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1.1. Cadre actuel de l’action et de la planification des transports urbains

1.1.3. Conditions du recours à l’ingénierie-conseil

1.1.3.1. Dichotomie routes et transports publics

Le cloisonnement entre la route, le fer et les transports collectifs a des origines historiques concomitantes à l’Etat centralisé. Le département et l’Etat sont les seuls à gérer à la fois des voiries et des transports publics.

Du coté de l’Etat, la maîtrise d’ouvrage des routes est assez largement déconcentrée (aux Directions Départementales de l’Equipement – DDE), tandis que la supervision du chemin de fer est restée longtemps23 exclusivement traitée par un service central du ministère. Les DDE sont proches du terrain, mais elles n’ont pas de compétence ferroviaire (ni technique, ni administrative). Elles n’en ont guère plus sur les transports urbains.

Les Départements cumulent la responsabilité des transports publics départementaux avec celle des routes départementales. Généralement24, services de transports publics et voirie relèvent de commissions d’élus différentes et de directions de services aussi différentes25.

20 L‘entrée du conseil régional dans le STIF a été entériné par la loi SRU en 2000.

21 Les autres déplacements sont assurées par des exploitants privés sur des lignes de bus situées essentiellement dans les départements de la deuxième couronne.

22 Jusqu’en 1997, la SNCF était à la fois exploitant et maître d’ouvrage des lignes de chemin de fer (cf. supra). 23 L’Etat a récemment confié l’organisation des services régionaux de la SNCF aux Régions (cf. supra).

24 Une rapide consultation des sites web des conseils généraux avant les élections de mars 2001, nous permet de l’affirmer.

25 Les départements les moins peuplés ont souvent une direction commune et éventuellement une commission aussi. Le département du Bas-Rhin est un cas exceptionnel, une sous-commission regroupe transports, structures et voies de communication au sein d’une commission aménagement et équipement.

Les structures intercommunales d’agglomérations (Communauté urbaine, d’agglomération, ou de communes) sont généralement les autorités organisatrices des transports urbains (comprendre « services publics de transport collectif urbain ») mais peu d’entre elles26 assurent aussi des responsabilités sur les voiries routières27. Même si elles financent des voiries, elles en ont rarement la maîtrise d’ouvrage. Avant l’obligation d’instaurer les PDU (cf. supra), leurs équipes techniques étaient plutôt monomodales, consacrées à la supervision des transports publics.

Au vu de l’évolution très rapide de l’intercommunalité depuis le début de l’année 2000, il faut attendre quelques mois pour dresser un nouveau portrait de l’organisation des services que chaque Agglomération est libre de définir. La démarche des Plans de Déplacements Urbains et la loi Chevènement sur l’intercommunalité ont été l’occasion de renégocier, entre communes composant l’agglomération, l’organisation des services de la maîtrise d’ouvrage à l’échelle de l’agglomération. La constitution des exécutifs d’agglomération issus des élections de mars 2001 montrera dans quelle mesure l’objectif de cohérence multimodale prime sur l’autonomie communale et la nécessité politique de répartir les postes.

1.1.3.2. Grande diversité d’organisation de la maîtrise d’ouvrage et de

l’expertise locale des agglomérations

Les structures intercommunales d’agglomération ont généralement vocation de planifier les transports de manière multimodale en qualité d’autorité organisatrice des transports (AOTU). En rédigeant la partition (le PDU est défini pour 10 ans avec révision possible après 5 ans), elles sont aussi susceptibles de devenir le chef d’orchestre coordonnant les politiques de déplacements propres à chaque autorité. Elles ne semblent pas nombreuses à en avoir les capacités techniques.

Parallèlement au développement des structures intercommunales, leurs services de maîtrise d’ouvrages et d’études prennent plus ou moins de l’ampleur en fonction du contexte local. Parmi les grandes agglomérations, très peu de celles dotées d’une compétence globale sur les déplacements urbains (grande voirie urbaine + transports urbains) possèdent en propre un service d’études et de maîtrise d’ouvrage substantiel28. Réciproquement, celles29 qui possèdent un service substantiel partagent l’autorité sur les transports publics urbains avec le département dans des syndicats mixtes.

26 Lyon et Strasbourg appartiennent à des communautés urbaines à qui les communes ont transféré la maîtrise d’ouvrage des voiries municipales.

27 Dans les villes, la majorité des voiries sont communales. Les artères principales peuvent aussi être des routes départementales ou nationales.

28 A Strasbourg, la CUS supervise à la fois les TC et les grandes voiries urbaines, mais ses services sont communs avec ceux de la commune centre. A Nancy, voiries et transports collectifs sont sous l’autorité de la Communauté urbaine, mais le service transport ne comprend que 12 personnes. Source : Maîtrise d'ouvrage et

financement des TCSP CERTU - oct. 1999.

