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CONCLUSION DU CHAPITRE I

Dans le document Le crime d'honneur en droit pénal jordanien (Page 86-122)

128. Ce chapitre apporte la preuve que l’islam, principale religion de la Jordanie, ne reconnaît

le crime d’honneur ni directement, ni indirectement, mais que c’est bien la coutume, descendante des coutumes ancestrales, qui a la plus lourde responsabilité en ce domaine.

129. Selon les savants musulmans, appliquer la sentence en cas d’adultère ou de crime

d’honneur n’est pas l’affaire d’une famille ou d’une tribu, mais bien l’affaire de la justice. Celui qui l’applique ne doit en aucun cas s’impliquer ; il ne doit porter aucun jugement préconçu ou personnel, ni rabaisser la personne, ni la déshonorer. Appliquer une sentence c’est punir, mais sans attenter au plus important des droits divins, le droit à la vie. Mais certaines coutumes tribales ont été sacralisées, codifiées et associées à l’islam par des siècles d’interprétations misogynes.170 Au milieu du XXe siècle, après la décolonisation, plusieurs pays musulmans ont adopté des réformes juridiques et ont cessé d’appliquer les châtiments corporels prescrits par la charia’. Ironiquement, les codes nationaux instaurés dans les pays musulmans (indépendants) s’inspirent souvent moins de la charia’ que des codes pénaux des pays colonisateurs ou encore du Code ottoman de 1858. Ce code est lui-même inspiré du Code Napoléon et plus précisément de l’article 324 du Code pénal français de 1810, qui n’a été aboli qu’en 1975 et qui prévoit des lois adaptées aux attitudes socioculturelles qui sous-tendent ce genre de crime.

130. Ainsi il semble que la coutume du crime d’honneur conjugal soit une coutume

méditerranéenne codifiée par le code Napoléon, que l’on a transposée171 en Jordanie, en conservant le principe de la famille élargie. Cette coutume n’existe plus en France, mais elle perdure en Jordanie.

170. Conseil du statut de la femme, « Le crime d’honneur de l’indignation à l’action », Québec, octobre 2013, consultable en ligne www.placealegalite.gouv.qc.ca , pp. 27 et 28.

171. P. FOURNIER et P. MCDOUGALL, « Le droit comparé et la violence faite aux femmes : voyages au cœur de la narration identitaire », 87:2 Droit et société, 2014, pp.17-31.

CHAPITRE II.

131. L’assassinat de personnes accusées d’avoir bafoué l’honneur est une coutume tribale très ancienne, mais toujours en usage dans beaucoup de sociétés arabes, comme au Maroc, en Algérie, en Égypte, en Palestine, en Syrie, en Irak, au Liban et en Jordanie. Il s’agit d’un crime avec préméditation commis par un père, un frère, un mari, peut être aussi un fils ou même par un cousin. Les femmes constituent la majorité des victimes, elles sont assassinées sous prétexte de défendre l’honneur de la famille ; beaucoup d’entre elles sont tuées simplement parce qu’elles ont subi l’affront du viol172.

132. Les causes du crime d’honneur en Jordanie ont été étudiées sous diverses perspectives et

notamment par la sociologie, la criminologie, la psychologie et les sciences juridiques. Ces études empiriques et théoriques ont donné lieu à divers schémas explicatifs du crime d’honneur, qui diffèrent selon l’accent mis sur les facteurs individuels et sociétaux ; mais toutes concluent qu’il n’existe pas une seule et unique cause qui détermine ce crime de manière adéquate. Ces crimes résultent avant tout de la convergence de facteurs spécifiques dans le vaste contexte de l’inégalité des relations de pouvoir au niveau individuel, collectif, national et même mondial.173

133. La réponse du criminel est centrée sur le même invariant : laver la honte et restaurer

l’honneur familial. Le crime est considéré comme « honorable », Dans une affaire du 26 mai 2005, en Jordanie, une famille accuse sa fille de déshonneur familial.174 La cause principale est l’honneur, les gens parlent de l’honneur perdu ; la famille veut donc retrouver cet honneur. Ce n’est donc pas l’individu qui est criminel, c’est la famille qui décide d’appliquer le châtiment et qui désigne le meurtrier. Rares sont les cas où le criminel agit de sa propre volonté. La communauté considère la victime comme coupable. Tandis que le criminel est soutenu et considéré comme non coupable, sa conduite n’implique aucun rejet d’aucune sorte de la part du groupe, bien au contraire, son crime

172. A. SWAITTI, Les violences envers les femmes, approche comparative de droit français – droit pénal en Palestine, op.cit., p, 253.

