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U N CONTINUUM DE COHESION ET DE RECTION

2. PISTES POUR UNE SYNTAXE ENONCIATIVE FONDEE SUR LA SEMANTIQUE

2.5. U N CONTINUUM DE COHESION ET DE RECTION

La cohésion lie des phénomènes d'ordre syntaxique et sémantique à la fois, comme les contraintes de sélection et le calcul de la référence dans un va-et-vient entre référence endophorique et exophorique et dans la recherche de la levée d'indétermination. Si l'on met les jeux sur la définitude au cœur du dispo-sitif théorique, on admet du même coup que le linguiste doit pouvoir aussi ren-dre compte des structures prototypiquement indéfinies. Je propose de le faire à partir d'une hiérarchie prototypique fixant les valeurs par défaut.

2.5.1. L'hypothèse de l'échelle de la référenciation

Il faut pouvoir rendre compte de la continuité des interprétations référen-tielles entre fonctionnements adjacents et fonctionnements à distance. Si je prends l'exemple des proformes indéfinies, un bon moyen de rendre compte des variations d'emploi constatées est de poser la hiérarchie suivante :

Référence exophorique > référence endophorique adjacente> référence endophorique à distance126 > référence autonymique

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Le même type d'interrogation vaut pour la manière dont on glose un composé. Le recours à une glose en relation prédicative réintroduit des prépositions, et donc sans doute des valeurs sémantiques.

126 Je ne détaille pas cette question, mais la référence endophorique adjacente est en gros une anaphore stricte, là où une référence endophorique à distance peut constituer ce que Kleiber appelle une anaphore large.

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De même qu'un déictique peut avoir une interprétation endophorique ou exophorique, des combinaisons sont possibles entre les différents modes de référenciation. Hors toute indication, en position sujet (c'est-à-dire de généricité maximale), ONE est l'indéfini générique : One can be guilty under s.16(2) (c) even though the office carries no remuneration. (BNC, HXE). Ce n'est pas né-cessairement le seul cas possible pour une interprétation indéfinie, mais un exemple tel que Joan and her husband listened with astonishment. The shock was like a physical thing – like thunder hitting one. (BNC, CCC) a potentielle-ment une référence en rapport avec le co-texte. THE ONE THAT est prototypi-quement interprété par la CGEL comme étant une relative, alors que j'ai montré qu'une telle séquence pouvait correspondre à un nom recteur de complétive du nom, à condition de reprendre par coréférence un nom recteur potentiel. Which of these views prevail today ? The first is the traditional perception, the second the one that is gaining ground fast. (ASB) Ici, the one reprend en anaphore large views. Enfin, des interprétations autonymiques sont possibles, où la pro-forme renvoie à son sens : The net result is a comparatively small number of supermassive black holes – perhaps only one. (CET)

Cette échelle des modes de construction de référence constituerait en quelque sorte le paramétrage par défaut de l'interprétation.127 Elle pourrait être une sorte de version énonciative de l'effacement par généralité ou par identité. En l'absence de toute indication, une structure comme It is impossible to do this a une référence exophorique et vaut pour tout référent pouvant être sujet (géné-ralité). Pour une structure équisujet comme dans John wanted to do this, le

127 Si on met la saturation au sens fregéen au centre de la résolution de l'indétermination, on pose que l'élucidation de la référence (des syntagmes, des propositions et plus généralement des configurations) est au centre du dispositif. Un tel parcours de valeurs (Wertverlauf) référen-tielles pourrait être un schème possible de cette invariance.

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jet de do est interprété comme une référence endophorique. Cette conjecture expliquerait pourquoi l'interprétation par défaut est l'usage et non la mention,128

la structure de dictum et non la structure de modus. La référence autonymique serait moins immédiatement accessible au locuteur. Elle laisse aussi entendre que la séquence la plus ininterprétable renvoie au code.129 L'interprétation au-tonymique n'est pas la valeur par défaut, qui serait plutôt la référence exophori-que, sauf mention précédente, auquel cas, l'interprétation privilégiée est endo-phorique. Cette proposition d'échelle de la référenciation rendrait compte des interprétations (notamment par défaut) et des jeux entre coréférence et réfé-rence exophorique.

2.5.2. Résumé des propriétés du continuum

Je récapitule ici les arguments et propriétés manifestées dans l'analyse contrastive de la postdétermination restrictive. Dans la version faible de mon analyse,130 je manifeste une solidarité de propriétés entre interprétation séman-tique, phonologique et syntaxique de structures corrélables à des prédications d'événement ou de propriétés. Je propose d'organiser le prototype des structu-res syntaxiques autour du défini en raison même de l'asymétrie de la définitude. Si le prototype doit avoir une structure asymétrique (ce que j'ai essayé de

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Voir mon analyse de I told them what she suggested I tell them dans "What et les vicissitu-des de la mention" (article 6).

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Voir les analyses du nonsense comme lieu de lalangue chez Lecercle, mais aussi le para-doxe sui-falsificateur. Je suis tenté de faire rentrer également dans cette analyse les emplois dits métalinguistiques de la négation.

