• Aucun résultat trouvé

Les contours du crime d'honneur dans les sociétés moyen-orientales

20. La médiatisation des affaires de crimes d’honneur a permis une prise de conscience

internationale via les mises en garde émises par les instances des droits de l’Homme18 et les critiques qu’elles ont soulevées. Un rapport de l’assemblée parlementaire de l’Union Européenne est venu définir les contours de cette notion. Pour la rapporteuse, Ann CRYER, le crime d’honneur est un terme complexe et vague, mais qui peut être qualifié de « crime qui a été justifié et atténué par son instigateur comme une conséquence de la

16. A. DARAGMEH, Le crime d’honneur dans la Charia’ musulmane et le droit pénal jordanien, thèse Amman-Jordanie, 2007, pp. 75-83.

17. S. LATTE ABDALLAH, Femmes réfugiées palestiniennes, PUF 2006, p. 33. 18. Cf. Infra partie II, titre I, chapitre I.

nécessité de défendre ou de protéger l’honneur de la famille ».19 Selon Rochelle TERMAN

le crime d’honneur est « un meurtre commis dans le but de restaurer l’honneur et présuppose l’approbation d’un auditoire prêt à récompenser le meurtre par honneur ».20

21. Parmi les nombreuses recherches dans ce domaine, on peut citer le récent Rapport National

d’Analyse de la situation : « Droit Humains des Femmes et Egalité Entre les Sexes en Jordanie (Euromed), Promouvoir l’égalité entre les hommes et les femmes dans la région euro-méditerranéenne, Belgique, Programme Euromed (2008-2011) » le rapport le plus récent basé sur l’analyse de la situation en Jordanie. Le crime d’honneur y est défini comme « un meurtre par un ou plusieurs membres de la famille (souvent des hommes) d’un autre membre (féminin) du clan ou de la famille, lorsque la victime est soupçonnée par les meurtriers (et potentiellement par l’ensemble de la communauté) d’avoir porté le déshonneur sur la famille, le clan ou la communauté […] »21

22. Le concept d’honneur peut se résumer soit en une expression individuelle ayant sa propre

signification, dans l’acceptation de sa valeur aux yeux des autres, soit par l’opinion personnelle des autres, soit par l’interaction des trois22. Cette conception devient alors le

pilier de la défense de l’auteur de ce crime. Si un Etat excuse, ou décide que la violence intrafamiliale ou d’autres violences constituent une faute excusable, il admet que la justice privée est acceptable.

23. Il convient de noter ici que la loi jordanienne ne reconnaît pas le terme de « crime

d'honneur » ; elle reconnaît cependant l'article relatif au meurtre en flagrant délit d’adultère, sous le terme « excuse dans le cas de meurtre »23. Toutefois, le terme de crime d'honneur s’est imposé par la coutume et par la tradition de la société jordanienne, pour

19. Assemblée parlementaire, compte rendu des débats, session ordinaire de 2003, T II, séances 9 à 16, p. 538 ; CRYER, A., Rapport. Commission sur l’égalité des chances pour les femmes et les hommes. Rapporteuse: Mme Cryer, Royaume-Uni, SOC.

20. R-L. TERMAN, « To specify or single out : should we use the term Honour killing ? », rev Muslim World Journal of Human Rights, 7 (1), 2010, pp. 8-9 ; Art trad et cité par P. FOURNIER, P. MCDOUGALL, « Le droit comparé et la violence faite aux femmes : voyages au cœur de narration identitaire », rev droit et société, 87 : 2, 2014, p. 6.

21. Rapport National d’Analyse de la situation : droit Humains des Femmes et Egalité Entre les Sexes Jordanie (Euromed), Promouvoir l’égalité entre les hommes et les femmes dans la région euro-méditerranéenne, Belgique, Programme Euromed (2008-2011), p. 21.

22. Ibid.

23. K. ASSAIDE, Le droit pénal annoté, les crimes contre l’homme, Amman-Jordanie, ed Dar ALthaquafa 2008, p. 172.

rendre licites des crimes commis au nom de l'honneur. Cela amène à se poser la question de savoir combien de crimes ont été commis au nom de l'honneur et pour lesquels l'honneur n’était qu’une couverture pour des personnes qui ne connaissent même pas le sens de cette expression ? 24

III. Le crime d’honneur en Jordanie

24. Les nombreuses possibilités de percevoir cette notion débouchent sur autant de définitions

possibles. Le passage en revue des définitions suivantes permettra d’illustrer le propos :

Crime vient du latin crimen qui signifie accusation ; étymologiquement un manquement

grave à la morale, à la loi. C’est une infraction grave, punissable par la loi par une peine affective ou infamante, ou, dans un autre domaine, une infraction grave à la morale ou à la loi religieuse et réprouvée par la conscience. Cette acception se rapprochant du sens arabe,

jourm, qui signifie le péché25. La doctrine jordanienne définit ainsi le crime, rejoignant pratiquement son homologue français :« toute action humaine interdite, puisqu’elle déstabilise la sécurité et la paix de la société ; et toute action positive ou négative interdite par le législateur, qui prévoit pour cette action une peine adéquate »26.

25. Le concept de crime englobe donc un certain nombre d'actes criminels, qui, s’ils sont tous

graves, peuvent toutefois l’être à des degrés différents, le degré de gravité maximum pouvant être atteint par le crime de meurtre. C’est donc dans cette catégorie des crimes de meurtre et sur un type de crime particulier, que s’inscrit cette recherche.

24. Conférence dans le centre de ministère des affaires sociales, Les dispositions relatives aux femmes dans le droit pénal libanais, C’est l’avis de l’avocate Mme Maysa SILA’. Consultable sur le site de http://www.arabiclawyer.org/new_page_23.htm

25. A. BEN ZKARIA, Dictionnaire linguistique, Beyrouth-Liban, Dar Athourath Alarabi, 2001, pp.913 911 ; H. AL MOUHMADI, Le meurtre pour adultère : entre les droits fondamentaux et la char’ia, ed Dar alJami’a algadidah, Alexandrie-Egypte, 2006, p. 12.

A. Le système judiciaire en Jordanie : entre héritage du droit ottoman et

Documents relatifs