173. F. BADRAN, M. SARHAN, « Les affaires d’honneur entre la chari’a et la loi », colloque par l’association de ALAFAF, Jordanie-Amman, le 16 décembre 1999.

174. Cass. crim. Jor, n° 28/2007 ; dans cette affaire la cour de cassation a confirmé la décision n°1044/2005 de la Cour criminelle. La conclusion de l’affaire est la suivante : le père, les frères et la mère ont tous décidé de châtier la victime (adultère), ce pourquoi ils ont désigné le meurtrier. La cour criminelle, conformément à l'article 234 du CPPJ, a modifié l'accusation d'assassinat (en vertu de l'article 328/1), en meurtre intentionnel (puisqu’il s’agissait d’un crime commis dans un état de colère). Conformément aux deux articles 326 et 98 du CPJ, et en application de l'article 97/2, la Cour criminelle a décidé de lui infliger 6 mois d’emprisonnement et le paiement des frais.

restitue au groupe sa dignité : la victime était nuisible et elle méritait cette punition. La protection de l’honneur familial ou tribal contre le scandale répond généralement à certains actes. Par exemple, l’adultère flétrit l’honneur d’une famille « trompée » ; celle-ci doit alors trouver le moyen de se réhabiliter aux yeux de la société.

134. Néanmoins l’honneur ne constitue pas la seule et unique cause du crime, il existe d’autres

facteurs en mesure d’influencer le passage à l’acte.175 Ces facteurs d’influence, qui se présentent d’abord sous forme de causes exogènes (Section I), puis sous forme de causes dites endogènes (Section II), accordant une place importante au caractère du criminel, feront l’objet du chapitre suivant.

S

ECTION

I.

L

ES CAUSES EXOGENES DU CRIME D

'

HONNEUR

135. Les causes exogènes du crime d’honneur sont en partie corollaires du milieu socioculturel

des familles et des individus meurtriers. Les effets de ces causes agissent constamment sur la personnalité de l’individu et sur son esprit alors en transformation constante, lui offrant à ce titre de multiples occasions de commettre un crime d’honneur ; on peut même souligner l’exemple contagieux d’actes qui ont été admis par l’entourage, dont la portée a été atténuée, ou qui sont restés impunis.176

136. Le crime d’honneur est la résultante d’un nombre considérable de causes, les causes

sociales, les causes humaines et les causes juridiques177, dont les combinaisons extrêmement complexes ne cessent de se modifier.

137. Afin de dégager les causes de cette forme de crime, il paraît nécessaire de traiter tout

d’abord l’influence du milieu géographique sur le crime d’honneur (§1), ce qui permettra par la suite de s’interroger sur les valeurs culturelles dominantes en Jordanie (§2).

§ 1. L’INFLUENCE DU MILIEU GEOGRAPHIQUE ET DE LA CULTURE SUR LE

CRIME D’HONNEUR

138. Le milieu géographique a une influence considérable sur l’homme. Même un homme doué

d’un comportement moral exemplaire peut se transformer en criminel, s’il est placé dans une atmosphère où le crime prédomine. En Jordanie on dénombre davantage de crimes d’honneur que la moyenne, la population soutient le crime d’honneur, les criminels potentiels ont donc un terreau favorable à la commission de ce crime et le cycle peut ainsi continuer avec le risque quasi certain d’un élargissement du cercle fatal. On pourrait même attribuer une certaine influence au climat sur les crimes d’honneur ; les crimes de sang sont en effet d’une façon générale plus fréquents dans les pays chauds que dans les pays

176. B. BOULOC, op.cit., p.12.

froids.178 L’analyse des affaires étudiées a confirmé cette hypothèse, car la majorité des crimes d’honneur commis l’ont été pendant les mois les plus chauds.179 Cette forme de crime particulière se retrouve en général sur les bords de la Méditerranée.180Le climat a en effet de nombreuses conséquences sur les réactions des individus et des groupes humains. Les habitants du désert, les bédouins, les citadins et les montagnards se différencient par plusieurs facteurs : la tradition, les habitudes, les coutumes et les folklores, la culture, l’habitat, tous ces marqueurs de différences interculturelles. Tout ceci se trouve entièrement confirmé par les travaux d’Adolphe QUETELET et de Gabriel TARDE181. Le milieu naturel a donc une influence, que l’on a tendance à minimiser.

