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Contamination des animaux d’élevage par la chlordécone

Contamination des animaux d’élevage par la chlordécone aux Antilles Françaises

2. Contamination des animaux d’élevage par la chlordécone

A l’aide de ces cartographies il est possible de mettre en évidence que près de 20 % de la SAU des îles antillaises sont pollués ; ce qui équivaut à presque la moitié de la SAU de la Basse-Terre pour l’île de la Guadeloupe.

2. Contamination des animaux d’élevage par la chlordécone

i. Production animale et consommation de produits animaux aux Antilles

L’élevage aux Antilles Françaises représente environ 20 % du chiffre d’affaire total de la production agricole (bovins, caprins, ovins et porcins) comme le montre le tableau 2 ci-dessous. L’élevage de ruminants est une composante majeure car il est présent sur 30 à 45 % de la surface agricole (Galan et al., 2009). En Guade-loupe, l’élevage traditionnel est de type extensif (Naves et al., 2001; Alexandre et al., 2012): il consiste à attacher un animal au piquet sur un site donné et de déplacer les piquets en fonction des ressources herba-gères. Cet élevage est pratiqué par 60 % des éleveurs de caprins, 90 % des éleveurs de bovins et certains élevages porcins patrimoniaux (Boval et al., 2012). Il existe cependant aussi des systèmes d’élevage quali-fiés de semi-intensifs à intensifs conciliant la conduite traditionnelle (animaux au piquet, monte naturelle, ventes occasionnelles) et la conduite productiviste (intensification du chargement, introduction partielle de génotypes croisés, structuration de l'exploitation) (Naves, 2003). De plus, une distinction importante est faite entre les éleveurs d’animaux de rente, associés aux différentes filières d’élevage (adhérents des coopé-ratives, allocataires déclarés à l’assurance maladie des exploitants agricoles…) et les détenteurs d’animaux de rente en dehors des circuits officiels. Ainsi, il existe une différence notable entre le nombre de détenteurs bovins connus des établissements départementaux d'élevage (EDE) et celui des détenteurs « actifs », c'est à dire ayant notifié, au minimum, un mouvement d’animaux au cours de l’année civile : naissance, vente ou mortalité (tableau 3).

Tableau 2: Bilan de la production animale et végétale aux Antilles Françaises(IEDOM, 2015)

Légende : *Var 14/13 : Variation des valeurs entre 2013 et 2014

2013 2014

en millions € Valeur % Part Valeur % Part *Var 14/13

Légumes 23,9 12,1 % 25,6 12,7 % 7,1 %

Fruits (dont bananes d’exportation) 75,1 38,1 % 82,7 41,1 % 10,1 %

Plantes industrielles (dont canne à sucre) 19,5 9,9 % 24,7 12,3 % 1,3 %

Divers (fleurs, plantes..) 27,7 14,0 % 19,7 9,8 % - 14,7 %

Total production végétale 155,4 78,9 % 162,5 80,6 % 1,3 %

Bétail (bovins, caprins, ovins, porcins) 30,9 15,7 % 25,5 12,7 % 0,6 %

Autres animaux 9,8 5,0 % 12,5 6,2 % -0,4 %

Produits des animaux 1,0 0,5 % 1,0 0,5 % 0,0 %

Total production animale 41,7 21,1 % 39,0 19,4 % 0,3 %

Tableau 3 : Dénombrement des exploitations et du cheptel bovin de la Guadeloupe et de la Martinique

(Galan et al., 2009)

