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Probl´ ematique et orientations

2.1 Contours de la probl´ ematique

2.1.1 Question initiale

Dans un contexte de rar´efaction de la ressource, la question principale qui nous est pos´ee est d’anticiper l’impact potentiel sur les syst`emes de produc-tion agricoles du Baj´ıo des politiques agro-environnementales visant `a r´eduire leur consommation brute en eaux souterraines.

Avant d’aller plus loin, dans le traitement de la question, il est n´ecessaire d’en dessiner correctement les contours. Pour ce faire, nous commencerons par ´eliminer les th`emes que nous ne traiterons pas ici.

Premi`erement, nous ne remettrons pas ici en cause le bien-fond´e des ob-jectifs de r´eduction de consommation brute par l’agriculture. En d’autres termes, l’allocation inter-sectorielle et inter-g´en´erationnelle de la ressource eau est suppos´ee r´esolue de mani`ere exog`ene, nous n’analyserons donc pas ici sa pertinence. Nous positionnons notre travail, comme une analyse d’impact potentiel d’une d´ecision politique.

Deuxi`emement, notre ´etude s’int´eressera exclusivement `a l’extraction des eaux souterraines. Dans la r´egion d’´etude, l’agriculture b´en´eficie de deux sources d’eau, l’eau de surface alimentant un large p´erim`etre irrigu´e, et l’eau souterraine utilis´ee par des petites unit´es d’irrigation. Ce sont le

compor-tement de ces derni`eres qui nous int´eressera ici. Elles repr´esentent 80% des extractions brutes d’eau des aquif`eres de la r´egion et 60% de l’eau utilis´ee pour l’irrigation dans le Baj´ıo (CEAG, 1999). Les extractions sont le fait de deux grands types d’unit´es d’irrigation : des agriculteurs poss´edant un puits individuel, et des groupes d’agriculteurs g´erant en commun un puits. C’est cette derni`ere cat´egorie de producteurs qui nous int´eressera ici. En effet, le caract`ere collectif de la gestion de la ressource en eau est susceptible de po-ser un certain nombre de probl`emes particuliers qui rendront les effets de politiques de prix diff´erents que dans le cas d’utilisation individuelle d’un puits.

Troisi`emement, et comme corollaire des points pr´ec´edents, nous ne trai-terons pas des effets de cette politique au niveau de l’aquif`ere. La notion d’utilisation nette de l’eau d´epend en effet des limites du syst`eme que l’on observe (Seckler, 1996 ; Barker et al., 2003). Si le syst`eme observ´e est le sys-t`eme de culture et de production, toute eau apport´ee `a la parcelle qui percole au-del`a de la zone racinaire est perdue pour le syst`eme. Si le syst`eme observ´e est le bassin versant, l’eau qui retourne `a la nappe n’est alors plus obliga-toirement perdue. Cependant, les nappes ´etant situ´ees `a environ 100 m de profondeur, le temps n´ecessaire au retour de l’eau dans le syst`eme est impor-tant. Si nous gardons, comme nous nous proposons de le faire, une vision de court terme, nous ne pourrons pas consid´erer ces retours dans le syst`eme du bassin. Une analyse au niveau des syst`emes de production est donc suffisante. Quatri`emement, nous ne traiterons pas des externalit´es qui pourraient ap-paraˆıtre entre les diff´erentes unit´es d’irrigation utilisant en commun les aqui-f`eres. En effet, les eaux souterraines peuvent ˆetre consid´er´ees comme un bien en propri´et´e collective dont l’acc`es est restreint par les droits d’extraction, mais pour lesquelles on identifie deux types d’externalit´es entre utilisateurs : – les externalit´es de coˆut de pompage : l’extraction par un utilisateur abaisse le niveau de la nappe phr´eatique pour tous, et augmente donc les coˆuts d’extraction futur de tous les autres utilisateurs.