139. Pour mieux comprendre l’effet du milieu géographique sur ce crime, il faut d’abord traiter

d’une façon large le concept de l’honneur et de la honte dans la culture méditerranéenne (A), puis s'intéresser à la vengeance méditerranéenne (B).

A. L

E CONCEPT DE L

HONNEUR ET DE LA HONTE DANS LA CULTURE

MEDITERRANEENNE

140. Parler d'une « culture méditerranéenne » peut sembler vide de sens, il faut entendre ici

« culture méditerranéenne » en tant que culture du bassin méditerranéen, son histoire et ses influences géographiques, géopolitiques et commerciales.L’histoire du bassin méditerranéen a tissé des liens entre les différentes civilisations qui le constitue, autant par les guerres et par les conquêtes que par les apports et les échanges de toutes sortes, ce qui laisse apparaître dans le paysage actuel quantité de ressemblances, de convergences, de méfiances et de différences.

178. L. HOLTZ, Les crimes passionnels, thèse, Paris, 1904, p. 69.

179. En Jordanie, suite à des recherches effectuées sur 42 crimes d’honneur commis entre 1999 et 2009 (EPACH), on a constaté que 51% des crimes d’honneur sont commis entre les mois de juin et d’octobre, ce qui correspond à la période la plus chaude de l’année.

180. E. FOUCHIER et J-C. TOURRET, Situation des femmes au sud de la méditerranée, Rapport de l’Institut de la Méditerranée, Institut de la Méditerranée Mars 2004.

181. G. TARDE, Les lois de l’imitation, Alcan, 1890, pp. 305-308. QUETELET et TARDE ont travaillé sur les rapports qui existent entre le crime et les variations climatiques. Les études de QUETELET l’ont amené à élaborer deux lois : la première est la loi thermique, qui montre l’incidence des saisons sur le crime. Les crimes contre les personnes sont plus importants dans les régions du sud et plus particulièrement dans les régions chaudes. LACASSAGNE a notamment confirmé cette hypothèse à travers ses calendriers criminels ; les homicides atteignent leur sommet au mois de juillet. La deuxième loi, « constance de la criminalité », illustre l’idée qu’il y a une régularité des crimes chaque année.

141. La notion d’honneur, à situer au sein de ces valeurs, est ou était encore il y a quelques

années une notion centrale dans les pays du pourtour méditerranéen. La racine latine du mot culture cultura signifie d'abord un état, la terre cultivée ou l’action de cultiver la terre, puis prend par la suite un sens figuré pour s'étendre aux activités de l'esprit182. La culture est un moyen d’apprentissage de pensée, d’action, de perception et au total de transmission d’un héritage social.183

142. La zone méditerranéenne, selon Fernand BRAUDEL, est une entité dont les traits sont

indissociablement liés à la géographie : l’honneur, la honte, l’emprise sur la famille, la vendetta (vengeance), la ségrégation sexuelle, le clientélisme, l’importance de parole/silence, peuvent décrire la zone méditerranéenne. Certaines études contestent pourtant cet avis, arguant que ces traits ne sont pas tous partagés de façon uniforme.184 On partage effectivement tous ces principes en Jordanie.

143. L'anthropologie du code de l'honneur révèle, conformément à la tradition locale, la place

que joue l'honneur dans la société méditerranéenne en général et particulièrement dans la société jordanienne.185 La culture méditerranéenne est généralement définie comme « Un ensemble complexe qui inclut les connaissances, les croyances, les arts, les mœurs, les lois, les coutumes et toutes autres capacités et habitudes acquises »186 par les différents peuples habitant sur les rives d’une mer semi-fermée, la Méditerranée. Certainement, le bassin méditerranéen était caractérisé par la diversité linguistique, qui laisse des traces dans la pensée populaire, position qui a été reprise et politisée par le nationalisme moderne. Ainsi, l’émergence de traits uniformes et homogènes serait le fruit d’une causalité climatique et

182. H. PALLARD, « Culture et diversité culturelle, essai préliminaire à une étude sur l’universalité des droits fondamentaux », in H. PALLARD et S. TEZITZIS (dir.), Droit fondamentaux et spécificités culturelles, L'Harmattan, 1997, p. 22.