130 Dans la version forte, on dispose d'une articulation entre le jugement au sens philosophique (analytique/synthétique), logique (à partir de la fonction frégéenne) et "linguistique" pour une série d'énoncés ramenables aux cas prototypiques dégagés. On est en face d'une grille d'ana-lyse sémantique de la syntaxe posant la question de l'interprétation des structures syntaxiques et de la référence. On est doté d'un cadre général pour classer les configurations syntaxiques, qui permet de rendre compte des interprétations en défini/indéfini, en générique/spécifique, en prédication d'événement/prédication de propriété. On mobilise les réalisations fonctionnelles des relateurs et la position syntaxique des agencements tant en termes de fonction (sujet ou autres) qu'en terme de modus ou de dictum. Bref, ceci est potentiellement quelque chose comme une théorie sémantique de la syntaxe.

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trer précédemment), la définitude me paraît comme le meilleur candidat pour organiser le prototype. Ceci est lié au continuum de la rection : dans le pôle que j'appelle sémantique, la définitude est inhérente au modus, dans le pôle com-plémental, la définitude est la résultante des agencements syntaxiques. Ni la syntaxe, ni la sémantique ne cessent d'intervenir, c'est en fait un pôle du modus et un pôle du dictum qui organisent la définitude. L'interprétable d'une configu-ration syntaxique suppose de la définitude, gérée en dictum par du complémen-tal ou en modus par de l'argumencomplémen-tal. Les jeux de l'indéfini et du défini sont ex-trêmement complexes, en raison de l'asymétrie de l'interlocution : pour prendre un exemple simple, SOMEONE sera toujours plus indéfini pour l'allocutaire que pour le locuteur. L'indéfini est asymétrique entre l'énonciateur mais dans le même temps, il faut bien que de la régularité puisse exprimer ces relations d'in-défini. L'agencement syntaxique doit être interprétable (ce qui ne signifie pas qu'il ne puisse pas être ambigu) car sinon il n'y a pas de cohésion syntaxique. La cohésion est garantie par le sens ou par les propriétés formelles des agen-cements syntaxiques.

Thèse 17 : les agencements syntaxiques sont prototypiquement analysa-bles en gradients à partir du défini.131

Cela vaut au minimum pour la relative ; le statut prééminent de la relative restrictive, et a fortiori contrastive, dans les analyses tient précisément à cela. C'est la réalisation la plus définie d'une relative. Mon observation principale

131 Même pour les interrogatives, où l'incomplétude du sens interdit une interprétation maxima-lement définie, il y a un gradient d'indéfinitude des interrogatives. Il y a un corrélat empirique simple de ce constat théorique: on peut poser une question portant précisément sur plusieurs indéfinis (multiple WH- questions).

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consiste à souligner qu'en ce cas elle est protoypiquement corrélée à une fonc-tion objet et à une représentafonc-tion d'événement. Les jeux de corrélafonc-tions avec la phonologie sont assimilables à une "heuristique" ou à une procédure de valida-tion. Je développerai ce point dans la partie phonologique. L'essentiel de l'ar-gumentation repose sur une corrélation avec des propriétés attestables en syn-taxe. Je re-cite ici le tableau synthétique qui récapitule l'analyse que j'ai propo-sée sur la comparaison d'un pôle du dictum et du modus dans l'analyse contrastive de deux types de postdéterminations restrictives en THAT. Je re-produis ci-après un tableau reprenant les analyses de "pour une sémantique de la rection". Le principe de base se vérifie et constitue une solution élégante à la place obligatoire de l'adverbe d'énoncé avant le verbe et pas après : cette posi-tion est proscrite par la contrainte d'adjacence de la recposi-tion syntaxique. L'ad-verbe d'énoncé peut se trouver avant le L'ad-verbe mais pas entre le L'ad-verbe et l'ob-jet132.

Rection (plus) sémantique Rection (plus) syntaxique La contrainte de sélection (sur la

rela-tion de co-occurrence) autorise une rection sémantique à distance.

Pas de restriction de co-occurrence, mais une restriction de position : contrainte syntagmatique d'adjacence. Au sein de la rection du modus, la

rela-tion de coréférence est liée à la défini-tude.

Elle est majoritairement anaphorique (à gauche)

La rection complémentale s'applique majoritairement à droite, cataphorique,

s'il y a adjacence des segments. Elle est anaphorique, à gauche, en cas

de relais par une proforme. Le "complémental" cède le pas sur

l'argumental : le fonctionnement sé-mantique dépend tout autant des

cir-constants.

L'interprétation passe d'abord par le programme sémantique du ou des

compléments.

132 Dans le cas des verbes de discours, comme dans He denied categorically that he had

spo-ken to her, la possible insertion d'un adverbe est mobilisée par Huddleston & Pullum 2002 pour

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Il convient de s'expliquer sur le jeu de correspondances posées entre les structures syntaxiques et les valeurs sémantiques, ce que je détaille en bascule syntaxique et bascule sémantique.

2.6. U

NE CORRELATION DE PHENOMENES ELARGIE

(

LA BASCULE