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Des probl` emes, une

1.4 Caract´ eristiques de la ressource

Il est maintenant important de mieux caract´eriser la nature de ressource eau que nous allons ´etudier. La ressource eau peut rentrer dans plusieurs grilles de classification des ressources. Les d´elimitations retenues ici condi-tionneront grandement les accrochages th´eoriques retenus par la suite.

1.4.1 Une ressource naturelle renouvelable ?

Une ressource naturelle renouvelable est, dans le domaine biologique, une production spontan´ee exploit´ee sans transformation qualitative(Gillon

Les ressources renouvelables sont r´eg´en´er´ees, parce qu’elles sont recycl´ees de mani`ere rapide ou car elles sont vivantes et ont une capacit´e de croissance et de reproduction (´ecosyst`emes, organismes). Le terme renouvelable est li´e aux vitesses respectives d’exploitation et de restauration de la ressource. Si ces vitesses sont voisines l’une de l’autre, le stock peut rester inchang´e ou en tout cas suffisant pour que les flux sortants et les flux entrants puissent s’´equilibrer (Conrad, 1999).

L’eau qualifie donc comme une ressource naturelle renouvelable. Cepen-dant, elle a certaines sp´ecificit´es par rapport aux autres ressources naturelles. Premi`erement, dans le cas de l’eau d’un aquif`ere, le renouvellement de la res-source ne d´epend pas du stock mais de param`etres exog`enes, pluviom´etrie, configuration du bassin versant, etc. Deuxi`emement, il n’y a pas toujours d’irr´eversibilit´e dans la consommation. L’abandon de l’extraction excessive de l’eau d’un aquif`ere conduit g´en´eralement `a sa recharge, et donc `a la possi-bilit´e de l’utiliser de nouveau. Il ne faut cependant pas perdre de vue que les nappes phr´eatique peuvent s’´epuiser de mani`ere irr´eversible. Pour les nappes proches des cˆotes, des intrusions salines facilit´ees par l’´epuisement des nappes peuvent au del`a d’un certain seuil empˆecher irr´em´ediablement leur utilisa-tion agricole. Dans d’autres configurautilisa-tions, l’extracutilisa-tion continue de l’eau des nappes conduit `a des affaissements de terrain rendant impossible les futures recharges.

Nous verrons que notre positionnement par rapport `a l’´economie des res-sources naturelles sera un peu marginal car nous ne pr´eoccupons pas de l’allocation intersectorielle et/ou interg´en´erationnelle d’une ressource renou-velable. Notre propos est bien d’´etudier la r´eactions des syst`emes consomma-teurs d’eau aux politiques tentant de g´erer cette eau (d´ecisions d´ej`a prises). Nous nous situons donc en aval d’une d´ecision de politique ´emanant des th´eories de l’´economie des ressources naturelles.

1.4.2 Un bien ´economique classique ?

La proclamation de Dublin, qui mentionne que l’eau doit ˆetre trait´ee comme un bien ´economique, a ´et´e largement utilis´ee et semble faire l’ob-jet d’un consensus large (International Conference on Water and the Envi-ronment, 1992). En effet, il existe de nombreux usages alternatifs `a l’eau,

qu’elle soit utilis´ee directement pour la consommation humaine ou comme bien de consommation interm´ediaire pour la production de biens et services. G´en´eralement, bien que cela d´epende amplement des zones g´eographiques, la quantit´e demand´ee exc`ede largement la quantit´e disponible. Il sera suffi-sant de penser, par exemple, que un milliard de personnes ne disposent pas d’eau potable en quantit´e suffisante. Ce qui permet de la qualifier comme ressource rare. Finalement, mˆeme si la ressource eau a pu parfois apparaˆıtre comme une ressource abondante, un coˆut d’extraction (eau des aquif`eres), et/ou d’amen´ee a toujours ´et´e n´ecessaire pour l’obtenir.