183. Ibid ; Voir aussi la définition de R. REDFIELD, The paper of Robert Redfield, vol 2, ed Margret Park Redfield, univ Chicago press, 1962 et 1963, p. 107.

184. Voir F. BRAUDEL, La Méditerranée et le monde méditerranéen à l'époque de Philippe II, vol 2, Armand Colin, 1966.

185. J. FAVRET, « Relations de dépendance et manipulation de la violence en Kabylie », dans L’Homme, n.8-4, 1968, pp.18-44 ; P. BOURDIEU, Esquisse d’une Théorie de la Pratique, précédée de trois études d’ethnologie kabyle, Droz, 1972 ; A. BOUHDIBA, « La société maghrébine face à la question sexuelle », dans Cahiers Internationaux de Sociologie, n.26, 1984, pp.91-110 ; N. SIRMAN, « Nous vivons pour notre honneur. L’identité dans la parenté turque », dans Hommes et Migrations, n.1212, 1998, pp.53-61. 186. E.-B. TYLOR (Primitive Culture, 1871) cité par P. PERRINEAU, « Sur la notion de culture en

géographique qui impose des conditions menant à une structure possédant des traits relativement semblables.187

144. Les cultures et les traditions méditerranéennes ont été le sujet de nombreuses recherches

approfondies par plusieurs chercheurs tels que J-G PERISTIANY, Julian PITT-RIVERS, David GILMORE et Carol DELANEY. Ces chercheurs examinent différentes sociétés méditerranéennes (villages chypriotes, bédouins égyptiens et jordaniens, paysans libanais..), en accordant une attention particulière à leurs normes sociétales, en notant les aspects tels que la forte orientation urbaine, la stratification sociale, sexuelle et économique, la solidarité familiale et le recours à l’unité de la royauté. Il est logique de supposer que de telles normes communes devraient donner lieu à des valeurs sociétales cohérentes ; en effet, suite à des enquêtes menées par ces chercheurs, on a découvert que certains des systèmes de valeurs les plus éminents de la culture méditerranéenne sont l'honneur et la honte.188 Par conséquent, ces concepts sont utilisés par les anthropologues culturels pour comprendre la personnalité méditerranéenne dans la société traditionnelle d'aujourd'hui.189

145. La notion d’honneur et la notion de honte émanent dans les sociétés méditerranéennes de la façon dont une personne se voit et de la façon dont une société la considère ; en d’autres termes, c'est l’estimation de sa propre valeur, sa prétention à la fierté190. DU BOULAY affirme que « l'honneur est un sentiment qui a une réalité, si le reste de la communauté lui accorde cette réalité »191. L’honneur d’une personne passe par la reconnaissance publique, ses actions devant être conformes aux devoirs sociaux192. L’honneur est donc effectivement un état de la façon dont nous nous voyons et de la façon dont les autres nous

187. F. BRAUDEL, La Méditerranée et le monde méditerranéen à l'époque de Philippe II, op.cit.

188. J. SCHNEIDER, De vigilance et de vierges : l'honneur, la honte et l'accès aux ressources dans les sociétés méditerranéennes, Ethnologie, ed University of Pittsburgh, of The Commonwealth System of Higher Education, 1971, pp. 1 - 24.

189. W-R. DOMERIS, Honour and shame in the New Testament. Rev Neotestamentica vol. 27, no2, ed New Testament Society of South Africa, Pretoria, Afrique du sud 1993, p. 283.

190. J-A. PITT- RIVERS, The fate of Shechem, or The politics of sex : essays in the anthropology of the Mediterranean, Cambridge University Press, 1977, p.1 ; Voir aussi, M. BRUCE and J.NEYREY. « Honor and Shame in Acts : Pivotal Values of the Mediterranean World.» In The Social World of Luke-Acts, ed. Peabody, MS : Hendrickson 1991, p. 25.

191. J. DU BOULAY, Portrait of a Greek mountain village, ed Clarendon Press: Oxford University Press, London 1976, p. 405.

