• Aucun résultat trouvé

Conclusion concernant la contamination des matrices apicoles par le plomb

CHAPITRE 3 - CONTAMINATION DE TROIS MATRICES APICOLES PAR LE PLOMB (Pb)

3.4. Conclusion concernant la contamination des matrices apicoles par le plomb

Le dosage du plomb dans les trois matrices apicoles étudiées a montré que l’ensemble des échantillons est contaminé par le plomb quels que soient la matrice, le rucher ou la période de prélèvement. Les concentrations déterminées sont bien plus faibles que celles déterminées lors d’études antérieures au milieu des années 90, années marquées par de nombreuses restrictions d’utilisation du plomb. L’ensemble des données récoltées, tant dans la bibliographie que dans notre travail, montre le lien fort entre la contamination des matrices apicoles et la proximité avec des sources polluantes anthropiques telles que les axes routiers et les zones industrialisées. Il en ressort que les matrices apicoles reflètent le degré de contamination du milieu proche du rucher d’origine et sont donc de bonnes sentinelles de la contamination environnementale par le plomb et les métaux en général. A cette variabilité liée à la localisation du rucher, s’ajoute une variabilité saisonnière, notamment une contamination plus importante lors des périodes sèches.

Les concentrations en plomb dans le miel sont significativement inférieures à celles dans les abeilles ou le pollen, ce fait étant généralisable aux autres métaux (Bogdavov, 2006 ;

Eremia et al., 2010). Le miel est donc moins exposé à la contamination par les métaux, cette contamination étant par ailleurs liée à de nombreux facteurs de variabilité naturelle (origine florale, densité florale, …). Les concentrations en plomb dans le pollen sont comparables à celles dans les abeilles mais l’origine florale et les conditions météorologiques sont des facteurs importants de variation de la contamination du pollen par les métaux. Les conditions météorologiques rendent la récolte de cette matrice aléatoire et, lors de mauvaises conditions pour les abeilles, un certain nombre d’échantillons ne peut être prélevé (Tableau 14). La matrice abeilles semble donc la matrice la plus appropriée pour évaluer la contamination environnementale par le plomb et d’autres métaux : en effet, (i) elle est continuellement exposée aux contaminations atmosphériques lors des vols de butinage ou de récolte d’eau, (ii) son corps recouvert de poils capte les particules en suspension dans l’air, (iii) elle est également exposée par son alimentation. Porrini et al. (2002) et Bogdanov (2006) ont été les premiers à souligner cet aspect en concluant que les matrices apicoles telles que le miel ou le

139

pollen, soumises à de nombreuses variations naturelles, étaient moins appropriées pour servir d’indicateurs de la contamination par les métaux que les abeilles. Des travaux récents (Cozmuta et al., 2012) ont par ailleurs étudié les concentrations et la biodisponibilité du plomb dans le sol ainsi que les concentrations dans différents organes de plantes mellifères et les matrices apicoles. Les résultats confirment notre conclusion et montrent une contamination décroissante des abeilles, des faux-bourdons, de la propolis, des cires, des larves, du miel à la gelée royale.

141

CHAPITRE 4 -

CONTAMINATION DE TROIS

MATRICES APICOLES PAR LES SUBSTANCES À

USAGES PHYTOSANITAIRES ET VÉTÉRINAIRES

143

4.1. Contexte des travaux

Au sens éthymologique du terme, les biocides sont des substances actives ou des préparations contenant une ou plusieurs substances actives, et regroupent les substances phytosanitaires et zoosanitaires destinées à détruire, repousser ou rendre inoffensifs des organismes considérés comme nuisibles, à en prévenir l’action ou à les combattre de toute autre manière (Amiard, 2011). Ils rassemblent les insecticides, les fongicides, les herbicides, les algicides, les rodenticides, les nématodicides et les acaricides. D’usage principalement agricole, et qualifiés alors de pesticides, les biocides permettent également de répondre à des besoins d’hygiène publique, de santé publique, de santé vétérinaire, et à des besoins d’entretien sur des surfaces non agricoles (voies ferrées, routes, …).

Depuis la seconde moitié du XXe siècle, les pesticides ont largement été incriminés dans la baisse de la biodiversité. Les organochlorés notamment ont été utilisés à très grande échelle et les épisodes nombreux d’intoxication aiguë (Walker et al., 1967 ; Sileo et al.,1977 ; Clark, 1981 ; Ohlendorf et al., 1981 ; Newton et al., 1992 ; Muralidharan, 1993) ont parfois même directement été impliqués dans la diminution importante des populations de certaines espèces (Enderson et Berger, 1968). Par ailleurs, leur rémanence élevée dans le sol et l’eau fait qu’ils ont été, et sont encore de nos jours, l’objet de nombreuses études, leur toxicité chronique étant à l’origine de nombreuses perturbations physiologiques chez nombre d’organismes vivants (Tanabe et al., 1994 ; Grasman et al., 1998 ; Glennemeier et Denver, 2001 ; Iwaniuk et al., 2006). Interdits progressivement dès les années 70, ils ont été remplacés par les organophosphorés et les carbamates. En dépit de leur moindre toxicité, de nombreux cas d’intoxications aiguës et chroniques ont été relatés et la faune sauvage vertébrée a de nouveau été largement impactée (Busby et al., 1983 ; Henny et al., 1987 ; Sanchez-Hernandez, 2001 ; Lambert et al., 2005). Du fait de leurs effets toxiques avérés, de nombreux organophosphorés ont été interdits, même si bon nombre d’entre eux sont encore largement utilisés, notamment dans les cultures fruitières. Dans les années 90, la prise en compte des écosystèmes et des équilibres écologiques dans leur intégralité a amené les chercheurs à évaluer l’impact des pesticides sur l’ensemble des chaînes alimentaires, se préoccupant à la fois de la faune des vertébrés mais également de la faune non cible des invertébrés et mettant ainsi en évidence les effets de nombreuses nouvelles molécules sur les insectes en particulier

