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Partie 2 : fonction cardiaque, sports de force et stéroïdes anabolisants

1. Contexte

1. Contexte

Au sein des salles de sport, même si bon nombre de personnes pratiquent la musculation de manière complémentaire à une autre activité ou encore uniquement pour leur bien-être, on retrouve également une forte population de personnes pratiquant le « culturisme ». Ces pratiquants ont une volonté toujours plus grande de développer leur masse musculaire afin de présenter un physique « hors-normes » lors des compétitions. Pour ce faire, l’entrainement en musculation et l’alimentation jouent bien entendu un rôle essentiel, mais le dopage avec notamment l’utilisation de stéroïdes anabolisants, revêt une importance majeure. Pour preuve, à l’échelle mondiale, une étude de Perry et al. (2005) rapporte une prévalence du dopage de l’ordre de 80% chez les culturistes. En France, un rapport de l’Agence Française de Lutte contre le Dopage datant de 2017 démontre que le culturisme est la discipline la plus touchée par le dopage.

1.1. Le culturisme

Le culturisme (ou « bodybuilding » en Anglais) est une discipline sportive ayant pour but principal de développer la masse musculaire à des fins esthétiques. En effet, les culturistes ne sont pas jugées sur leurs performances sportives en tant que tel mais bel et bien sur leur musculature, qu’ils exhibent sur une « scène » pendant des concours, en exécutant des poses plastiques codifiées (appelées « posing »). Pour répondre à leurs objectifs, les culturistes préparent leurs « compétitions » en s’astreignant à un entraînement intense en musculation couplé à un contrôle drastique de l’alimentation qui varie selon les phases de préparation. Leur planification d’entraînement se distingue en deux grandes phases : une phase de prise de masse durant laquelle ils s’entrainent de manière intense en ingérant un grand nombre de calories de manière à développer la masse totale de l’organisme, et une phase de sèche durant laquelle leur alimentation devient hypocalorique malgré un entrainement toujours aussi intense, ceci dans le but de perdre l’excédent de masse graisseuse. Une présentation succincte du culturisme est proposée en pages 71 et 72 de ce manuscrit.

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Approfondissement n°2 : le culturisme

éraclès (un des héros les plus vénérés de la Grèce antique) était un symbole de masculinité et peut être considéré comme le précurseur du culturisme puisque il représente l’idéal de développement musculaire masculin dans la Grèce antique. Au 19ème siècle, Eugène sandow (athlète d’origine allemande) né en 1867 fut un pionnier de la naissance du culturisme tel qu’il est connu aujourd’hui. Plusieurs années après, Joe Weider (culturiste et entrepreneur Canadien né en 1919 et mort en 2013) codifia de nombreuses techniques d’entraînement plus qualitatives et plus intenses, il créa la fédération internationale de « bodybuilding » (International Fédération of Bodybuilding, IFBB) ainsi que le prestigieux concours de Mr Olympia (dont la première édition a eu lieu en 1965). Le culturisme moderne tel que connu du grand public est incarné notamment par Arnold Schwarzenegger ou encore Ronnie Coleman et se caractérise par la multiplication des salles d’entraînement et l’apparition des premiers concours professionnels et codifiés. Arnold Schwarzenegger révolutionna et démocratisa complètement la discipline de par ses performances (sept titres de Mr Olympia) et par son entrée au cinéma. Le concours Arnold Classic est d’ailleurs aujourd’hui le deuxième concours le plus important derrière Mr Olympia.

