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III. Schéma de contrôle biomimétique tiré de la littérature comportementale

2. Contexte de l’étude

L’approche que nous allons présenter ici a d’abord été proposée et développée par des membres de l’équipe dans un autre projet européen nommé PALOMA (Progressive and Adaptive Learning for

Object Manipulation, 2002-2006, FP6) (Zollo, Guglielmelli, et al. 2005, Eskiizmirliler, Maier, et al.

2006, Zollo, Eskiizmirliler, et al. 2008). L’objectif de ce projet était de modéliser les boucles sensorimotrices permettant l’atteinte et la saisie chez l’homme et d’appliquer ce mode de contrôle à un robot constitué d’une tête avec stéréovision, d’un bras à 8 ddl et une main sous-actionnée à 4ddl contrôlables (développé par le laboratoire ARTS, Scuola Superiore Sant’Anna) (Figure III-1).

Figure III-1. Le site expérimental du laboratoire ARTS (Zollo, Eskiizmirliler, et al. 2008). Le robot se compose d’un système d’acquisition 3D par stéréovision dont les mouvements des yeux sont coordonnés, placé dans une tête dont le cou peut s’orienter suivant deux DDL, et d’un

bras à 7DDL portant une main à trois doigts de 12 DDL (quatre par doigts) dont 4 contrôlables (2 pour le pouce,

un par doigt long).

Les travaux menés sur ce site, fortement bio-inspirés, ont permis d’établir un schéma de contrôle original basé sur

les intégrations sensorimotrices (voir Figure III-2)

L’originalité de cette approche est la prise en compte de l’aspect multimodal du traitement des informations par le SNC. Cette modélisation s’est appuyée sur le concept d’ « unité d’appariement » (Matching Units, MU ; voir ENCADRE 3.UNITE) proposé par Burnod et al. (Burnod, et al. 1992), ces unités étant ensuite utilisées pour former une architecture distribuée imitant en partie les circuits d’intégration sensorimotrice présents chez l’homme (Figure III-2). D’abord appliqué en simulation à un robot quatre axes pour lui faire apprendre la relation entre retour tactile et proprioception, puis proprioception et vision (Carenzi, et al. 2004, voir aussi Shadmehr et Wise 2005, chap.9 pour une présentation en détail de cette dernière relation), ce principe a ensuite été étendu au système plus complexe présenté ci-dessus.

L’idée ici n’est pas de chercher à modéliser tout ou partie des structures corticales impliquées dans les boucles sensorimotrices (comme ont pu le faire Oztop, Arbib et leurs collègues par exemple dans Oztop et Arbib 2002, Oztop, Bradley et Arbib 2004) mais plutôt leurs projections réciproques, à travers l’établissement de liaisons d’interdépendance entre les unités. De plus, l’algorithme utilisé

Figure III-2. L’architecture de contrôle proposée dans le projet PALOMA. Adapté de (Zollo, Eskiizmirliler, et al. 2008)

Encadré III-1. Le concept d’unité d’appariement

Les unités d’appariement sont des approximateurs de fonction, elles permettent d’établir une relation entre un vecteur d’entrées (sensorielles et/ou motrices) avec un autre de sortie (motrices) à travers une phase d’apprentissage. Leur grande force est de pouvoir traiter indifféremment un ou plusieurs types d’informations sensorielles, qu’elles soient de modalités identiques ou différentes. De par son fonctionnement, une unité peut être apparentée à une population de neurones appartenant à une aire corticale spécifique connue pour recevoir et traiter des informations d’au-moins deux modalités sensorielles différentes, comme c’est le cas par exemple de l’aire somatosensorielle primaire (S1) qui combine les informations tactiles et proprioceptives (entre autres). On pourra trouver d’autres exemples d’intégration multisensorielle dans les aires pariétales et frontales (Chapitre I).