– les externalit´es strat´egiques : du fait du caract`ere collectif de la pro-pri´et´e sur le stock d’eau souterraine, un producteur n’a de droits r´eels et effectifs que sur l’eau qu’il a effectivement pomp´ee. Ce qu’un produc-teur n’extrait pas aujourd’hui, un autre producproduc-teur pourra, au moins en partie, l’extraire. La possibilit´e que le producteur ne puisse pas pomper

demain, ce qu’il pourrait pomper aujourd’hui, diminue les incitations de chacun des producteurs `a ´epargner le stock d’eau.

Ces deux types d’externalit´es dynamiques jouent en d´efaveur d’une utilisa-tion efficiente des eaux souterraines (Negri, 1989 ; Provencher et Burt, 1993). Cependant, Gisser et S´anchez (1980) ont pr´esent´e une premi`ere estimation num´erique de l’inefficience g´en´er´ee, et ont montr´e que, si le stock de l’aquif`ere est suffisamment grand, la diff´erence entre un ´equilibre social et un ´equilibre avec externalit´es est extrˆemement faible et peut ˆetre n´eglig´ee. Plus r´ ecem-ment, Rubio et Casino (2003) en utilisant les jeux diff´erentiels, ont confirm´e que les deux types d’externalit´es n’avaient qu’un impact faible sur les compor-tements des producteurs. Nous avons donc d´ecid´e d’ignorer les interactions strat´egiques entre syst`emes irrigu´es, nous consid´ererons donc que les produc-teurs sont myopes et que leurs d´ecisions sont prises dans un cadre statique.

Deux types de politiques ´economiques, dont on analysera par la suite la pertinence, seront analys´es ici. La premi`ere politique consiste `a augmenter les tarifs de l’´electricit´e agricole afin d’augmenter les coˆuts d’extraction. La deuxi`eme consiste `a restreindre les temps d’´electricit´e disponibles (sorte de quota d’´electricit´e attribu´e aux unit´es d’irrigation). L’alimentation ´electrique des puits agricoles ´etant ind´ependante de l’alimentation ´electrique des habita-tions, on peut effectivement envisager de fournir de l’´electricit´e qu’un nombre limit´e d’heures par jour. Dans les deux cas, on s’attend `a un changement de comportement des unit´es de productions, tant au niveau des techniques ou pratiques d’irrigation, que des grandes orientations strat´egiques prises par les producteurs (types de cultures, pluri-activit´e, migration, etc.). Parall` ele-ment, on s’int´eressera `a l’impact potentiel des innovations techniques `a base de semis direct sous couvert v´eg´etal promues par les centres de recherche et les d´ecideurs politiques r´egionaux. Enfin, on s’int´eressera au potentiel d’un travail sur les innovations institutionnelles au sein des puits collectifs.

2.1.2 Quels impacts ?

Une analyse d’impact suppose un certain nombre de crit`eres objectifs. Quatre crit`eres seront retenus ici : l’efficacit´e, la productivit´e, l’efficience et l’´equit´e.

2.1.2.1 L’efficacit´e

Est-ce que la mesure prise conduit r´eellement les producteurs `a changer leur comportement dans le sens recherch´e ? En d’autres termes, est ce que les syst`emes irrigu´es ´etudi´es r´eduisent effectivement leur consommation brute en eau d’irrigation. L’efficacit´e sera donc mesur´ee par un crit`ere simple de consommation annuelle en eau des syst`emes ´etudi´es.

La r´eponse n’est pas aussi ´evidente qu’elle y paraˆıt ! Premi`erement, un certain nombre d’´etudes empiriques montrent la faible ´elasticit´e des syst`emes de production agricoles au prix de l’eau (Bontemps et al., 2001 ; de Fraiture et Perry, 2002 ). Deuxi`emement, le caract`ere collectif de la gestion des puits pourra changer la nature des signaux transmis in fine aux producteurs.