192. B-J.MALINA, The New Testament World Insights from Cultural Anthropology, ed Atlanta, Ga. : John Knox Press 1981, p. 28.

perçoivent. Le même raisonnement peut s'appliquer à la notion de honte. Alors que certaines vertus comme l'honnêteté, l'intégrité, la loyauté ou autres qualités morales sont communes aux deux sexes, le concept de l'honneur et de la honte est largement corrélé au sexe d'une personne et, par conséquent à sa position dans la société et au sein du ménage. L'honneur d'un homme et l’honneur d'une femme impliquent des modes de conduite très différents selon cette culture.193

146. Dans la culture méditerranéenne l’honneur d'un homme dépend de son autorité sur ses

descendants, de sa position en tant que mari, père, frère et même cousin, de sa force dans les relations publiques (courage et audace). Un homme d'honneur doit posséder l'intégrité, la noblesse d'esprit, il doit être capable d’affronter les divers problèmes et dangers et avoir l’intelligence de les résoudre. Il refuse de se soumettre à l’humiliation, il doit être le garant de sa dignité et de sa vertu personnelles. L’homme d'honneur doit être capable de défendre l’honneur des membres féminins de sa famille ; sa femme et ses filles doivent être chastes. On considère généralement que si la femme commet un acte adultère, elle démontre que le mari a failli à son devoir de protéger son honneur. L'honneur de l’homme est aussi associé à sa virilité194. En tant que mari, il ne doit pas être impuissant et il doit satisfaire sa femme sexuellement. Ainsi, l’honneur d'un homme implique l'honneur personnel, économique et sexuel. Plus brièvement, être honorable c’est être capable d’être un homme. Un homme d’honneur est celui qui agit en tant que mari, en tant que père et en tant que frère195.

147. Pourtant, si un homme montre une faiblesse de caractère, de la lâcheté, de la timidité et/ou

l’incapacité de subvenir aux besoins de sa famille à cause de sa paresse ou de sa faiblesse, son statut est discutable. L'acceptation de l'humiliation, l’échec à défendre sa propre réputation et celle des autres entraîne fatalement la honte de la famille. Dans ce cas, il se pourrait que son épouse commette l’adultère, avec des hommes plus riches et plus honorables, car elle va chercher ailleurs ce qu'elle ne peut pas trouver au foyer familial. Cela provoque une double honte pour le mari et la famille, car non seulement le mari n’offre pas la tranquillité à sa famille, mais sa femme le trahit aussi en commettant

193. J-A. PITT-RIVERS, op.cit., pp. 20-22.

194. I. PRESS, The city as context : urbanism and behavioral constraints in Seville, Chicago: ed University of Illinois Press 1979, p. 117.

195. D. GILMORE, Manhood in the making : cultural concepts of masculinity, ed New Haven, Conn. Yale University Press1990, pp.17, 43.

l'adultère : il souligne ainsi son échec à protéger les siens196. Ces hommes sont déconsidérés moralement, interpellés par leur surnom et ils sont traités avec un mépris ouvert 197, ce sont par définition « les hommes de la honte198».

148. Le champ de la honte féminine est à la fois plus large et plus spécifique, les femmes

devant éviter l’émergence de rumeurs. Elles doivent se comporter de façon modeste, cachant leurs expressions faciales et des pensées qui pourraient révéler des traces de leur sexualité, mettant ainsi en péril leurs familles. Les femmes sont tenues par une morale stricte et il semblerait que le comportement des femmes célibataires exige davantage de rigueur. Et bien que le danger de la honte soit potentiellement écarté pour les femmes mariées, celles-ci semblent être encore les garantes de la réputation de la famille199.

149. Les recherches menées montrent que la société méditerranéenne en général et la société

jordanienne en particulier ont des règles de conduite précises, récompensant ceux qui les suivent et punissant ceux qui y dérogent. L’honneur et la honte y sont des évaluations sociales et participent ainsi à la nature des sanctions sociales. Ils sont « le reflet de la personnalité sociale dans le miroir des idéaux sociaux »200.

En Europe du Nord, on rencontre également le respect de ces valeurs, quoique dans une mesure moins prononcée.201

196. J. DAVIS, People of the Mediterranean : An Essay in Comparative Social Anthropology, London : Routledge & K. Paul, 1977, pp. 92-93.

197. Dans l’affaire numéro 804/2003, le meurtrier a tué sa sœur adultère à cause du mépris de ses voisines.

Dans le document Le crime d'honneur en droit pénal jordanien (Page 86-122)

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