• Aucun résultat trouvé

Comparaison entre le remodelage cardiaque de l’athlète utilisant des AAS et celui

Le remodelage cardiaque peut se définir comme l’expression des changements génomiques, moléculaires et cellulaires qui se manifeste cliniquement par des changements de taille, de forme et de fonction (Cohn et al., 2000). Ces changements sont induits par différents facteurs : une surcharge de pression (sténose aortique, hypertension, etc.), une inflammation (myocardite), une cardiopathie dilatée (régurgitation valvulaire) ou à un infarctus. Dans de nombreux cas, l’exposition prolongée à ces différents facteurs (telle que la surcharge de pression prolongée engendrée par l’hypertension artérielle) peut conduire à des dysfonctions ou à une insuffisance cardiaque. Pour preuve, à la suite d’un infarctus du myocarde, le remodelage cardiaque est la cause la plus fréquente d’insuffisance cardiaque (Cokkinos, 2015). Comme évoqué précédemment, la pratique d’une activité physique intense est également responsable d’un remodelage cardiaque aussi bien sur le plan morphologique que fonctionnel. Même si dans la plupart des cas, ce remodelage se fait de manière harmonieuse et modérée, cette hypertrophie physiologique retrouvée chez le sportif peut masquer une hypertrophie pathologique. Ainsi, dans 5% des cas, la distinction avec une pathologie cardiaque est incertaine et le diagnostic difficile. La question de cette différenciation est aujourd’hui fondamentale puisque comme nous allons le voir par la suite, la CMH est la principale cause de mort subite chez l’athlète. De plus, si les sportifs de force qui pratiquent la musculation de manière intense semblent avoir une fonction cardiaque normale malgré l’épaississement du myocarde, il en est autrement pour les sportifs qui utilisent en plus de leur entraînement des produits dopants de type AAS. En effet, l’hypertrophie cardiaque majeure associée à des troubles de la fonction ventriculaire et atriale qui est retrouvée chez les culturistes utilisant des AAS, associée comme nous l’avons observée dans l’étude n°3 à une augmentation de l’asynchronisme intraventriculaire, amène à se questionner sur le caractère physiologique ou pathologique de ce remodelage. C’est dans ce contexte que cette troisième partie de thèse s’attachera à comparer ces sportifs utilisant des AAS à un groupe de sportifs ayant une CMH.

110

1. La cardiomyopathie hypertrophique : Généralités

La CMH est la principale cause de mort subite chez l’athlète (Maron et al., 2006) (figure 18). C’est pour cette raison que les sociétés européennes et américaines de cardiologie contre-indiquent la pratique d’une activité physique intense chez les athlètes atteints de CMH (Caselli et al., 2008). L’enjeu actuel majeur en cardiologie du sport est de ne pas passer à côté de ce diagnostic pour ne pas exposer l’athlète à un risque de mort subite sans toutefois émettre un diagnostic alarmiste sur la base d’un simple doute. En effet, le diagnostic d’une CMH engendrera dans la plupart des cas une contre-indication à l’activité physique intense pour l’athlète, ce qui peut avoir de lourdes conséquences sur le plan professionnel et familial. Nous allons voir que les différenciations entre adaptations physiologiques liées à la pratique d’une activité physique et maladaptations engendrées par la pathologie sont parfois difficiles à établir.

1.1. La cardiomyopathie hypertrophique : définition

Selon les dernières recommandations européennes éditées en 2014, la CMH se définie par la présence d’une épaisseur pariétale élevée qui ne peut pas être expliquée par des conditions

Figure 18: répartition des causes de morts subites cardiovasculaires (CMH : l’hypertrophie hypertrophique ; DAVD : dysplasie arythmogène du ventricule droit ; PVM : prolapsus valve mitrale ; SA : sténose aortique ; CMD : cardiomyopathie dilatée) (issu de Maron et al., 2006).

111

anormales de charge (Elliott et al., 2014). La CMH a une prévalence estimée à 1/500, soit 0.2% de la population. Ce chiffre contraste fortement avec la faible incidence de CMH détectée dans la pratique clinique, suggérant que la plupart des individus restent asymptomatiques et donc sous-diagnostiqués (Giannakopoulos et al., 2013). S’il existe des formes rares de CHM telles que les maladies métaboliques héréditaires, les cardiopathies mitochondriales, les maladies neuromusculaires, les syndromes malformatifs et les maladies infiltratives, dans la majorité des cas (soit environ 60%), la CMH est liée à une affection héréditaire à transmission autosomique dominante en lien avec la mutation d’un gène codant pour une protéine sarcomérique.

