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Contrôle du rendement de la phosphorylation oxydative

C. Régulation de la phosphorylation oxydative

C.6. Contrôle du rendement de la phosphorylation oxydative

irréversible de l’affinité apparente pour l’oxygène dans la COX (isolée ou dans des cellules) (Sharpe et Cooper, 1998 ; Cooper et Davies, 2000). De plus, une exposition prolongée de cellules endothéliales d’artère pulmonaire de porc à un donneur de NO, le DETA-NO (2,2’-(hydroxynitrosohydrazino) bis-ethanamine) entraîne une inhibition graduelle et persistante du complexe IV, en association avec une réduction des ratios mitochondriaux de glutathion réduit GSH et oxydé GSSG. Cette inhibition de l’enzyme est due à une S-nitrosylation (addition d’un groupement NO+ à un résidu thiol) de résidus cystéines de la sous-unité II de la COX (Zhang et al., 2005). Par ailleurs, le peroxynitrite peut entraîner la peroxydation des lipides, tels que les cardiolipines, et entraîner une perte de la fonctionnalité de ceux-ci. Or, l’activité du complexe IV est directement corrélée à la quantité de cardiolipines dans la membrane interne (Stewart et Heales, 2003). Les autres complexes de la chaîne respiratoire peuvent également être inhibés par le NO et les ERAs (Brown et Borutaite, 2007). Des S-nitrosylations ou des nitrations (ajout d’un groupement NO2+, principalement sur des résidus tyrosines) inactivent le complexe I. La sensibilité du complexe I au peroxynitrite et aux autres dérivés de l’azote semble dépendante du taux intracellulaire de glutathion réduit GSH. Ceci pourrait expliquer les disparités de régulation du complexe I observées dans des types cellulaires différents (tels que les cellules neuronales et gliales) soumis à un stress nitrosant (Stewart et Heales, 2003). Le NO et le peroxynitrite semblent également inhiber les complexes II et III mais ces données sont soumises à controverses (Cassina et Radi, 1996 ; Poderoso et al., 1996). Le NO et les espèces réactives de l’azote peuvent aussi stimuler la production d’EROs et d’ERAs par la mitochondrie (Brown et Borutaite, 2007). A des niveaux élevés, le NO peut réagir directement avec l’oxygène dans la mitochondrie pour donner du NO2 et du N2O3. A des niveaux modérés, le NO peut augmenter la production de superoxyde O2-. (particulièrement au niveau des complexes I et III) et de peroxyde d’hydrogène H2O2 en inhibant la respiration mitochondriale, alors qu’à des niveaux plus élevés le NO inhibe la production d’H2O2 en capturant l’O2-., ce qui résulte en la production de peroxynitrite ONOO-. Cette formation locale de peroxynitrite entraîne une inhibition irréversible de la respiration et la production supplémentaire d’oxydants, cercle vicieux qui peut entraîner la mort cellulaire.

C.6. Contrôle du rendement de la phosphorylation oxydative.

L’efficacité stœchiométrique de la phosphorylation est définie par le ratio P/O, c’est à dire la quantité de phosphate inorganique Pi incorporé dans l’ATP par quantité d’oxygène consommé. Le rendement maximal de production d’ATP provenant de l’oxydation complète du palmitate est de 96,5 molécules d’ATP par palmitate, avec un ratio P/O maximal global de



2,1 (Brand, 2005). Le rendement maximal de production d’ATP provenant de l’oxydation complète du glucose dans une cellule utilisant la navette malate-aspartate pour le transfert des équivalents réduits dans la matrice mitochondriale est de 28,9 molécules d’ATP par glucose (27,5 si la navette glycérol phosphate est utilisée), avec un ratio P/O maximal de 2,41 (2,29 si la navette glycérol phosphate est utilisée). Le découplage de l’OxPhos désigne tout processus qui diminue le ratio P/O, principalement basé sur une diminution du gradient de protons, entraînant une perte de l’énergie redox et une augmentation de la thermogenèse. Ce ratio P/O peut en fait être défini par plusieurs points :

- Le nombre de protons envoyés vers l’espace intermembranaire pour chaque atome d’oxygène consommé (ratio H+/O) et pour chaque paire d’électrons transférée d’un donneur d’électrons à un accepteur d’électrons (ratio H+/2e-).