29 A Lyon, la Courly a autorité sur toutes les voiries et dispose de services conséquents mais l’AOTU est un syndicat mixte associant aussi le département du Rhône. A Lille, la CUDL, dotée de services conséquents qui supervisent les grandes voiries est aussi autorité organisatrice mais l’exploitation est délégué à un syndicat mixte composé paritairement de la CUDL et du département du Nord. A Toulouse, l’AOTU est un syndicat mixte (département Haute-Garonne + Ville de Toulouse plus syndicat des communes de banlieue). Source : Maîtrise

Pour faire face aux charges de travail liées à l’élaboration du PDU et des projets de TCSP, les AOTU sont généralement obligées de déléguer tout ou partie de l’élaboration du PDU à des partenaires extérieurs. Quatre solutions, non exclusives l’une de l’autre, se rencontrent en France :

ƒ Les services techniques de la ville centre : cette situation est rare et limitée à quelques villes moyennes.

ƒ Les CETE ou DDE : situation plus fréquente que la précédente surtout dans les villes moyennes. ƒ Les agences d’urbanisme : cas le plus fréquent dans les grandes agglomérations. Les services

internes à l’AOTU pilotent l’élaboration et les agences coordonnent les études amont.

ƒ Les cabinets d’ingénierie-conseil privée : ils sont sollicités ponctuellement pour des missions d’études, d’expertise ou de conseil ou globalement pour l’élaboration du PDU (ce dernier cas est limité à quelques villes moyennes).

En outre, quelques AOTU ont confié des missions d’assistance à maître d’ouvrage à leur exploitant. La capacité de l’AOTU à piloter les PDU varient fortement d’une ville à l’autre. Tous nos interlocuteurs30 s’accordent à dire que l’existence et la qualité d’une petite équipe d’élaboration au sein de l’AOTU conditionne la force et la cohérence du PDU. Cette équipe devrait assurer directement les missions d’organisation des études (aidée éventuellement par les agences d’urbanisme), d’organisation de la concertation et de rédaction finale du document PDU.

Dans un contexte de faible capacité de la maîtrise d’ouvrage (au sens de faible effectif dans les services de l’agglomération), l’expérience de la maîtrise d’ouvrage des études accumulées par les agences d’urbanisme et les CETE a été déterminante. Les habitudes de travail propres à ces organismes ont pesé sur l’appel à des consultants extérieurs pour des missions d’assistance à maître d’ouvrage.

Les méthodes et démarches de maîtrise d’ouvrage des études sont assez variables d’une ville à l’autre. Certains recourent à la modélisation, en utilisant eux-mêmes un modèle relativement en amont des études (Grenoble), ou en commandant une expertise de modélisation pour tester un projet bien avancé (Angers). A l’opposé, d’autres privilégient des études qualitatives (Lorient).

1.1.3.3. Le contexte réglementaire national déterminant les missions

confiées aux BE

Parce qu’il est co-financeur ou parce qu’il est garant de l’intérêt public, l’Etat définit le cadre dans lequel les décisions doivent être prises par les collectivités locales.

a) Tout projet d’infrastructure conséquent (en terme d’investissement financier) doit faire l’objet d’une déclaration d’utilité publique DUP. Cette procédure oblige le maître d’ouvrage à faire des études de faisabilité et une étude d’impact qui composent le dossier de projet soumis pour consultation aux populations et aux collectivités selon des modalités relativement précises. Des études sont donc nécessaires. Elles doivent notamment montrer la compatibilité du projet avec les réglementations

30 Les cabinets d’ingénierie-conseil qui ont eu une mission globale d’élaboration du PDU se sont trouvés en difficulté pour faire progresser le PDU : pas de légitimité à fédérer les acteurs, temps de concertation sous- estimée par le client. Les conséquences en sont souvent un travail à perte pour le cabinet et un PDU avec des orientations peu marquées.

environnementales et urbanistiques. La multiplication des contentieux et la pression environnementale ont entraîné une plus grande attention pour ces études de la part du maître d’ouvrage.

b) L’Etat cofinance les nouvelles infrastructures routières d’agglomération et les TCSP. A ce titre, il exige que certaines études soient menées pour apprécier leur opportunité. Dans certains cas, le ministre de l’Equipement a différé une décision de subvention à un TCSP pour mener ou faire mener par le maître d’ouvrage des expertises. Les exigences d’expertise et d’études réclamées par l’Etat sont un garde-fou qui dissuade les collectivités de prendre des décisions avec légèreté ou célérité. c) L’instauration des PDU et les schémas régionaux de transports sont rendus obligatoires.

d) Adoptée dans un contexte de suspicion qui n’a pas cessé, la loi Sapin sur les marchés publics31 fait obligation au maître d’ouvrage public de lancer un appel d’offre dès lors que le marché dépasse les 300 000 francs ce qui est rarement le cas pour les missions d’AMO. Néanmoins, de nombreuses collectivités ont spontanément étendu la démarche d’appel d’offre aux études et expertises. Dans plusieurs régions françaises le marché de l’assistance à la maîtrise d’ouvrage pour la planification des transports est devenu plus ouvert.