1.2. Génétique

La CMH est aujourd’hui considérée comme la plus fréquente des maladies cardiaques d’origine génétique. C’est en 1960 que la première description d’une transmission génétique de la CMH est proposée par l’équipe de Hollman et al. Depuis les années 90, 1 400 mutations concernant au moins 11 gènes ont été décrites. La figure 19 représente les gènes des sarcomères cardiaques impliqués dans la survenue de l’HCM, ainsi que la fréquence de leur atteinte.

Figure 19 : localisation des gènes des sarcomères cardiaques connus pour engendrer la cardiomyopathie hypertrophique (Issu de Maron et al., 2012).

112 1.3. Développement de la pathologie

L’apparition de signes cliniques avérés, avec notamment un épaississement d’une des parois du VG, survient dans la plupart des cas pendant l’adolescence. Sa progression est parallèle à la croissance et se complète souvent au début de l’âge adulte. Malgré tout, des présentations précoces (avant 10 ans) ou tardives (après 30 ans) ont également été décrites. La majorité des patients sont peu ou pas symptomatiques pendant de longues périodes, voire à vie, et l’espérance de vie ainsi que la mortalité annuelle (environ 1%) sont les mêmes que celles de la population générale. La principale préoccupation de la communauté scientifique et du corps médical concerne les complications, qui sont de trois grands types : la fibrillation auriculaire, l’insuffisance cardiaque et la mort subite.

La fibrillation auriculaire est l’arythmie la plus fréquente lors de CMH, présente chez 18 à 25% des patients. L’apparition de cette complication est une urgence médicale qui contribue à la morbidité et à la mortalité de la maladie (Olivotto et al., 2001). L’insuffisance cardiaque touche 10 à 15% des patients avec développement d’une insuffisance cardiaque de stade 3 ou 4 avec FE préservée (Maron et al., 2012). Dans les cas les plus sévères, les patients deviennent candidats à la transplantation cardiaque. Enfin, la mort subite représente la complication la plus redoutée de par son caractère imprévisible, et survient en général chez les adolescents et les jeunes adultes. Dans la plupart des cas, la tachycardie et la fibrillation ventriculaire sont les principaux mécanismes qui peuvent expliquer ces évènements.

1.4. Critères de diagnostic

Le diagnostic de CMH est basé principalement sur des critères d’imagerie (échocardiographie ou IRM). En effet, le diagnostic est basé sur la détection d’une hypertrophie majeure d’une des parois du myocarde (seuil admis à 15 mm), en l’absence de conditions de charge anormales (hypertension artérielle, rétrécissement aortique, etc.). Le diagnostic peut également être retenu sur une épaisseur pariétale plus faible (13-14 mm), mais dans ce cas, le diagnostic de CMH nécessite des arguments supplémentaires tels qu’une histoire familiale, des anomalies ECG ou des arguments apportés par des tests biologiques ou d’imagerie (fibrose myocardique, anomalie morphologique de l’appareil valvulaire mitral, etc.)(Elliott et al., 2014;

113

Maron et al., 2006 ; Sheikh et al., 2015). Comme nous venons de le voir, le diagnostic d’une CMH peut s’avérer relativement aisé chez un sujet sédentaire ou modérément actif, en revanche il devient très complexe chez un sportif de haut niveau qui s’entraîne de nombreuses heures par semaine puisque les effets de la pratique sportive et ceux liés à la pathologie peuvent être confondus (cf. approfondissement n°4 page 117 et 118 de ce manuscrit).

2. Différenciation entre hypertrophie cardiaque physiologique et pathologique

L’enjeu actuel pour le clinicien est d’être capable de différencier clairement une HCM d’une hypertrophie physiologique engendrée par la pratique sportive. Malheureusement, la situation est très souvent délicate et nécessite un diagnostic fin basé sur plusieurs approches. Tout d’abord, nous allons brièvement décrire les deux types d’hypertrophie.