- Le nombre de protons qui retournent vers la matrice mitochondriale pour chaque molécule d’ADP phosphorylée en ATP (ratio H+/ATP).

De nombreux paramètres peuvent dégrader le gradient de protons à travers la membrane mitochondriale interne et diminuer le ratio P/O.

C.6.1. Découplage extrinsèque : fuite de protons.

Un moyen de diminuer le ratio P/O est la fuite de protons à travers la membrane mitochondriale interne : les protons pompés par les complexes de la chaîne respiratoire reviennent dans la matrice sans passer par l’ATP synthase et donc sans entraîner la synthèse d’ATP. Cette fuite de protons est une des voies majeures altérant profondément la bioénergétique de la mitochondrie. Chez le rat, la somme des fuites de protons des différents organes a été estimée à environ 25 % du taux métabolique basal (Rolfe et Brown, 1997). La fuite de protons est importante en conditions non phosphorylantes alors que, lorsque l’ADP et le phosphate inorganique sont présents, l’ATP synthase est la voie favorisée pour le retour des protons dans la matrice (Brookes, 2005). La fuite de protons est donc faible quand la demande en énergie est forte. Cette fuite de protons peut être divisée en plusieurs catégories : la fuite basale et la fuite inductible par de nombreuses conditions physiologiques et pathologiques (médiée en partie par les protéines découplantes).

o Fuite basale.

La fuite basale n’est pas une simple fuite de protons à travers la double couche phospholipidique car dans des liposomes réalisés à partir de phospholipides mitochondriaux la fuite de protons est environ 20 % plus faible que dans les membranes mitochondriales



(Brookes et al., 1997). La mitochondrie contient donc « quelque chose », conférant à sa membrane interne une perméabilité aux protons, qui est perdue quand les liposomes sont fabriqués. Différentes pistes ont été évoquées pour expliquer cette fuite basale de protons : notamment la présence de certaines protéines dans la membrane interne ou la capacité de certaines molécules (acides gras libres, superoxyde) à porter des H+ et à les faire traverser la membrane (Brookes, 2005) mais le mécanisme de fuite basale de protons reste peu clair.

o Fuite inductible.

Tous les tissus sont susceptibles de moduler la disponibilité en ATP selon les besoins énergétiques grâce à la régulation du couplage entre la respiration cellulaire et la synthèse d’ATP. La première protéine découplante, ou UCP, a été identifiée dans les mitochondries du tissu adipeux brun (Lin et Klingenberg, 1980). La thermogénine, ou UCP1, est responsable de la production de chaleur dans cet organe. En réponse au froid, la PKA est activée ce qui entraîne une surexpression de l’UCP1 et les stocks de triacylglycérol sont hydrolysés pour libérer des acides gras. Les acides gras agissent simultanément comme substrats du transport des électrons et activateurs de la conductance aux protons de l’UCP1, ce qui résulte en un découplage entre le transport des électrons et la synthèse d’ATP. La respiration découplée permet l’oxydation rapide des acides gras et produit de la chaleur qui sera distribuée dans le reste du corps par la circulation (Brand, 2005). Des protéines homologues à l’UCP1 – l’UCP2 et l’UCP3 – ont été identifiées dans d’autres tissus tels que le poumon, la rate, le cerveau, le muscle squelettique et la thyroïde. La protéine UCP2 est ubiquitaire. Un modèle a été proposé pour expliquer l’activation de ces UCPs (Brand, 2005). Dans ce modèle (figure I19), l’activation de l’UCP2 et l’UCP3, et peut-être de l’UCP1, par les EROs semble être essentielle pour permettre la conductance des protons. Les UCPs seraient inactives ou faiblement actives en absence d’espèces réactives de l’oxygène. A des concentrations physiologiques d’ATP, les UCPs découpleraient uniquement en présence d’EROs et d’acides gras. Une des fonctions de ce découplage régulé par les UCPs pourrait être d’atténuer les dommages causés par la production d’EROs au niveau de la chaîne de transport des électrons (Arsenijevic et al., 2000 ; Criscuolo et al., 2005 ; Brand et Esteves, 2005). Quand la force protomotrice est importante, le potentiel de membrane est élevé et entraîne une production importante d’EROs au sein de la chaîne respiratoire. Le découplage modéré induit par l’activation des UCPs par les EROs limiterait la force protomotrice et atténuerait la production d’EROs. Il semble donc qu’une boucle de rétrocontrôle existe entre les EROs et la