Guadeloupe Martinique

Nombre de femelles adultes ( x 1000) 30 16

Nombre de détenteurs bovins dont actifs

10 900 2 300

7 400 1 900

Nombre de bovins abattus par an 8 200 5 000

Poids moyen des carcasses (en kg) 231 237

Comme indiqué dans le rapport ANSES de décembre 2017 (“Exposition des consommateurs des Antilles au chlordécone, résultats de l’étude Kannari,” 2017), les DAOA peuvent provenir de différents circuits de consommation. Dans ce rapport, les circuits d’approvisionnement cités sont : les abattoirs, l’autoproduction, les GMS, les marchés, les bords de route et les boucheries. La consommation annuelle de viande en Guade-loupe est estimée à 50 kg par habitant (Galan et al., 2008). De plus, la composition journalière en viande (viande + volaille) de la ration solide est de 6,31 % chez les adultes guadeloupéens et de 6,94 % chez les adultes martiniquais (“Exposition des consommateurs des Antilles au chlordécone, résultats de l’étude Kannari,” 2017). La majorité des viandes proviennent des importations comme indiqué par le tableau 4 qui suit. Il est important de préciser qu’actuellement peu de données sont disponibles concernant la production de viande caprine ou ovine. Concernant les habitudes d’approvisionnement alimentaire en Guadeloupe, le rapport de l’ANSES indique que les viandes hors volailles sont majoritairement achetées en boucherie ou GMS (58 %) mais que la part de l’autoproduction (24 %) et du don (16 %) reste non négligeable. A la Martinique, les GMS représentent quant à elle 67 % des approvisionnements. Cependant, la part de viandes consommées issues de circuits informels resterait un mode d’approvisionnement fréquent et non négli-geable.

Tableau 4: Statistiques de la production alimentaire de la filière animale guadeloupéenne en 2010 (DAAF, IEDOM, AMIG, IGUAVIE, ODEADOM) à partir de la thèse de Lastel, (2016)

Légende :

tec : tonnes equivalent carcasses. M.U. : millions d’unités. t : tonnes.

Productions animales

Abattages contrôlés ou

Production [AP] Importations [I]

Quantité Quantité

Bœufs 2 000 tec 4 389 tec

Porcs 1 269 tec 2 376 tec

Volaille de chair 139 tec 13 035 tec

Oeufs 45,8 M.U. 15 M.U.

Lapin 25 t 23 t

ii. Circuits contrôlés et non contrôlés

Les animaux présents sur les sols antillais pollués par la CLD peuvent se contaminer et par conséquent produire des matrices alimentaires à risque pour l’Homme. Différents plans de contrôle ont été menés afin de collecter des données de contamination des DAOA aux Antilles Françaises. Ces plans de contrôle ont été mis en place dans les abattoirs locaux afin d’évaluer la présence de CLD chez les animaux issus de zones polluées et de retirer si nécessaire les carcasses des circuits de consommation. Entre 2008 et 2010, les contrôles réalisés à l’abattoir départemental du Moule en Guadeloupe ont révélé la présence de bovins contaminés à fortement contaminés dans l’île (concentration de CLD dans les tissus adipeux péri-rénaux comprise entre 3 et 650 µg CLD kg-1 Matière Grasse (MG) et en 2011, près de 12 % des carcasses examinées présentaient des valeurs supérieures au seuil réglementaire de 100 µg CLD kg-1

MG fixé par l’Union Européenne (Lastel, 2016). Le rapport ANSES de 2017 (“Exposition des consommateurs des Antilles au chlordécone, résultats de l’étude Kannari,” 2017) a permis d’actualiser les données d’exposition à la chlordécone des populations mais aussi de présenter l’influence des modes d’approvisionnements sur les concentrations retrouvées de CLD dans les DAOA. Concernant les circuits contrôlés, ce rapport indique que 83 DAOA (en prenant en compte uniquement les DAOA de type agneau, mouton, cabri, bœuf, veau, porc et abats) sur les 1192 DAOA analysés présentaient un dépas-sement des valeurs réglementaires autorisées soit un taux de non-conformité de 6 %. Ainsi, les animaux présents sur les sols antillais pollués peuvent être contaminés par la CLD. Les circuits informels de type dons ou autoproduction contribueraient majoritairement à un risque plus important d’exposition des consommateurs à la CLD par comparaison aux circuits contrôlés. Aux Antilles Françaises, la production animale est un élément majeur de l’économie locale. Des données de contamination ont montré une contamination réelle et possible des animaux à la CLD. Les antillais s’approvisionnent principalement en viande via des circuits contrôlés (GMS) mais une part non négligeable provient des circuits informels non contrôlés (dons et autoproduction). Ainsi, afin de sécuriser les DAOA consommés par la population, il est nécessaire de maîtriser la contamination animale. La partie suivante présentera comment sécuriser les produits animaux pour réduire l’exposition humaine par la CLD. Cette sécurisation passe par une meilleure connaissance de l’exposition de la population humaine à la CLD, par l’application de normes réglementaires sur les produits animaux et enfin par la proposition de stratégies de décontamination des animaux.