Sur ce th`eme de l’efficacit´e des politiques, nous aurons donc trois questions sous-jacentes :

– A partir de quel niveau de taxe ou de r´eduction de la disponibilit´e en ´

electricit´e constatera-t-on une diminution r´eelle et significative de la consommation en eau d’irrigation ? Les aquif`eres sont surexploit´es, un retour `a leur gestion durable suppose donc une diminution des extrac-tions nettes en eau. Par ailleurs, il est ´egalement demand´e `a l’agriculture de c´eder sa place aux autres utilisateurs (villes et industries). Nous vi-serons donc une diminution de 30 `a 45% des consommations brutes par l’agriculture1.

– Quelle sera la nature de la r´eduction des consommations ? Du point

de vue du producteur, il existe plusieurs solutions pour r´eduire sa consommation brute : la premi`ere consiste, `a surface ´egale, `a implanter des cultures et employer des techniques moins demandeuses en eau, la deuxi`eme consiste `a r´eduire les surfaces irrigu´ees, la troisi`eme est une combinaison des deux premi`eres. Sans entrer dans un bilan au niveau de l’aquif`ere, la nature de la r´eduction de la consommation aura des im-pacts diff´erents sur l’´evolution future de l’aquif`ere, nous devrons donc analyser la nature des r´eductions de consommation.

1Le d´eficit moyen constat´e au niveau des aquif`eres du Baj´ıo est de 45% des entr´ees.

Si nous recherchons, nous seulement une diminution de la demande globale et une r´

eal-location d’une partie de la demande agricole vers les autres secteurs, nous devrions avoir

des objectifs plus importants. Cependant, nous avons consid´er´e le chiffre de 40% un effort

suffisamment important vu la fragilisation d´ej`a constat´ee par ailleurs de l’agriculture de

– Le caract`ere collectif de la gestion de l’eau au niveau des petites uni-t´es d’irrigation ´etudi´ees impliquera-t-il des r´esultats diff´erents en terme d’impact des mesures prises ? Nous devrons ici analyser les interactions entre les institutions existantes au sein des puits collectifs et les poli-tiques envisag´ees. Est-ce que les institutions en place au sein des puits collectifs favorisent les ´economies en eau ou au contraire elles d´ ecou-ragent les ´economies de chacun des membres ?

2.1.2.2 La productivit´e ´economique partielle de l’eau d’irrigation

More crop per drop : which crop and which drop ?

(Molden et al., 2003)

Tout d’abord, la notion de productivit´e partielle de l’eau d’irrigation m´ e-rite un d´etour. La productivit´e ´economique relative d’un intrant est mesur´ee comme le ratio d’une valeur ajout´ee et d’une quantit´e d’intrant utilis´ee. La notion de valeur g´en´er´ee ne pose a priori pas de probl`emes de d´efinition, mais il reste `a d´efinir avec pr´ecision la quantit´e d’eau utilis´ee.

Il existe plusieurs d´efinitions alternatives et une certaine confusion dans les notions de productivit´e et d’efficience d’irrigation selon que l’on utilise l’eau apport´ee `a la parcelle, o`u l’eau effectivement utilis´ee par les plantes (Barker et al., 2003). Pour notre calcul de productivit´e stricto sensu, nous identifierons la quantit´e d’eau consomm´ee comme ´etant celle qui est apport´ee `

a la parcelle.

Sur ce th`eme de la productivit´e partielle de l’eau, nous aurons donc trois questions sous-jacentes :

– Est-ce que les mesures appliqu´ees conduiront `a une meilleure valorisa-tion ´economique de l’eau ? Pour une quantit´e d’eau consomm´ee moindre (objectif recherch´e), la production de biens agricoles pourra-t-elle ˆetre maintenue, par exemple par le biais du changement technique (semis direct) ou plus simplement par le biais de changement des pratiques d’irrigation pour une technique donn´ee ?

– Les politiques mises en place ne conduiront-elles pas `a un abandon, au moins partiel, de l’agriculture irrigu´ee ? Dans le cadre du Baj´ıo, les producteurs n’abandonneront-ils pas les cultures irrigu´ees durant le cycle d’hiver o`u la productivit´e ´economique de l’eau est la plus faible

pour se concentrer sur une irrigation d’appoint pour les cultures d’´et´e o`u la productivit´e ´economique de l’eau est la plus forte ?