L’eau en tant que bien rare et coˆuteux que l’on peut affecter `a diff´ e-rents usages peut donc bien ˆetre qualifi´e de bien ´economique. Cependant, la d´eclaration de Dublin ´etait un compromis entre ceux qui voulaient traiter l’eau comme un bien ´economique classique, c’est `a dire en l’allouant entre les diff´erents usages selon des m´ecanismes de march´e comp´etitifs et ceux qui voulaient traiter l’eau comme un besoin humain vital qui devait essentielle-ment ˆetre extraits des m´ecanismes de march´e. En tant que ressource vitale, tous les hommes ont (devrait avoir ?) un droit `a l’eau, en quantit´e et en qua-lit´e suffisante pour leurs besoins vitaux. Les lois et les trait´es internationaux reconnaissent implicitement, plus souvent qu’explicitement, ce droit comme un droit fondamental de l’homme (Gleick, 1999).

La pond´eration entre le vital et l’´economique est, `a nos yeux, plus une question politique qu’´economique, nous n’entrerons donc pas dans ce champ. Notre objection est autre. Traiter l’eau comme un bien ´economique classique supposerait la mise en place de m´ecanismes de march´es pour permettre les ´

echanges entre utilisateurs. Cependant, les mouvements de l’eau au niveau d’un bassin sont complexes et laissent la place `a de nombreux probl`emes d’externalit´es entre usagers et de d´efaillances de march´e. La d´efinition claire de droits de propri´et´e sur l’eau serait alors n´ecessaire (Perryet al., 1997). On suppose alors que la propri´et´e priv´ee, permettant d’internaliser ces externali-t´es, suffirait `a garantir une gestion efficiente des ressources. L’appropriation priv´ee de l’eau n’est cependant pas toujours r´ealisable, ou seulement `a des coˆuts prohibitifs.

1.4.3 Un bien en propri´et´e collective

On d´ecompose classiquement les biens ´economiques en fonction des formes de consommations et des difficult´es d’exclusion (voir par exemple, Bromley, 1991 ; Ruf, 2002).

Les biens priv´es sont caract´eris´es par un contrˆole de l’acc`es ais´e et une consommation rivale (ce que je consomme ne peut ˆetre consomm´e par un autre : il y a alors destruction par l’usage). A l’oppos´e, les biens publics

sont caract´eris´es par une exclusion difficile, et une consommation non rivale. L’air est souvent pris comme exemple de bien public. L’air est partag´e par tous, et la consommation par l’un ne r´eduit pas la consommation potentielle des autres. Les biens d´efinis par des droits de p´eage ou biens clubs sont les biens dont on peut limiter l’acc`es, mais dont l’utilisation n’est pas rivale. L’autoroute ou les parcs naturels sont des exemples classiquement retenus.

Les biens communs en acc`es libre sont les biens pour lesquels il est dif-ficile d’exclure l’usage, et pour lesquels la consommation est rivale. Dans ce cas, les coˆuts de d´efinition des droits de propri´et´e individuels sont importants et empˆechent l’appropriation individuelle du bien. Cependant, l’existence de titres de propri´et´e ne suffit pas toujours `a consid´erer les biens comme priv´es. En effet, l’apparence de propri´et´e ne doit pas faire illusion. L’eau souterraine, par exemple, est souvent explicitement la propri´et´e de l’Etat. Cependant, la difficult´e de mettre en place un syst`eme de contrˆole des consommations et des forages rend cette appropriation inop´erante. Dans un tel cas, l’aquif`ere peut ˆetre qualifi´e de bien commun en acc`es libre. De mˆeme, dans certains pays, les propri´etaires terriens sont ´egalement propri´etaires de l’eau souter-raine correspondant `a leurs parcelles. Les mouvements des eaux souterraines rendent l`a encore illusoire le titre de propri´et´e. Il est montr´e que lorsque les ressources sont en acc`es libre, c’est-`a-dire en l’absence de limitation et de contrˆole de l’acc`es, se met en place une dynamique de surexploitation. Cette dynamique de l’acc`es libre est connue sous la d´enomination de trag´edie des communs (Hardin, 1968). Plus r´ecemment, d’autres auteurs ont argument´e en faveur d’un r´eajustement terminologique en faveur de la trag´edie de l’acc`es libre (Weber, 1992).