Une fois la phase d’apprentissage accomplie, une unité d’appariement pourra prédire une des variables de son vecteur d’entrée en s’appuyant sur la ou les autres, et ainsi compensera les données bruitées, partielles ou manquantes. Un réseau d’unités permettra quant à lui de construire un modèle interne du système sensorimoteur en place (ici le bras et la main) en s’appuyant sur des retours sensoriels multimodaux, ainsi qu’une représentation interne des stimuli de l’environnement (ici les propriétés de l’objet) et les relations qui lient ces stimuli au système.

Position du point d’approche

Orientation de la main suivant Z

On distingue clairement trois sous-systèmes dans l’architecture proposée : le premier (rouge) correspond à la résolution du problème d’Atteinte à travers la détermination de la configuration angulaire du bras afin d’amener la main à proximité de l’objet ; il génère une position d’approche 3d en fonction de la position estimée de l’objet dans un repère lié au regard (extrinsèque). Il est complété par le second sous-système (jaune) qui lui va déterminer l’orientation 3d de la main en fonction de celle de l’objet et de la position d’approche. Enfin, le dernier sous-système (bleu) va résoudre le problème de Saisie en déterminant la configuration angulaire de chaque doigt et celle de la main entière.

Figure III-3. Le simulateur développé le cadre du projet PALOMA (Eskiizmirliler et.al. 2006). a) la vue globale du simulateur. b) zoom sur la configuration de prise générée par le simulateur. c) les différents paramètres ajustables.

a)

b)

b)

le projet ABILIS

Le projet ABILIS (Approche Bio-Inspirée pour La manipulation Intelligente et la Saisie) est un projet financé par l’Agence Nationale de la Recherche entre 2008 et 2011. Il regroupait un consortium de cinq laboratoires de recherche et une entreprise de transfert technologique :

L’institut Pprime (P’ UPR 3346, anciennement LMS), situé à l’Université de Poitiers ;

coordinateur du projet, hôte du site expérimental et très impliqué dans la recherche sur la manipulation dextre d’objets par des mains mécaniques et le développement de ces dernières.

Le Centre d’Etude de la SensoriMotricité (CESeM CNRS UMR 8194, anciennement ANIM)

hébergé par l’Université Paris V - René Descartes ; responsable de la tâche d’évaluation des modes de commande et spécialiste de l’étude des modèles de contrôle moteur inspirés de la biologie.

Le laboratoire d’Ingénierie des Systèmes de Versailles (LISV EA4048), dépendant de

l’Universit é de Versailles –St Quentin ; responsable de la modélisation biomécanique et de l’étude cinématique du futur effecteur, travaillant depuis longtemps sur la bioinspiration des systèmes au niveau mécanique.

L’institut des Systèmes Intelligents et de Robotique (ISIR, FRE 2507), implanté à l’Université

Paris VI - Pierre et Marie Curie ; en charge de l’étude des méthodes de contrôle bioinspirées et de leur apprentissage, au faîte des technique de planification de mouvement pour les systèmes complexes (dont fait partie la main).

Le Laboratoire de Robotique et Mésorobotique (CEA –LIST) ; responsable du

dimensionnement et de la conception de la nouvelle main, dans la droite ligne de son savoir- faire établi maintenant depuis plus de dix ans.

La société FATRONIK France, responsable de la mise en œuvre et des tests réalisés sur la

main de nouvelle génération, mais intervenant aussi dans son instrumentation de par sa connaissance des nouvelles technologies.

L’objectif de ce projet était double : non seulement développer un mode de contrôle hybride, issu du regroupement de techniques d’optimisation de solution de manière explicite d’une part et de commandes inspirées du vivant d’autre part, mais aussi construire une nouvelle main artificielle profitant des dernières technologies, tant du point de vue de l’actionnement que celui de l’instrumentation.

Ces deux objectifs ont été réalisés : différents modes de contrôle ont été implémentés et testés sur le site expérimental décrit dans la section (3, c), et un rapprochement a été effectué entre ces modes dans le découpage des sous-parties du problème d’atteinte et de saisie. La main mécanique a pour sa part été réalisée et devrait faire l’objet d’essais sur site dans les prochaines années.