2.1. Différences physiopathologiques

2.1.1. Hypertrophie physiologique

Comme évoqué précédemment, l’hypertrophie cardiaque du sportif est en lien avec les conditions de charge imposées par l’activité physique (contraintes de charges engendrées par les fortes modifications de volume cardiaque et/ou par les variations de pression artérielle). Ce remodelage dit physiologique met en jeu des voies de signalisation spécifiques qui sont aujourd’hui relativement bien connues pour être différentes de celles qui interviennent dans le remodelage pathologique. En effet, plusieurs études expérimentales ont aujourd’hui permis de mettre en lumière les voies de signalisation de l’hypertrophie physiologique (figure 20), parmi lesquelles nous pouvons citer la voie « IGF1 – PI3K – Akt » (voie la mieux décrite dans la littérature, revue de Gueffier, 2015). Plusieurs études expérimentales menées chez l’animal ont décrit une hypertrophie modérée et équilibrée, sans présence de fibrose (Lips et al., 2003) et avec une densité capillaire adaptée par rapport à l’hypertrophie des cardiomyocytes (Laughlin et al., 1996). Par conséquent, le remodelage physiologique retrouvé chez l’athlète est constitué de tissu sain.

114 2.1.2. Hypertrophie pathologique

Dans le cas du remodelage pathologique, les études rapportent une diminution du nombre de cardiomyocytes, une hypertrophie avec perte de structure des cardiomyocytes restants, une réexpression du programme génétique fœtal accompagné d’une fibrose interstitielle. La désorganisation des cardiomyocytes est associée à des anomalies des petites artères coronaires intra murales avec réduction de la réserve coronaire, responsable, avec l’augmentation de la masse musculaire, de plages de nécrose et fibrose ischémiques (Schnell, 2015). Cette hypertrophie est par conséquent responsable d’une diminution de la compliance du VG (Mercadier et al., 2007). Les voies de signalisation engendrées sont propres à ce remodelage pathologique comme le démontre la figure 20 qui schématise les deux grandes voies de l’hypertrophie cardiaque physiologique et pathologique. Plus précisément, les voies de signalisation les mieux décrites dans la littérature sont : la voie des récepteurs couplés aux protéines G (RCPG), la voie des récepteurs adrénergiques et la voie de l’angiotensine II (revue de Gueffier, 2015).

Figure 20: différenciation des voies de signalisation propres à l’hypertrophie physiologique et pathologique : du stimulus initial à la réponse cellulaire

115

2.2. Différenciation clinique : approche multiparamétrique

Il est aujourd’hui clairement admis qu’une approche multiparamétrique est fondamentale pour différencier les deux types d’hypertrophies puisque la simple étude du remodelage apparaît comme insuffisante dans une population sportive (Maron et al., 2006). Ainsi, le diagnostic d’une CMH se basera sur une approche multiparamétrique qui comportera notamment un électrocardiogramme, une échocardiographie de repos et d’effort ou encore un IRM cardiaque par réhaussement tardif. La combinaison entre ces différentes évaluations fait aujourd’hui partie des recommandations de l’ESC (Elliott et al., 2014). Pour plus d’informations sur le diagnostic de l’CMH, un approfondissement n°4 vous est proposé en pages 117 et 118.

117

Approfondissement n°4 : cœur d’athlète ou cardiomyopathie hypertrophique

omme nous l’évoquions précédemment, la CMH est la principale cause de mort subite chez le sportif (Maron et al., 2006). L’enjeu pour le clinicien va donc être de diagnostiquer cette pathologie suffisamment tôt de manière à éviter la survenue de ces évènements indésirables. Cependant, chez le sportif, la distinction entre hypertrophie cardiaque liée spécifiquement à la pratique de sa discipline sportive, et hypertrophie spécifiquement due à des facteurs pathologiques comme dans le cas de la CMH, est souvent très difficile et complexe. Ceci est encore plus vrai quand on connaît la portée du diagnostic d’une telle pathologie, qui engendrera très souvent une nécessité de diminuer drastiquement le volume et l’intensité d’entraînement, et donc compromettra fortement les chances du sportif d’évoluer à un haut niveau de pratique. Les recommandations actuelles imposent aujourd’hui une évaluation multiparamétrique basée sur différentes évaluations :

- Analyse électrique : l’analyse ECG est fortement recommandée, mais la présence d’ECG anormaux chez des sportifs sains rend la différenciation très délicate sur ce seul critère. Si plusieurs classifications ont été proposées, il existe un nombre de faux positifs trop important pour les généraliser.

- Histoire familiale : un cas de mort subite dans la famille de l’athlète est un élément majeur de dépistage et justifie à lui seul un suivi cardiologique et la réalisation d’examens complémentaires. Malgré tout, cet élément est parfois volontairement caché par les athlètes.

- Echocardiographie de repos et d’effort : outre l’épaisseur pariétale importante, qui peut être retrouvée chez des sportifs sains, il existe de nombreux paramètres qui doivent être pris en compte. Par exemple, la dilatation atriale ou une altération de fonction diastolique sont des éléments clés tout comme la présence d’un gradient de pression intra-ventriculaire anormal objectivé lors de l’échographie d’effort.

