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CHAPITRE 2 - CONTAMINATION DE TROIS MATRICES APICOLES PAR LES HYDROCARBURES

2.1. Contexte des travaux

Les Hydrocarbures Aromatiques Polycycliques (HAPs) constituent une famille de plus d’une centaine de composés organiques complexes constitués d’atomes de carbone et d’hydrogène possédant au moins deux cycles aromatiques condensés. Les HAPs sont des polluants environnementaux ubiquistes d’origine naturelle ou anthropique, produits soit lors de la combustion incomplète de matière organique (feux de forêts, éruptions volcaniques), soit lors de nombreuses activités anthropiques, notamment industrielles (gaz d’échappement automobile, chauffage domestique, émissions industrielles, incinérateurs) (Hodgeson, 1990 ; Wang et al., 2001 ; Dong et Lee, 2009). Le transport, la répartition et le devenir des HAPs dans l’environnement sont notamment liés à leurs propriétés physico-chimiques. Les HAPs sont généralement très peu solubles dans l’eau (notamment les HAPs dits à masse moléculaire élevée c'est-à-dire les HAPs ayant au moins 4 cycles aromatiques), liposolubles et volatiles et ont par conséquent une forte tendance à se fixer à la surface des particules en suspension dans l’air ou dans l’eau, notamment de celles de nature organique (Wang et al., 2001 ; INERIS, 2005 ; Maliszewska-Kordybach et al., 2009 ; Amiard, 2011). Les HAPs sont émis dans l’atmosphère et coexistent à la fois en phase gazeuse (HAPs légers) et en phase particulaire (HAPs lourds). Durant les pluies, les résidus atmosphériques de HAPs sont lessivés et déposés sur le sol, les surfaces d’eau ou les organismes vivants. Une fois déposés, ils peuvent être remobilisés et transportés par les masses d’air et les vents sur de longues distances : c’est ainsi qu’ils sont retrouvés dans des échantillons en hautes montagnes, au Groenland ou en Arctique (Garban et al., 2002). Les quantités de HAPs présents dans l’environnement sont caractérisées par une variabilité saisonnière et spatiale élevée. Les températures basses vont privilégier les HAPs lourds donc sous forme particulaire alors que les températures élevées vont privilégier les HAPs sous phase gazeuse : en été le pourcentage de HAPs légers est donc plus élevé qu’en hiver. Les concentrations totales en HAPs sont plus élevées en hiver ce qui est notamment lié, aux émissions dues aux chauffages domestiques (Smith et al., 2001 ; Motelay-Massei et al., 2007), au fait que les HAPs vont rester majoritairement en phase particulaire, et à la diminution du processus de dégradation des HAPs (photodégradation par les UV solaires). De nombreuses études ont mis en évidence des différences de concentrations en HAPs en fonction de la localisation des prélèvements, notamment en fonction du degré

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d’anthropisation des sites d’échantillonnage (Garban et al., 2002). Les concentrations en HAPs, plus particulièrement en HAPs lourds, sont d’autant plus élevées que les sites sont urbanisés, industrialisés ou proches d’axes routiers (Pathirana et al., 1994 ; Crépineau-Ducoulombier et Rychen, 2003 ; Maliszewska-Kordybach et al., 2009). En parallèle à cette distribution spatiale, et en lien avec leurs propriétés physico-chimiques, les différents compartiments biologiques et physiques présentent des concentrations différentes en HAPs.

Parrish et al. (2006) ont par exemple montré que les quantités de HAPs mesurées étaient différentes en fonction des espèces aussi bien chez des plantes que chez des vers de terre. Tao

et al. (2004) ont montré que les concentrations en HAPs étaient variables en fonction des types de végétaux étudiés, des organes de la plante, et entre les végétaux et le sol. De la même façon, Fismes et al. (2002) et Crépineau-Ducoulombier et Rychen (2003) ont observé des différences de concentrations en HAPs entre les végétaux et le sol, plus précisément une répartition spécifique des HAPs en fonction de leurs poids moléculaires, les HAPs légers (moins de 4 cycles aromatiques) étant majoritairement retrouvés dans les parties aériennes et la part des HAPs lourds (plus de 4 cycles) étant plus importante dans le sol et les racines.

