cette méthode de formation énantio- et diastéréosélective de tétraols a été appliquée à la synthèse du fragment C4-C14 du (+)-cryptocaryol A II.60 (Schéma 130), ce qui nous a permis d’introduire quatre des centres stéréogènes présents dans cette molécule (en C6, C8, C10 et C12), les deux derniers centres ayant été contrôlés grâce à une réaction d’aldolisation diastéréosélective suivie d’une réduction stéréocontrôlée. Grâce à cette séquence réactionnelle, nous avons réalisé la synthèse totale du (+)-cryptocaryol A en 20 étapes pour la séquence linéaire la plus longue et avec un rendement global de 1,6%.160

Schéma 130

159 Brun, E.; Bellosta, V.; Cossy, J. Chem. Commun. 2014, 50, 6718–6721.

129 Cette synthèse est plus courte que celles rapportées par Reddy et Mohapatra (28 étapes)155 et Wang et O’Doherty (23 étapes),154 et légèrement plus longue que celle développée par Dias et al. (17 étapes)156 mais aussi efficace en termes de rendement global (1,6% vs 1,4%).

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Chapitre 3