144

(Strong, 1992 ; Wardhaugh et al., 2001 ; Desneux et al., 2007). Ces mêmes années, l’arrivée sur le marché des insecticides systémiques enrobant les semences végétales ouvrent de nouveaux espoirs quant à la protection de l’environnement. Leur mode d’application et leur efficacité permettent en effet de réduire de manière significative les quantités normalement utilisées par pulvérisation et de cibler les insectes piqueurs, suceurs ou phytophages. Néanmoins, leur transfert depuis le sol à tous les organes de la plante et leur toxicité à très faible dose font que leur impact est vite relaté chez les organismes non cibles. De nombreuses études ont ainsi mis en évidence la toxicité aiguë et chronique sublétale de ces molécules (en tête le néonicotinoïde imidaclopride et le phénylpyrazole fipronil) suite aux mortalités massives et aux troubles sans précédent survenus chez les abeilles domestiques, en France en particulier (Charvet et al., 2004 ; Decourtye et al., 2004a ; Decourtye et al., 2004b ; El Hassani et al., 2005). Bien que la toxicité et les effets délétères de ces molécules, et plus généralement de ces familles de pesticides, sur les organismes non cibles soient démontrés (Medina et al., 2004 ; Overmyer et al., 2005), à chaque interdiction de l’une de ces molécules pour une utilisation précise, succède la mise sur le marché d’une ou de plusieurs autres.

A l’heure actuelle, les populations de pollinisateurs sauvages ou domestiques subissent de fortes mortalités à travers le monde (vanEngelsdorps et al., 2009 ; Ellis et al., 2010 ; Neumann et Carreck, 2010 ; Potts et al., 2010a). Si les études récentes suspectent des causes multiples (vanEngelsdorp et Meixner, 2010), la contamination par les polluants environnementaux reste une cause largement mise en avant. Parmi ces polluants environnementaux, les pesticides occupent une place majeure. Alors que certains d’entre eux sont particulièrement pointés du doigt du fait de leur toxicité chronique sublétale importante et font l’objet de nombreuses recherches (Bonmatin, 2002 ; Colin et al., 2004 ; Belzunces et

al., 2012 ; Henry et al., 2012 ; Whitehorn et al., 2012), quelques publications récentes montrent une contamination généralisée des matrices apicoles par une diversité conséquente de molécules (Balayiannis et Balayiannis, 2008 ; Mullin et al., 2010 ; Chauzat et al., 2011). La question des interactions et des synergies entre ces molécules suscite dorénavant l’inquiétude des communautés scientifique, naturaliste et apicole. Cette situation alarmante est pour le moins paradoxale dans la mesure où les pollinisateurs rendent l’un des plus importants services écosystémiques dans les agroécosystèmes. Ce service écosystémique lié à la pollinisation des cultures est en effet estimé à 153 milliards d’euros chaque année (Gallai et

al., 2009). Par ailleurs, les abeilles sont considérées à l’heure actuelle comme les principaux acteurs de cette pollinisation et par là même comme le groupe taxonomique à valeur

145

économique la plus élevée (Klein et al., 2007 ; Kremen et al., 2007). En parallèle à cette pression par les pesticides, les molécules utilisées lors de traitements vétérinaires sont l’objet de controverse et suspectes d’avoir un effet négatif sur les abeilles. En effet, la polémique a grandi dans le Sud de la France en 2009-2010 lorsque des mortalités importantes d’abeilles ont coïncidé avec les vaccinations massives d’animaux de production et les désinsectisations de locaux dans le cadre de la lutte contre la fièvre catarrhale ovine (Roy, 2010). Le doute est d’autant plus important que les effets délétères des molécules utilisées (pyréthrinoïdes : deltaméthrine et perméthrine) sont bien documentés chez l’abeille (Vandame et al., 1995 ; Vandame et Belzunces, 1998 ; Decourtye et al., 2004b ; Ramirez-Romero et al., 2005). En plus de cette contamination extrinsèque, les molécules vétérinaires utilisées par les apiculteurs au sein même des colonies dans la lutte contre Varroa destructor sont largement retrouvées dans les matrices apicoles (Mullin et al., 2010 ; Orantes-Bermejo et al., 2010), ces molécules, comme le coumaphos, ayant des effets négatifs avérés sur l’abeille (Haarmann et

al., 2002 ; Collins et al., 2004 ; Pettis et al., 2004).

Dans ce contexte, l’objectif principal de cette partie est 1/ d’évaluer la contamination des abeilles, du miel et du pollen de trappe par les substances à usages phytosanitaires et vétérinaires au sein des dix-huit ruchers de l’étude, 2/ de la comparer en fonction des différents paysages concernés, 3/ de déterminer son évolution en fonction de la période d’échantillonnage et 4/ de discuter du choix de la meilleure sentinelle apicole pour évaluer ces contaminations extrinsèque et intrinsèque. Ce travail a été l’occasion de la mise au point d’une technique analytique de détection et de quantification d’un maximum de molécules à des limites de détection de l’ordre du ppb. Enfin, les molécules retrouvées dans les matrices apicoles seront comparées aux molécules utilisées sur le terrain au sein de chaque aire de butinage et recensées pour l’année 2008 lors d’une enquête auprès des utilisateurs du paysage (particuliers, professionnels agricoles et apicoles, services d’entretien des espaces verts municipaux ou privés).

146

4.2. Analyse multi-résidus de 80 contaminants environnementaux dans les