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Il a été évoqué précédemment que le cycle biogéochimique du silicium est le plus dynamique dans la couche éclairée de l’océan (zone euphotique) et qu’un atome de silicium subit en moyenne 25 cycles d’absorption biologique – dissolution dans l’océan superficiel avant d’être enfoui dans les sédiments (Tréguer & De La Rocha, 2013). Cependant, de nombreuses incertitudes demeurent quant à la quantification de ces flux, notamment en raison des difficultés analytiques rencontrées dans la mesure de la production et la dissolution de la silice biogénique.

La méthode de dilution isotopique du 30Si (Fripiat et al., 2009) permet de déterminer simultanément les taux de production et de dissolution de la BSi à partir du même échantillon. Après avoir enrichi artificiellement le stock de DSi en isotope lourd (30Si), le taux de production est estimé en mesurant l’augmentation de la proportion de 30Si dans le réservoir particulaire. Le taux de dissolution, quant à lui, est estimé en mesurant la diminution (ou dilution) de la proportion de 30Si dans le réservoir dissous liée à la dissolution de la BSi naturellement riche en 28Si (Fig. 1.1.).

Figure 1.1 Schéma conceptuel illustrant le principe de la mesure des taux de production et de dissolution de silice biogénique

par la méthode de dilution isotopique du 30Si. Les couleurs représentent les flux et les stocks dominés par le 30Si (en bleu) ou par le 28Si (en rouge).

Dans ce chapitre, nous avons optimisé avec succès cette méthode afin d’augmenter la sensibilité des mesures des taux de dissolution en pratiquant deux types d’incubations : des incubations « standards », avec un enrichissement en 30Si à 10% de la concentration initiale de H4SiO4 pour la mesure du taux de production ; et des incubations dites « sensibles », avec un enrichissement en 30Si

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à 100% de la concentration initiale de H4SiO4 pour la mesure du taux de dissolution (on double la concentration initiale durant l’incubation).

L’interprétation et la quantification de ces flux nous a permis d’établir un budget saisonnier du silicium dans la région naturellement fertilisée en fer du Plateau de Kerguelen. Cette région héberge en effet chaque année un développement important de diatomées et constitue un laboratoire naturel pour l’étude de l’impact du fer sur les cycles biogéochimiques du carbone, de l’azote et du silicium. Ainsi, à travers l’analyse de ces flux, nous nous sommes intéressés aux variations saisonnières de l’efficacité de la pompe de silicium, ainsi qu’aux processus contrôlant le découplage important entre les cycles du silicium et de l’azote observé dans cette région en fin de saison (Mosseri et al., 2008).

Résumé

Un développement massif de diatomées est observé chaque année dans les eaux de surface naturellement fertilisées en fer du Plateau de Kerguelen (Océan Austral). Nous avons mesuré les flux de production et de dissolution de la silice biogénique (respectivement ρSi et ρDiss) dans la couche de mélange à proximité du Plateau de Kerguelen durant la période printannière (campagne océanographique KEOPS-2). L’objectif principal est de comparer les résultats d’une station de référence « High-Nutrient Low-Chlorophyll » (HNLC) avec ceux des stations présentant différents degrés d’enrichissement en fer. Sur le Plateau, les taux de production de silice biogénique mesurés se trouvent parmi les plus élevés jamais reportés dans l’Océan Austral (jusqu’à 47.9 mmoles m-2 j-1), alors que même s’ils sont significatifs (en moyenne 10.2 mmoles m-2 j-1), les taux de dissolution sont généralement beaucoup plus faibles que les taux de production. Les rapports d’absorption (ρSi:ρC et ρSi:ρN) confirment également que les diatomées dominent fortement la production primaire dans cette région. Au moment de l’initiation de l’efflorescence, les rapports décroissants dissolution sur production (D:P) indiquent que la reminéralisation de la silice peut être responsable d’une grande partie du taux d’absorption de silicium (qui est alors relativement faible) et que le système tend progressivement vers un régime de production qui serait principalement lié à des sources externes d’acide silicique. De plus, en comparant les résultats des 2 campagnes océanographiques KEOPS (printemps 2011 et été 2005), nous pouvons suggérer qu’il existe une évolution saisonnière des processus découplant les cycles du silicium et de l’azote dans la région. En effet, la consommation des stocks d’acide silicique se déroule uniquement durant la phase de croissance de l’efflorescence, lorsqu’une forte production nette de silice est observée, contribuant ainsi à une plus grande consommation d’acide silicique en comparaison des nitrates. Plus tard dans la saison, le découplage

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entre le silicium et l’azote est principalement contrôlé par le recyclage plus efficace de ce dernier comparé au silicium. Les rapports d’absorption bruts (Si:N) sont plus élevés dans les régions riches en fer comparé à la zone HNLC, probablement en raison de la présence de communautés de diatomées différentes. Ceci suggère que la réponse des diatomées à la fertilisation naturelle en fer est plus complexe que ce que l’on pensait précédemment, et que les fertilisations naturelles en fer sur de grandes échelles de temps ne diminuent pas nécessairement les rapports d’absorption Si:N comme le suggère la « Silicic Acid Leakage Hypothesis » (SALH). Finalement, nous avons proposé la première estimation du budget biogéochimique du silicium sur le Plateau de Kerguelen, basée sur des mesures directes. Cette étude met en évidence que les régions naturellement fertilisées en fer de l’Océan Austral peuvent soutenir des régimes très importants de production de silice biogénique, comparables à ceux observés dans les systèmes hautement productifs comme les zones d’upwellings.

Ce chapitre a fait l’objet d’un article publié dans l’issue spéciale du projet KEOPS-2 (Biogeosciences) :

Closset I., M. Lasbleiz, K. Leblanc, B. Quéguiner, A.-J. Cavagna, M. Elskens, J. Navez, D. Cardinal (2014),

Seasonal evolution of net and regenerated silica production around a natural Fe-fertilized area in the Southern Ocean estimated with Si isotopic approaches, Biogeosciences, 11, 5827-5846, doi:10.5194/bg-11-5827-2014.

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TABLE OF CONTENTS

Abstract

I.1. Introduction

I.2. Material and Methods

I.2.1. Keops-2 sampling campaign

I.2.2. Sample collection, spike and incubation conditions I.2.3. Sample preparation and isotopic measurements

I.3. Results

I.3.1. Accuracy of the model, detection limit and standard deviation I.3.2. Physical, chemical and biological parameters

I.3.3. Biogenic silica production and dissolution rates I.3.4. Specific rates of production and dissolution

I.4. Discussion

I.4.1. Seasonality of the balance between silica production and dissolution I.4.2. Decouling between Si, C and N cycles in the Kerguelen area

I.4.3. Seasonality and budget of the silicon cycle above the Kerguelen Plateau

I.5. Conclusions

Acknowledgements

I.6. References

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Seasonal evolution of net and regenerated silica production around