En France, le culturisme est aujourd’hui rattaché à la FFHMFAC (Fédération Française d’Haltérophilie, Musculation, Force Athlétique et Culturisme). Tout athlète désirant participer à une compétition officielle doit posséder une licence « compétiteur » comme dans tout autre sport. Avant chaque compétition, les organisateurs mettent en place une « pesée » qui permet de valider la participation des athlètes dans la catégorie donnée. Lors de chaque compétition, un ensemble de juges est nommé afin de noter les « posing » des athlètes en fonction des catégories et d’établir un classement. Chaque passage sur scène est également codifié avec des poses imposées (double biceps de face, dorsaux de face, biceps cage, double biceps de dos, dorsaux de dos, triceps, abdominaux et dos) et un passage libre ou les athlètes sont jugés sur la manière dont ils mettent leur musculature en valeur. Les principaux critères de jugement sont : la ligne, la symétrie entre gauche et droite, la démarche, l’attitude, l’apparence de la sangle abdominale, la vascularisation, l’excès de définition, l’excès de volume musculaire, la maigreur extrême ou encore l’absence de tissu adipeux.

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Figure 1 : Héraclès, fils de Zeus. Héros le

plus vénéré de la Grèce antique

Figure 2 : Joe Weider (1919 – 2013),

culturiste Canadien et créateur de l’IFBB

Figure 3 : Arnold Schwarzenegger

culturiste Austro-Américain né en 1947 et vainqueur à 7 reprises du concours Mr

Olympia

Figure 4 : Ronnie Coleman, culturiste

Américain né en 1964 et vainqueur à 8 reprises du concours Mr Olympia.

73 1.2. Culturisme et produits dopants

Si l’entrainement en musculation et l’alimentation sont deux paramètres fondamentaux dans la préparation du culturiste, une grande majorité a recours à l’utilisation de produits dopants toujours dans le but de développer encore et encore la masse musculaire. Si différentes substances peuvent être utilisées (hormone de croissance, diurétiques, etc.), la classe des AAS est la plus classiquement retrouvée lorsque le but est de développer la masse musculaire.

Dans la population générale une étude épidémiologique de grande échelle datant de 2014 démontre qu’environ 3 à 4 Millions d’Américains auraient recours à une consommation régulière d’AAS dans le seul but de développer leur masse musculaire (Pope et al., 2014). Dans la même lignée, une méta-analyse recensant 187 études épidémiologiques menées dans différents pays démontre que la prévalence de consommation d’AAS dans la population générale est de 6,4% chez les hommes et 1,6% chez les femmes (Sagoe et al. 2014). De manière complémentaire, lorsque cette méta-analyse rapporte la prévalence d’utilisation chez les sportifs, les sportifs amateurs (« recreational sports people »), arrivent en tête (prévalence de 18.4%) suivis par les athlètes de haut niveau (13.4%). Dès lors, les AAS ont été considérés par les autorités sanitaires comme un enjeu de santé publique conséquent.

Dans le milieu du culturisme, un rapport alarmiste de l’agence mondiale antidopage datant de 2015 indique que c’est la discipline où la prévalence de contrôles positifs aux AAS est la plus élevée (270 contrôles positifs sur 1932 échantillons collectés soit environ 14%). Les AAS sont administrés par les culturistes principalement sous forme orale ou par injection avec des doses variant en moyenne de 600 à 1 000 mg par semaine (Baggish et al., 2017 ; Hartgens et al., 2002 et 2004 ; Pope et al., 2014). A titre de comparaison, l’organisme produit environ 50 mg/sem. de testostérone ce qui signifie que les culturistes utilisent des doses 12 à 20 fois supérieurs à la production endogène. Les AAS, qui regroupent la testostérone et ses dérivés (tableau 4) sont pris sous forme de cures de plusieurs semaines (4 à 12 semaines) entrecoupées de phases de « pause ».

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AAS oraux AAS injectables

Oxymetholone Nandrolone decanoate

Oxandrolone Nandrolone phenpropionate

Methandrostenolone Testosterone cypionate

Ethylestrenol Testosterone enanthate

Stanozolol Testosterone propionate

Fluoxymesterone Methenolone enanthate

Norethandrolone Boldenone undecyclenate

Methenolone acetate Trenbolone acetate

Mesterolone Trenbolone

Testosterone undecanoate Stanozolol

Tableau 4 : liste des AAS utilisés par voie orale ou par injection dans le milieu du culturisme (adapté de Pope et al., 2014).