- IRM cardiaque : elle permet notamment de caractériser les différents tissus et d’objectiver de manière précise la fibrose qui est une caractéristique de la CMH.

118

- Epreuve d’effort : ce critère est parfois utilisé pour détecter un pic de consommation d’oxygène anormalement bas au vu du niveau du sportif. Ceci peut être typique d’une CMH, malgré tout, de nombreux athlètes atteints par cette pathologie ont des performances largement supérieures ce qui rend ce paramètre peu fiable.

- Tests génétiques : ces tests sont fortement recommandés par la plupart des sociétés savantes, malgré tout leur interprétation peut être délicate.

- Désentrainement : cette stratégie est la plus redoutée par les athlètes, cependant elle permet de lever les doutes quant à la présence ou non d’une HCM. En effet, un remodelage de type pathologique a pour caractéristique majeure d’être irréversible, tandis que l’hypertrophie physiologique est quant à elle réversible après arrêt de l’entraînement.

Comme évoqué durant ce chapitre sur la CMH, la différenciation entre cœur d’athlète et CMH nécessite la prise en compte de nombreux facteurs afin de poser un diagnostic précis. La figure ci-dessous proposée par Peliccia et al. (2012) résume les critères de distinction utilisables et présente une zone grise, zone pour laquelle un diagnostic clair est difficile voire parfois impossible.

119

3. Morphologie et fonction cardiaque dans le cas d’une HCM

Nous avons présenté les divers paramètres permettant de catégoriser la présence ou non d’une HCM. Dans cette partie, nous allons maintenant présenter les modifications morphologiques et fonctionnelles relevées dans la littérature dans le cas de sujets atteints d’HCM.

3.1. Morphologie

Les patients atteints d’HCM ont donc une HVG importante caractérisée principalement par un épaississement pariétal majeur (Solomon et al., 1993). Ils ont d’ailleurs des masses du VG bien souvent supérieures à des sportifs, sans même pratiquer une activité physique (Richand et al., 2007). De plus, leur RWT atteint des valeurs très importantes (0.71 pour des HCM sédentaires dans l’étude de Sheikh et al. en (2015) ce qui montre la prévalence d’un épaississement pariétal plutôt qu’une dilatation cavitaire. En 1981, différents types d’hypertrophie sont rapportés dans le cas d’une HCM: hypertrophie au niveau septum-basal (type 1), hypertrophie du septum dans son intégralité (type 2), hypertrophie du septum, de la paroi antérieure et de la paroi anterolateral (type 3) ou hypertrophie apicale (type 4). La figure 21 présente cette classification.

120

Nous pourrions imaginer que la pratique additionnelle d’une activité physique intense accentue cette hypertrophie, mais l’étude de Sheikh et al. (2015) qui a comparé des CMH athlètes à des CMH sédentaires ne rapporte pas d’épaississement pariétal plus important chez les athlètes. Ceci peut s’expliquer par le fait que les CMH athlètes étaient majoritairement des sportifs d’endurance, activités connues pour avoir un effet principalement sur le diamètre/volume du VG et non pas sur l’épaississement pariétal. Ce paramètre est objectivé par le fait que les CMH athlètes ont un RWT inférieur aux CMH sédentaires, ce qui montre le développement d’une hypertrophie plus harmonieuse (Sheikh et al., 2015). Concernant la morphologie de l’OG, une étude rapporte un diamètre et une surface de l’OG plus importante chez les sujets CMH comparativement à des sédentaires sains (Richand et al., 2007 ; Sheikh et al., 2015).

3.2. Fonction

De manière intéressante, les sujets atteints d’une CMH ont une FE au repos similaire voire plus importante que des sujets sédentaires (Bonow et al., 1981 ; Richand et al., 2007 ; Schnell, 2014), et cette FE est retrouvée comme majorée chez des athlètes atteints d’une CMH (Sheikh et al., 2015). Ceci peut s’expliquer par les importantes pressions retrouvées dans le VG à cause de l’épaississement pariétal important (Sheikh et al., 2015). Les analyses issues du DTi révèlent une diminution des ondes S’ et E’ qui sont de meilleurs indicateurs de contractilité et de relaxation (Richand et al., 2007 ; Sheikh et al., 2015). Récemment, des études ont révélé une altération du GLS chez des sujets CMH sédentaires comparativement à des sujets sains (Schnell et al., 2013 ; Saito et al., 2012). Enfin, concernant la fonction atriale, plusieurs études ayant utilisées les déformations longitudinales par « 2D-Strain » rapportent une baisse de fonction atriale gauche chez les patients HCM (Gabrielli et al., 2012 ; Rosca et al., 2010) et cette baisse serait même un prédicteur majeur du risque d’infarctus du myocarde (Rosca et al., 2010).