fuite de protons : la fuite de protons diminuant la production d’EROs et les EROs générés par la mitochondrie augmentant la fuite de protons (Brookes, 2005).

L’ANT, une des protéines les plus abondantes dans la membrane mitochondriale interne, semble également impliquée dans la fuite inductible de protons. Il a été montré que l’AMP peut agir de manière allostérique sur l’ANT pour induire une fuite de protons (Cadenas et al., 2000). De plus, dans les mitochondries de la graisse brune, il existe une fuite basale de protons assez élevée, indépendante de l’UCP1, et cette fuite basale est sensible à un inhibiteur de l’ANT (Shabalina et al., 2006). L’isoforme ANT2 serait impliquée dans le découplage induit par les acides gras alors que l’ANT1 serait responsable d’une part importante de la fuite basale de protons élevée dans les mitochondries du tissu adipeux brun.

En plus de ces différents mécanismes qui dégradent le gradient de protons, une diminution de l’efficacité des pompes à protons (diminution de la stoechiométrie H+/e- ou H+/ATP) peut entraîner une diminution du ratio P/O. Ce phénomène correspond au découplage intrinsèque.

C.6.2. Découplage intrinsèque : patinage des pompes à protons.

Si les pompes à protons ne sont pas parfaitement couplées, elles peuvent patiner, particulièrement quand la force protomotrice est importante, ce qui a pour conséquence la baisse de la quantité de protons pompés par les complexes de la chaîne respiratoire pour chaque paire d’électrons transférée ou la diminution de la quantité d’ATP fabriquée par l’ATP synthase pour chaque proton qui la traverse. Le patinage de la conversion d’énergie est en théorie possible pour toutes les pompes à protons. Cependant, une signification physiologique de cette régulation par patinage (ou slipping) in vivo n’a été montrée que pour le complexe IV et l’ATP synthase.

L’ATP synthase consiste en deux moteurs rotatifs qui, en fonction de la demande en ATP ou de la force protomotrice, peuvent fonctionner dans les deux sens. Le patinage ne se produit pas au niveau de la conversion entre énergie chimique et énergie mécanique dans le domaine F1 mais est possible au niveau de la conversion entre énergie mécanique et énergie électrochimique dans le domaine F0 (Junge et al., 2001). Par ailleurs, la stœchiométrie H+/ATP de l’ATP synthase est variable en fonction du nombre de sous-unités c dans l’anneau rotatif, ce nombre différant selon les espèces (Kadenbach, 2003).

De nombreux auteurs ont décrit une diminution de la stœchiométrie H+/e- au niveau du complexe IV quand la force protomotrice est élevée (Azzone et al., 1985 ; Babcock et

 

Wikström, 1992 ; Capitanio et al., 1996). Le patinage de la COX permettrait de prévenir la production d’EROs quand le potentiel de membrane est élevé (Papa et al., 1997). Par ailleurs, chez les mammifères, il existe plusieurs isoformes de la cytochrome c oxydase, différant principalement au niveau des sous-unités VIa, VIIa et VIII (Kadenbach, 2003). Concernant l’isoenzyme de type cardiaque, la diminution de la stœchiométrie H+/e- est due à un échange entre l’ADP lié et l’ATP au niveau du domaine matriciel de la sous-unité VIaH. Cette diminution de stœchiométrie H+/e- dans l’enzyme du cœur et du muscle squelettique pour des ratios ATP/ADP élevés permettrait de stimuler la thermogenèse au repos.