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Avec environ 30% de la population mondiale vivant dans une bande côtière de 100km de

large (Small et Nicholls, 2003) et plus de 200 millions de personnes résidant dans des zones

poten-tiellement aectées par des niveaux extrêmes (Nicholls, 2010), les littoraux présentent un intérêt

socio-économique de premier plan. En particulier, les zones littorales sableuses représentent

envi-ron un tiers des littoraux à l'échelle de la planète (CERC, 1984) et sont parmi les envienvi-ronnements

physiques les plus évolutifs à sa surface (Davis, 1997). Due en grande partie à la réduction des

apports sédimentaires uviaux ces dernières décennies (Vörösmarty et al., 2003) et à l'élévation

séculaire du niveau marin (Wöppelmann et al., 2014), plus de 70%des plages mondiales sont en

érosion (Bird, 1985). Il en résulte un intérêt croissant de la part de la communauté scientique

à mieux comprendre la dynamique de ces zones littorales.

Figure 1.1: Gauche : Photo récente du phare de l'île de Memmert (Allemagne), situé initialement sur la dune qui s'est érodée au cours des dernières décennies. Droite : Maisons ottantes sur le front de mer de Maasbommel (Pays-Bas), pouvant s'élever avec le niveau marin. Source : www.worldoceanreview.com.

La morphodynamique d'un système sédimentaire est l'étude des interactions dynamiques

entre sa morphologie et l'écoulement (hydrodynamique dans notre cas) le caractérisant. Il est

de nos jours indispensable de comprendre la morphodynamique des zones littorales depuis une

échelle de temps journalière (passage d'une tempête par exemple) jusqu'à séculaire (élévation

du niveau marin), an d'anticiper leur évolution future et ainsi améliorer leur gestion

socio-économique. Tenter de prévoir la morphodynamique future de ces zones nécessite bien sûr de

reproduire dans un premier temps leur morphodynamique passée. Cette morphodynamique est

cependant très complexe du fait de la large gamme d'échelles spatio-temporelles entrant en jeu

(Fig. 1.2). Elle est contrôlée par de nombreux processus physiques (courants, vagues, turbulence,

...), voire biologiques (Malarkey et al., 2015), ces processus interagissant entre eux à diérentes

échelles spatio-temporelles. De plus, chaque site présente des spécicités locales qui vont

inuen-cer sa dynamique, comme la composition granulométrique du sédiment, la présence de végétation,

ou encore l'exposition à des activités humaines (dragages, réensablement, conchyliculture, ...).

La proximité des zones littorales présente tout de même l'avantage de pouvoir réaliser de

nom-breuses mesures (hydrodynamiques, de transport sédimentaire, topographiques/bathymétriques,

sismiques) indispensables à la compréhension des mécanismes régissant l'évolution de ces zones,

même si le déferlement des vagues empêche parfois toute navigation et certains types de mesures

(bathymétriques par exemple).

sec min heure jour mois année décennie siècle millénaire

10⁻² 10⁻¹ 10⁰ 10¹ 10² 10³ 10⁴ 10⁵ rides mégarides barres littorales dunes embouchures tidales flèches sableuses trait de côte profil de plage prisme littoral INSTANTANNEE EVENEMENTIELLE MESO à MACRO-ECHELLE MEGA-ECHELLE Echelle temporelle Echelle spatiale (m)

Figure 1.2: Échelles spatio-temporelles associées à la morphodynamique littorale.

Les études basées sur une approche descriptive des systèmes sédimentaires littoraux (e.g.

Swift et al., 1972; Hayes, 1980; Berné et al., 1993; Allard et al., 2008) ont l'avantage de prendre

en considération toute la complexité des processus régissant leur évolution, mais reste limitées

lorsque diérents processus (ou forçages) agissent de concert et/ou produisent des eets proches.

En parallèle de ces études, d'autres approches sont apparues an de combler cette lacune. Des

modèles empiriques ont tout d'abord été développés (e.g. O'Brien, 1969; Bruun, 1978) ainsi que

des modèles basés sur une analyse linéaire de stabilité (e.g. Huthnance, 1982a; Hulscher et al.,

1993) (cf. Chap. 2). A partir des années 1990, le développement des performances de calcul

numérique a permis de modéliser numériquement l'évolution morphologique de systèmes

sédi-mentaires, notamment au moyen de modèles basés sur les processus physiques (e.g. De Vriend

et al., 1993). Cependant, la majorité des études morphodynamiques utilisant cet outil numérique

considère uniquement la marée comme forçage externe. Le signal de marée étant périodique, les

ux sédimentaires engendrés sont alternatifs et les ux résiduels correspondants (i.e. moyennés

sur un cycle tidal) sont donc relativement faibles. Ne considérer que le forçage tidal permet ainsi

d'utiliser des techniques d'accélération des simulations morphodynamiques (ou techniques de

réduction du temps de calcul) relativement facilement. Ceci explique que la modélisation

mor-phodynamique de systèmes sédimentaires soumis uniquement à l'action de la marée a concerné

des échelles de temps relativement grandes, depuis l'échelle pluri-annuelle à pluri-décennale (e.g.

Fortunato et Oliveira, 2004; Roelvink, 2006; Van der Wegen et al., 2011; Dam et al., 2013)

jus-qu'à l'échelle millénaire (e.g. Van der Wegen et Roelvink, 2008; Coco et al., 2013). D'un autre

côté, l'action des vagues entraîne une complexication des processus contrôlant l'évolution du

système, et les ux sédimentaires peuvent alors perdre leur caractère alternatif. L'utilisation de

techniques de réduction du temps de calcul en modélisation morphodynamique est donc

poten-tiellement compromise lorsque les vagues sont prises en compte, et l'application de modèles basés

sur les processus à des systèmes soumis à un forçage mixte (marée et vagues) reste limitée à des

échelles de temps courtes. Ces dernières années, de telles études ont pour la plupart concerné

une échelle de temps mensuelle à pluri-annuelle (e.g. Bertin et al., 2009b; Castelle et al., 2012;

Nahon et al., 2012), bien que certains travaux aient déjà fourni des résultats intéressants et

en-courageants à une échelle de temps décennale (Cayocca, 2001) (Fig. 1.3).

Figure 1.3: (A) Bathymétrie plane initiale ; (B) Bathymétrie simulée après 10 ans d'évolution et pour un forçage mixte ; (C) Bathymétrie mesurée en 1993. Figures issues de Cayocca (1996).

Modéliser la morphodynamique des zones sableuses littorales dominées par l'action de la

marée et des vagues à une échelle de temps pluri-décennale apparaît donc comme un objectif

ambitieux, mais toutefois réalisable. Cet objectif est en cohérence avec une des spécicités de

l'équipe de recherche Dynamique Physique du Littoral de l'UMR 7266 LIENSs-CNRS : l'étude

des systèmes côtiers soumis à un forçage mixte.