Parmi la centaine de composés identifiés, seule une liste restreinte est généralement considérée pour les études environnementales et reprend les seize HAPs classés comme polluants prioritaires par l’Agence de Protection de l’Environnement (Environmental Protection Agency : EPA). Cette liste reprend les HAPs les plus étudiés qui posent des problèmes environnementaux majeurs du fait de leur toxicité : HAPs présentant 2 cycles aromatiques (napthalène), 3 cycles (acénaphtylène, acénaphtène, fluorène, anthracène, phénanthrène), 4 cycles (fluoranthène, pyrène, benzo[a]anthracène, chrysène), 5 cycles (benzo[a]pyrène, benzo[b]fluoranthène, dibenzo[a,h]anthracène, benzo[k]fluoranthène) et 6 cycles (benzo[g,h,i]pérylène, indéno(1,2,3-cd)pyrène). Même si les effets toxiques de tous les HAPs sont encore imparfaitement connus, de nombreuses études indiquent que certains HAPs peuvent entraîner des effets systémiques (hépatiques, hématologiques, immunologiques, …), des effets sur la reproduction mais également des effets génotoxiques et cancérigènes chez l’animal (Doornaert et Pichard, 2003). Du fait de leur toxicité avérée, le Comité Scientifique de l’Alimentation de la Commission Européenne a proposé en 2005 de suivre le benzo[a]pyrène (BaP), comme marqueur de la présence et des effets cancérigènes des HAPs dans les aliments et a introduit des limites réglementaires pour la concentration maximale en BaP dans les denrées alimentaires. En 2008, le Comité des Contaminants dans les Chaines Alimentaires (EFSA, 2008) a jugé que le BaP n’était pas un indicateur suffisant des effets

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cancérigènes et génotoxiques des HAPs dans les aliments et que la somme de huit HAPs lourds (benzo[a]anthracène, chrysène, benzo[b]fluoranthène, benzo[k]fluoranthène, benzo[a]pyrène, dibenzo[a,h]anthracène, benzo[g,h,l]pérylène et indéno(1,2,3-cd)pyrène) ou que la somme du sous groupe de quatre HAPs (4HAPs : benzo[a]anthracène, chrysène, benzo[b]fluoranthène, benzo[a]pyrène) était plus appropriée comme indicateur.

Ces normes dans les denrées alimentaires, expliquent le fait que la majorité des recherches sur la contamination des matrices apicoles par les HAPs concerne les matrices et les compléments alimentaires comme le miel, ou la propolis (Dobrinas et al., 2008 ; Moret et

al., 2010 ; Martena et al., 2011), la contamination du pollen par les HAPs n’ayant à notre connaissance jamais été étudiée. Finalement très peu de travaux ont utilisé l’Abeille mellifère (Apis mellifera) pour caractériser le niveau de contamination de l’environnement par les HAPs (Devillers et coll., 2005 ; Perugini et al., 2009), l’abeille étant pourtant reconnue comme une sentinelle pertinente de la contamination par les polluants environnementaux.

C’est dans ce contexte, que l’objectif principal de cette partie est d’évaluer la contamination environnementale par les HAPs autour de ruchers différents des régions Bretagne et Pays de la Loire en utilisant des matrices apicoles comme sentinelles. Les objectifs opérationnels sont 1/ de déterminer quelle est la matrice (abeilles butineuses, pollen de trappe ou miel) la plus appropriée pour cette évaluation, 2/ de mesurer les différences de contamination en fonction de la localisation des ruchers et donc du contexte paysager et 3/ d’évaluer les variations saisonnières sur deux saisons apicoles successives (2008 et 2009). Les analyses ont concerné dans un premier temps les échantillons prélevés sur six ruchers et des analyses complémentaires sur deux ruchers situés en paysage urbain ont été réalisées dans un second temps pour étayer les premières conclusions. Au total, les seize HAPs recommandés par l’APE ont été recherchés dans les matrices apicoles. Les résultats du dosage des 4HAPs recommandés par le Comité des Contaminants dans les Chaînes Alimentaires (EFSA, 2008) sont discutés dans une première partie publiée dans un article. La deuxième partie reprend les résultats concernant les autres HAPs dosés pour les comparer à la bibliographie existante.

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2.2. Les hydrocarbures aromatiques polycycliques : les abeilles, le miel et le