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1.5. Bibliographie

2.1.1. Contexte urbain

L'Allemagne est un pays très largement urbain. L'espace y est un bien relativement rare, comme en témoigne les difficultés auxquelles sont confrontés tous les monteurs de projets d'infrastructures. La part de l'espace consacré aux établissements humains et aux voies de transport s'élève à 40%, tandis que les villes en représentent 20 à 30%, suivant la définition de la ville retenue (Appel, Böhme et alii, 2000, p. 11). Cela étant, la ville allemande présente une morphologie assez différente de la ville française, même si des convergences sont à l'œuvre, comme la réhabilitation du patrimoine, la priorité donnée aux transports en commun, les zones piétonnes, l'utilisation des gares comme pôles de régénération des activités urbaines… L'étalement urbain n'y revêt pas la même forme (les espaces périurbains sont davantage composés autour de noyaux, les centres villes sont moins denses, aux systèmes de grands ensembles est traditionnellement préféré un habitat à hauteur moyenne en banlieue dans les anciens Länder). Le phénomène de conurbation est ancien dans la partie occidentale, pour l'instant moins prononcé dans les nouveaux Länder, où l'on observe également une plus grande importance des logements collectifs sous la forme de grands ensembles construits du temps de la RDA. De ce point de vue, les villes de l'Est étaient, jusqu'à un passé récent, plus compactes que celles de l'Ouest.

Les villes allemandes poursuivent depuis longtemps une politique en faveur des transports publics. Dans de nombreuses grandes métropoles, comme Munich, coexistent le train urbain (S Bahn), le métro (U-Bahn), le tramway (devenu quasi emblématique du transport public des villes germaniques) et bien sûr l'autobus. Les gares jouent traditionnellement des rôles structurants importants d'activités au delà du premier rayon que constitue le centre ville. Par ailleurs, sans aller jusqu'aux perfectionnements affichés par l'expérience néerlandaise, la ville allemande ménage aux modes doux une place privilégiée (trottoirs larges, pistes cyclables, zones 30). Plus généralement, l'objectif de plus en plus poursuivi est la limitation pure et simple du trafic automobile en centre ville. Compte tenu de la répartition des aires urbaines dans l'espace, du prix des transports publics urbains traditionnels, et grâce à la régionalisation de la gestion d'une partie du transport ferroviaire, une question clé à l'avenir va être le développement de l'utilisation du train pour les déplacements de proximité en vue d'optimiser l'utilisation de l'espace.

Au moins dans la partie occidentale du pays, les grands chantiers de transports urbains et de voirie sont aujourd'hui en nombre limité, eu égard au niveau d'équipement déjà acquis et au tarissement des ressources budgétaires publiques. Ce n'est pas le cas dans les grandes métropoles de l'Est qui depuis dix ans ont entrepris des investissements importants, notamment pour faire face à une motorisation qui rend inadaptés les gabarits de la voirie héritée de la RDA. Ces investissements sont évidemment étroitement dépendants de ceux réalisés par le Bund et les Länder en matière d'autoroutes et routes interurbaines à grande circulation, ou encore de l'amélioration des infrastructures aéroportuaires. Les projets visant à accroître les liaisons Ouest/Est se multiplient depuis dix ans ; ils favorisent l'émergence de nouvelles configurations "conurbaines" du type Leipzig – Halle ou encore Berlin – Potsdam.

Un aspect majeur de l'évolution, ces vingt dernières années, est le passage de développements urbains centrés autour des grandes villes, irradiant vers les espaces périphériques, à un mode d'urbanisation et de développement endogène aux espaces situés autour de la ville centre, qui composent de véritables espaces régionaux de développement (Mäding, 1999). Evidemment, la motorisation et l'élévation du niveau de vie ont été des facteurs permissifs essentiels de cette évolution, qui a induit le développement d'interconnexions tangentielles à la périphérie des grands centres urbains, ainsi que le développement de villes nouvelles (Ministère Fédéral de l'Aménagement du Territoire, 1994). La motorisation s'accompagne d'une relative désaffection du cœur des villes par les catégories de population les plus aisées (en dehors des célibataires), et par une altération sensible du rôle de centre économique que ces centres assumaient jusqu'alors.