1.1.3.4. Les grandes catégories de décisions publiques nécessitant de faire

appel à l’expertise transports

Trois grandes catégories de décisions nécessitent un appel à l’ingénierie-conseil en planification des transports :

ƒ La réalisation d’une nouvelle infrastructure : le maître d’ouvrage fait appel à l’ingénierie-conseil pour l’étude d’opportunité (demande, scénarios, impact…), l’étude de faisabilité (en partie) et d’éventuelles expertises ou contre-expertises.

ƒ L’amélioration ou l’aménagement d’une infrastructure ou d’un réseau existant : après avoir éventuellement établi un diagnostic, l’assistant à maître d’ouvrage définit un cahier des charges qui guidera la maîtrise d’œuvre. Le développement des systèmes de transports intelligents ouvre de grandes perspectives.

ƒ La planification des transports (ou planification des déplacements) : contrairement aux deux cas précédents, l’objectif n’est pas fixé à l’avance car les acteurs et les problématiques sont multiples (cf. supra). Le processus d’élaboration n’est pas linéaire, il alterne les phases d’élargissement (acteurs, problématiques, diagnostics, scénarios, concertation) et de concentration (maître d’ouvrage, objectifs prioritaires, scénario retenu, expertise, décision).

Les deux premières catégories de décisions seront de plus en plus souvent subordonnées à la troisième. C’est une conséquence directe de l’obligation faite aux agglomérations de plus de 100 000 habitants d’élaborer un Plan de Déplacements urbains.

Dans le processus de planification des transports (type PDU), l’autorité de pilotage dissocie plus nettement les phases de diagnostic (aboutissant à la définition des orientations), de mise au point et de comparaison de scénarios et de définition détaillée des projets et dispositions du scénario retenu. La contribution des BE est plus diversifiée comme l’illustrent les deux schémas « Contribution des BE au processus de décision » situés en annexe.

31 Elle fut.

1.1.4. Synthèse et évolution : le recours à l’ingénierie-conseil en planification

des transports

En conclusion à cette première partie sur le cadre de l’action et de la planification en matière de transport (dans les aires urbaines), nous retiendrons les évolutions majeures constatées ces dernières années. L’expertise en transport (qu’elle soit interne aux autorités publiques ou externe) étant lente à construire, les observations citées ci-dessous continueront de transformer l’organisation de l’expertise en France. Voici les évolutions essentielles :

L’autorité de l’agglomération et celle de la région sur les systèmes de transports se sont accrues

depuis 1995. Chargées de l’élaboration des documents de coordination des transports (respectivement PDU et Schéma régional), elle peuvent influer sur les politiques de transports des autres maîtres d’ouvrage (Commune, Département, Etat) sur leur territoire de compétence. Cette fonction de mise en cohérence nécessite une mobilisation de l’expertise transport. L’expertise était concentrée sur l’urbain et l’interurbain national, désormais le renforcement de la compétence transport de la Région devrait se traduire par une demande d’expertise sur le périurbain et l’interurbain régional.

Ces collectivités territoriales se sont développées à une époque où les entreprises ont externalisé les services spécialisés ou non-stratégiques. Les responsables politiques ont dissocié, la réflexion stratégique, l’organisation et la gestion réglementaire des autres fonctions de la maîtrise d’ouvrage. Elles font donc largement appel à des organismes extérieurs ou à des cabinets privés pour les assister dans la planification des transports. Dans la mesure où l’expertise en planification des transports peut être mobilisée pour renforcer les positions de tel ou tel acteur, les Agglomérations et les Régions sont attentives à la dépendance des structures qui les assistent à d’autres acteurs publics avec lesquels ils sont en négociation. De ce point de vue, il y aurait une place croissante pour les cabinets d’ingénieur-conseil « indépendants » de tout maître d’ouvrage.

La planification multimodale précède maintenant la définition des projets d’infrastructures. Ceci appelle un décloisonnement des expertises32 VP et TC de planification de transports. La demande d’expertise concerne aussi des champs jusqu’alors peu traités (stationnement, modes doux, modélisation multimodale, aménagement de voirie combinée avec régulation…).

Les objectifs de maîtrise de l’étalement urbain et de renouvellement urbain ont suscité des réflexions dans la cadre de la loi SRU dont un volet est consacré aux politiques de transport. L’expertise sur les champs de compétences ci-dessus peut être mobilisée33 pour répondre à ces nouveaux objectifs à condition qu’elle intègre mieux les connaissances sur les facteurs de la mobilité. Les problèmes d’articulation des échelles amènent les cabinets d’ingénieurs-conseil en planification des transports à multiplier les confrontations (et/ou les partenariats) avec d’autres professions : à une extrémité, les pôles d’échanges et la microplanification sur lesquels interviennent les architectes et les paysagistes, à l’autre extrémité, la maîtrise d’ouvrage traditionnelle (SNCF, services techniques départementaux, DDE), dont les logiques propres ne s’incrivent pas forcément dans les mêmes objectifs.

32 Ces expertises reposaient sur un cloisonnement similaire à celui de la maîtrise d’ouvrage.

33 Notre réflexion, illustrée par le tableau « des compétences pour répondre aux nouvelles problématiques » (cf. § 1.1.1.3.) sera développée dans des publications ultérieures.