4. Comparaison de sportifs utilisant des AAS à des sportifs atteints de CMH

Les études 2 et 3 de cette thèse ainsi que l’analyse détaillée de la littérature ont pu mettre en lumière quelques particularités quant à la morphologie et à la fonction cardiaque des

121

culturistes. Ces particularités posent la question de l’aspect physiologique ou pathologique du remodelage retrouvé dans cette population spécifique. En effet, les études post-mortem, échocardiographiques et IRM rapportent une importante hypertrophie cardiaque très souvent associée à une augmentation de fibrose et de mort cellulaire (Montisci et al., 2012 ; Baggish et al., 2017), paramètres classiquement retrouvés dans le cadre d’une hypertrophie pathologique. De plus, un grand nombre de cas de morts subites chez des culturistes utilisant des AAS est aujourd’hui rapporté dans la littérature et pousse à la comparaison avec la CMH, qui pour rappel est la principale cause de morts subites chez le sportif. Cependant, à notre connaissance, aucune étude ne s’est jusqu’ici intéressé à la comparaison entre culturistes utilisant des AAS et sportifs atteints d’une CMH. Dans ce contexte, cette dernière partie de thèse avait comme objectif de situer ces culturistes utilisant des AAS, en les confrontant à un modèle pathologique afin d’étudier les différentes adaptations retrouvées. Pour ce faire, nous avons une nouvelle fois utilisé le « 2D-strain » en effectuant des mesures globales et régionales afin de discriminer une atteinte spécifique de différents segments du myocarde. De plus, nous avons utilisé une analyse novatrice du travail myocardique, qui a récemment émergé dans la littérature scientifique et qui présente de nombreux intérêts que nous allons présenter dans la partie suivante.

5. Evaluation du travail myocardique

A l’origine, l’évaluation du travail cardiaque permettait d’évaluer la dépense énergétique du cœur. Le travail cardiaque correspond à l’aire de la courbe pression-volume ventriculaire au cours du cycle cardiaque (cf. approfondissement numéro 5, pages 125 et 126). Cette courbe pression-volume est un reflet fidèle de la consommation d’oxygène du myocarde (Takaoka et al., 1992). Cependant, la réalisation de ces courbes pression-volume nécessite une évaluation invasive.

Aujourd’hui, il est possible d’appréhender ce type d’évaluation par échocardiographie, à partir de l’évaluation des déformations myocardique et l’estimation de l’évolution des pressions intraventriculaires pendant le cycle cardiaque. Le travail myocardique estimé ici correspond au travail nécessaire à la mise sous pression du système ventriculaire pour engendrer l’ouverture de la valve aortique, puis l’éjection sanguine et la relaxation du VG. Nous allons par la suite présenter brièvement la méthodologie employée pour évaluer le travail myocardique ainsi que les paramètres d’intérêts qu’il est possible d’extraire de cette évaluation spécifique.

122

5.1. Méthode employé pour l’estimation du travail myocardique

Le travail myocardique est estimé à partir de la construction de courbes pressions-déformations. Les déformations myocardiques étant aujourd’hui mesurées en routine par échocardiographie, la principale difficulté résidait dans la possibilité d’évaluer de manière non-invasive les pressions intra-ventriculaires au cours du cycle cardiaque. En 2012, Russell et al. ont proposé et validé une méthode non-invasive de reconstruction des courbes de pressions intraventriculaires au cours du cycle cardiaque, à partir de mesure des pressions artérielles par pléthysmographie, ainsi que par une mesure des éléments valvulaires par échocardiographie (ouverture et fermeture des valves mitrales et aortiques). La figure 22 ci-dessous présente les résultats de cette étude princeps en termes de validation des courbes d’évolution de la pression intraventriculaire au cours du cycle cardiaque.

Grâce à l’évaluation de ces pressions intraventriculaires, l’équipe de Russell et al. a proposé et validé une mesure non-invasive des courbes pression-déformation (Russell et al., 2013). Les pressions étaient évaluées par la méthode précédemment exposée, et les déformations par échocardiographie en mode 2D-strain. Cette étude est aujourd’hui considérée