Dans un tel contexte, les débats sur la ville durable allemande, sur le "compactage" des villes et sur la valorisation de leur centre (patrimoine architectural) prennent depuis plusieurs années un relief particulier. Les projets de développement des banlieues et des centres urbains sur un registre ville compacte et mixité fonctionnelle, sont désormais nombreux pour compenser les effets pernicieux de l'extension des aires métropolitaines dans une perspective de développement durable et de décloisonnements entre populations (Mäding, 1999). Ces projets s'accompagnent de la triple volonté, en particulier dans les centres villes, de limiter les déplacements motorisés, de développer des politiques de stationnement plus efficaces, de ralentir la vitesse et de stimuler davantage les modes de déplacements doux.

Autre aspect important, le contexte nouveau économique et organisationnel de la prise de décision dans les collectivités. Il est bien évidemment lié à des évolutions générales que l'Allemagne vit depuis quinze ans, comme plusieurs de ses voisins : pression sur les budgets publics, accrue par la réunification, respect des directives européennes et libéralisation des politiques de gestion des services, et aussi, probablement, évolution des choix des électeurs. L'heure est aujourd'hui aux pratiques municipales, bien davantage inspirées par un souci de performance économique, de recherche de partenariat avec le secteur privé pour les projets urbains ou pour l'exploitation des services, marquées par un recul des approches de la planification urbaine en faveur d'approches par

projets (Heinz, 1995)… Ces évolutions ne sont pas sans rappeler celles observées en Angleterre depuis le début des années 80. Le "modèle rhénan" est donc en mutation, ou mis à mal par les nouvelles pratiques inspirées du néolibéralisme, aussi le contexte du recours à l'expertise technique s'en ressent.

Les débats autour de la ville allemande sont nombreux, en particulier dans la perspective d'un développement urbain "durable". Des structures nationales publiques comme l'Agence Fédérale de l'Environnement, (la Commission "City of the Future 2000"), ou encore la Commission d'Enquête "Protection des personnes et de l'environnement" (Appel, Böhme et alii, 2000). Plusieurs universités et organismes de recherche (Wuppertal Institut, DIFU104…), nourrissent abondamment les analyses, et plusieurs villes allemandes se sont engagées dans les démarches de type Agenda 21. D'une manière générale, le modèle de l'étalement urbain, favorisé par la motorisation, est remis en question, de même que la part des investissements consacrés à la voirie. Le modèle de la ville compacte est opposé à celui prévalant jusqu'ici de la ville réticulaire (network city). Les approches réalistes ne prétendent pas substituer l'une à l'autre, mais essayer de promouvoir la première, tout en tenant compte des irréversibilités et avantages du développement urbain polycentrique et réticulaire (Appel, Böhme et alii, 2000). Dans cette perspective, la politique de transport est concernée au premier plan : réduction de la largeur des voies en centre ville, développement des modes doux permettant un transfert de l'utilisation du sol de la voirie vers des espaces verts ou des surfaces habitables, régionalisation de la planification des transports, promotion du rail pour la desserte des structures régionales polycentriques… Des expériences sont, semble-t-il, l'objet d'un suivi attentif, comme le plan de zonage du centre de Berlin ou encore le projet de la Basse Saxe d'accroître les prérogatives régionales en matière ; de planification des transports (Appel, Böhme et alii, 2000). L'Allemagne ne se considère pas comme un modèle en la matière et cherche plutôt ses références dans de petits pays comme le Danemark, la Suisse et, bien sûr, les Pays-Bas.

104 DIFU : Deutsches Institut für Urbanistik, ou Institut allemand d'urbanisme, basé à Berlin et financé par les collectivités.

2.1.2. Système de décision dans le domaine de la planification des transports