L’absence de titre de propri´et´e bien d´efini n’est cependant pas incompa-tible avec une appropriation de la ressource par un groupe identifi´e (Weber,

1995). La d´efinition de bien enpropri´et´e commune suppose ainsi l’appropria-tion collective d’un bien (Roemer, 1989). Les membres du groupe peuvent donc interdire l’acc`es de ce bien aux non-membres (ce qui suppose impli-citement que le groupe est propri´etaire au sens large du bien), mais la consommation entre les membres du groupe reste rivale. Il est alors important de distinguer entre (Baland et Platteau, 1996) :

– Les ressources en propri´et´e commune o`u une r´egulation de la consom-mation de chacun des membres est effectu´ee par le biais de r`egles col-lectives d’acc`es, d’allocation entre membres et d’investissement pour l’exploitation du bien partag´e. On parlera alors de ressource en pro-pri´et´e commune avec r`egles collectives.

– Les ressources pour lesquelles la collectivit´e n’arrive pas `a mettre en place ou `a faire respecter ces r`egles, on parlera alors deressource en pro-pri´et´e commune sans r`egles collectives. Dans ce cas, les co-propri´etaires arrivent `a interdire l’acc`es aux agents ext´erieurs mais n’arrivent pas `a contrˆoler l’utilisation de chacun des membres du groupe. Le principe d’autorit´e selon lequel le groupe fonctionne avec un objectif unique n’est donc pas satisfait (Larson et Bromley, 1990). On s’approche alors des caract´eristiques des biens communs en acc`es libre, surtout quand l’effectif du groupe est important.

S’il est relativement difficile de consid´erer l’eau comme un bien priv´e, il est ´

egalement difficile de classer l’eau de mani`ere univoque dans l’une ou l’autre des autres cat´egories pr´esent´ees. La r´eponse d´ependra en fait du syst`eme qui g`ere la ressource.

Dans le cas qui nous pr´eoccupe, si les syst`emes observ´es sont les aqui-f`eres de la r´egion, l’Etat a su en limiter l’acc`es (nombre de forages connu et limit´e), mais le contrˆole des consommations individuelles est inop´erant. En effet, ni l’Etat, ni les institutions locales mises en place `a l’heure actuelle n’ont les moyens d’instaurer des r`egles collectives d’allocation entre les diff´erents usagers (Mara˜n´on Pimentel, 1999). La ressource eau devra alors ˆetre consi-d´er´ee comme une ressource en propri´et´e commune non-r´egul´ee. L’absence actuelle de r´egulation, par des institutions ne signifie pas qu’il soit irr´em´ edia-blement impossible d’en instaurer. Cependant, la complexit´e des mouvements de la ressource au sein du bassin, le nombre important d’utilisateurs de la ressources (en moyenne plus de 1.000 puits par aquif`ere) rendent les

pro-babilit´es de succ`es d’un arrangement entre acteurs relativement faibles. Par contre, les instruments ´economiques classiques, taxes pigouviennes, subven-tions et quotas sont `a la disposition de l’Etat gestionnaire, et permettraient de s’approcher d’une efficience ´economique pour le groupe (Baland et Platteau, 1996, p. 173). C’est ainsi qu’il faut comprendre les politiques ´economiques qui seront ´etudi´ees ici.

Au contraire, le syst`eme puits collectif g`ere un droit d’extraction d’eau, mesur´e en un volume annuel maximal d’extraction et utilis´e par ses membres. Le groupe peut limiter le nombre d’utilisateurs ayant acc`es `a la concession du puits et g´en´erer de mani`ere autonome des r`egles internes d’allocation de la ressource. Le syst`eme puits collectif g`ere donc un bien en propri´et´e commune avec r`egles collectives.

Les syst`emes qui seront observ´es ici sont les puits collectifs. Notre but sera donc d’´evaluerex-ante, les changements potentiels de comportement des syst`emes puits collectifs face `a une nouvelle r`egle ´economique visant `a r´eguler l’eau de l’aquif`ere.

1.5 Historique de la gestion des eaux