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Afin de pouvoir isoler les différentes dimensions évoquées dans les quatre entretiens exploratoires menés, ces derniers ont été découpés et regroupés selon trois grands axes.

Dans un premier temps, à un niveau d’analyse plus large, je vais relever les réponses qui ont été faites aux questions d’ouverture proposées dans l’entretien (situations nouvelles, problèmes principaux). L’objectif principal de ce premier regroupement se traduit par la volonté d’outiller la recherche de photographies directement faites par les acteur·trices·s de leurs problématiques de terrain.

Dans un deuxième temps, à un niveau d’analyse plus spécifique, en lien avec les premières hypothèses, mon intérêt sera porté sur les sous-catégories qui mettent en exergue la gestion de situations de violence par les professionnel·le·s interviewé·e·s.

Plus particulièrement les hypothétiques distinctions faites entre les différents sexes et genres des populations prises en charge. Je recherche aussi à éclairer la présence d’un filtre interprétatif basé sur la masculinité présent dans les regards portés sur la violence, ce que j’ai appelé un prisme masculin. Découvrir aussi les éventuels stéréotypes de sexe et de genre présents dans les discours des personnes ressources.

Dans un troisième temps, afin que la dimension exploratoire des données soit préservée, certains thèmes, abordés en vrac dans les discours et qui n’entrent pas de facto dans les catégories d’analyse retenues précédemment, seront répertoriés dans l’optique d’être ultérieurement mobilisés.

Premier temps Situations nouvelles

Selon Chloé, même s’il lui est difficile de parler d’évolution puisque qu’elle n’est en place dans son poste que depuis deux ans, il apparaît quand même que pour des situations où il y a eu des placements pénaux, « (...) la notion d’altérité pour certains n’existe pas » (96). Les « identités qui ont été transmises par les grands frères, par la cité (...) c’est ça qui prévaut et c’est plus important que tout le reste » (100).

De son côté, Toufik trouve que le ratio entre les jeunes accueillis s’est modifié :

« Aujourd’hui, on a quand même (...) des jeunes qui sont dans une culture ado bien posée, mais vraiment tous avec une intolérance à la frustration extrêmement importante » (22). Contrairement à ce qui se présentait en son début de carrière, il y aurait actuellement plus de jeunes avec des troubles du comportement que de la personnalité. « Avec difficultés au cadre, problèmes de violence, de limites et tout ça » (18).

Pour Yvan, la consommation de drogues chez les jeunes, en particulier le cannabis, prend une prégnance importante ces dernières années. Même s’il semble qu’il y a des guerres d’écoles qui s’affrontent là autour, pour mon quatrième informateur, « (...) il y a une corrélation qui semble assez évidente entre la consommation de cannabis et les décompensations psychotiques » (34).

Problèmes principaux

Selon Chloé, le principal problème auquel elle se confronte dans son quotidien est le sentiment d’impuissance qu’elle peut avoir « face à certaines situations assez dramatiques. Situations tant familiales que de situations de jeunes qui n’ont pas de devenir, comme ça, a-priori » (54).

Pour Martine, il est plutôt question de parler de débandade. Elle entend par là tous les problèmes qui peuvent exister lorsque l’on laisse décider des adolescents. « (...) Débandade ça peut-être ça, des horaires n’importe comment, des violences entre elles, entre elles et nous » (33).

Deuxième temps

Gestion de situations de violence

Pour Martine, il est certain que « (...) les filles sont différentes que les garçons et puis qu’on travaille différemment » (63) en leur compagnie. Toutefois, pour Yvan, la gestion de situations de violence est identique dans son quotidien, s’il se trouve face

à un garçon ou une fille. Il indique que « (...) nous avons les mêmes réflexes, la même démarche » (108).

Distinction de sexe et / ou de genre

Selon ce que rapporte Chloé, certaines adolescentes fréquentant les institutions éducatives auraient les mêmes problèmes de comportements ou les mêmes attaques du cadre que les garçons. Selon les dires d’une de ses collègues, les filles peuvent faire preuve d’un « (…) comportement exacerbé de grande vulgarité » (136).

Toutefois, il est intéressant de souligner que tout comme deux autres informateurs, Chloé indique qu’il existe chez ces filles « (...) une capacité d’élaboration qui est assez grande (...) d’introspection et d’élaboration » (140). A l’inverse, « (…) cette partie là est moins prégnante chez des adolescents qui sont plus dans le passage à l’acte » (142).

Ce dernier avis semble partagé par Toufik qui trouve que « (…) les problèmes de comportements touchent plus les garçons que les filles souvent » (44). Selon ses dires, « (…) les filles manifestent plus de l’auto-agression que de l’agression projetée sur l’autre. De type adolescente scarifiée, avec des comportements à risques de type relationnels avec effectivement des comportements sexuels qui peuvent amener à des agressions, des choses comme ça » (66).

Cependant, selon Martine, « (…) les filles peuvent aller très loin dans tout, dans l’autodestruction et dans la violence. Elles peuvent aller très très loin, même plus loin que les garçons parfois » (65). En effet, toujours selon la même informatrice, les filles

« (…) sont tout autant violentes que les garçons, les filles sont tout autant irrespectueuses que les garçons, les filles commettent autant de délits que les garçons, mais elles se font moins attraper » (80).

Cette vision est partagée et synthétisée par Yvan qui indique que « (…) la violence existe aussi chez les filles » (86). Et cela même s’il constate que « (…) le recours à la violence [n’]est [pas] une démarche féminine, c’est plus une démarche masculine » (136). Toutefois, « la maladie elle nivelle un petit peu ça dans la mesure ou elle met dans des situations assez compliquées où on touche à des choses assez fondamentales » (138).

Prisme masculin

Certains propos factuels de Martine m’apparaissent teintés par ce que j’ai appelé un prisme masculin. En effet, cette dernière indique qu’elles (les jeunes filles) « (...) commencent à prendre des comportements et des codes masculins. Et là elles n’ont pas de limites. Les filles n’ont pas de limites et puis elles vont très très loin dans la violence et dans l’autodestruction » (71).

Stéréotypes de sexe et de genre

Il semble que le fait de vivre entre filles en foyer soit reposant pour les jeunes accueillies. Selon Martine, il y a « quelque chose de l’ordre de la féminité qui se travaille entre elles. (…) Très vite elles arrivent et elles sont peut-être moins

davantage, elles se donnent des conseils entre elles. Elles se pouponnent plus, se donnent des conseils » (47).

Dans un autre registre, pour Yvan, les filles ont moins recours à la violence que les garçons. Toutefois, ce dernier précise aussi qu’ « (…) il y a des filles agressives comme il y a des filles douces, il y a des garçons agressifs comme il y a des garçons doux. Simplement les codes de la société font qu’on a mis des stéréotypes parce qu’une fille agressive qui utiliserait ses muscles, c’est moins communément admis » (138).

Troisième temps

Chloé amène dans la discussion les thématiques de drogues et de phénomènes de gangs, ou encore la banalisation des différents passages des jeunes au centre de détention pour adolescent·e·s mineur·e·s la « Clairière », Toufik, quant à lui, parle beaucoup de la psychose chez les jeunes. Pour sa part, Yvan aborde la thématique de la sexualité des adolescent·e·s intra - extra muros de l’hôpital psychiatrique.