2.1.2.3 L’efficience

L’allocation d’une ressource rare entre plusieurs usages est une allocation efficiente si elle permet de maximiser le b´en´efice net total qui peut ˆetre g´ e-n´er´e `a partir de la quantit´e disponible de cette ressource. Si, dans le calcul du b´en´efice net, on n’impute que les coˆuts variables et que l’on ne consi-d`ere ni les coˆuts fixes ni les amortissements, l’allocation est efficiente dans le court terme. En l’absence de contraintes ou de distorsions dans les prix et les coˆuts, l’allocation est Pareto-efficiente ou un optimum de premier rang, ce qui veut dire que l’on ne peut changer l’allocation de la ressource sans p´ e-naliser un au moins des utilisateurs de la ressource. En revanche, en pr´esence de contraintes, le b´en´efice net maximum qui peut ˆetre g´en´er´e sera consid´er´e un optimum de second rang.

Comme nous avons consid´er´e l’allocation intersectorielle de l’eau des aqui-f`eres hors champ de notre recherche, nous ne rentrerons donc pas dans l’´ eva-luation de l’efficience de l’allocation de l’eau `a cette ´echelle. Plutˆot, ce qui nous concernera est l’allocation de la ressource au niveau des puits collectifs. Sur ce th`eme de l’efficience, nous aurons donc comme questions sous-jacentes :

– Existe-t-il une diff´erence significative entre les ´equilibres efficients (so-cialement optimaux) et les ´equilibres prenant en compte les interactions strat´egiques entre producteurs au sein d’une unit´e d’irrigation ? On comparera en l’absence de r`egles au sein des puits, l’´equilibre sociale-ment efficient avec les ´equilibres individuels.

– Le r`egles collectives au sein des puits permettent-elles de s’approcher des ´equilibres efficients ? On comparera alors les ´equilibres sous diff´ e-rents cadres institutionnels, avec l’´equilibre efficient.

2.1.2.4 L’´equit´e

Le concept d’´equit´e s’int´eresse `a la distribution de la valeur ´economique totale g´en´er´ee par cette ressource entre les diff´erents utilisateurs. Tradition-nellement, les ´economistes n´eo-classiques ont donn´e plus de poids `a la notion

d’efficience qu’`a la notion d’´equit´e. Les mesures d’´equit´e peuvent ˆetre des-criptives ou normatives. Les mesures desdes-criptives ´evaluent la dispersion des revenus `a travers d’une mesure statistique. Les mesures normatives sont d´ e-riv´ees d’une fonction de bien-ˆetre (welfare).

L’id´ee est bien ici de comparer les distributions de revenu au sein d’un puits en fonction des diff´erents types de politiques appliqu´ees et des r`egles collectives d´ecid´ees par le groupe. Cependant, au-del`a de la distributionper se

des revenus au sein des puits collectifs, on s’int´eressera surtout `a la r´epartition des rentes produites par certaines r`egles collectives au sein des puits.

D’un point de vue micro-´economique, une rente est d´efinie comme l’ex-c´edent de profit que procure l’usage d’un facteur de production par rapport `

a ce que ce facteur pourrait rapporter dans son meilleur usage alternatif sur un march´e concurrentiel. Cet exc`es de profit peut ˆetre g´en´er´e par une po-sition ´economique sp´ecifique. Notre comparaison des ´equilibres socialement optimaux et ´equilibres non-coop´eratifs, nous permettra de mesurer le niveau des rentes cr´e´ees par les r`egles collectives et son ´evolution avec l’augmen-tation des tarifs ´electriques ou des quotas. Elle permettra d’identifier, dans l’hypoth`ese d’un changement institutionnel, les gagnants et les perdants.

2.2 Quelles th´eories et quels instruments