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Chapitre III : Résultats et interprétations

3. Discussion : Analyse des facteurs influençant l’issue de l’enquête

3.1 Facteurs favorisant la résolution de l’enquête

3.1.2 Le contact physique

Si les compétences criminelles mises en application peuvent évoluer et varier suivant les crimes, ce n’est pas le cas de certaines caractéristiques qui sont inhérentes au

meurtre sexuel. La proximité physique entre l’agresseur et la victime est intrinsèque à un tel crime. En effet, le meurtre sexuel comporte un contact rapproché pouvant provoquer un transfert de résidus corporels (peau, salive, poils, sperme, empreintes, sang), de fibres (vêtements) ou laisser des marques physiques (contusions, ecchymoses, griffures, morsures). C’est ce qui se produit lorsque la victime est mordue par l’agresseur. La morsure donne aux enquêteurs un élément permettant d’identifier le meurtrier. En effet, l’empreinte dentaire devient un moyen de prouver la culpabilité d’un suspect, ce qui s’est produit, par exemple, lors du procès de Théodore Bundy. En outre, si le crime est l’œuvre d’un récidiviste dont les empreintes dentaires étaient déjà présentes dans une base de données policière, cela permet d’identifier le coupable ou, tout du moins, de générer un suspect. Ces différentes façons d’exploiter des traces de morsures sur le corps de la victime sont autant de raisons pour lesquelles les probabilités de résoudre un meurtre sexuel augmentent lorsque le meurtrier mord la victime.

Ce genre de traces est également observable lorsque la victime est battue par l’agresseur. Comme nous l’avons expliqué lors des analyses bivariées, battre la victime entraîne un grand nombre de traces laissées par l’agresseur. En effet, un tel acte de violence peut amener l’agresseur à laisser des indices tels que des cheveux ou des empreintes. Étant donné la violence des coups portés, il est également envisageable que le meurtrier se blesse ou, à tout le moins, conserve des traces de ses propres coups. En outre, il est possible que la victime essaye de se défendre en frappant, griffant ou mordant l’agresseur. Ces actes permettent aux policiers de prélever des résidus cutanés du meurtrier sur le corps de la victime (sous les ongles par exemple). Ces actes défensifs sont donc autant de moments où un transfert de résidus corporels peut se faire. Les résidus corporels de l’agresseur peuvent avoir un impact à deux étapes de l’enquête, à savoir l’enquête d’identification et la construction de la preuve. À l’inverse, il est également possible que les résidus corporels proviennent de la victime. Ce type d’indices a un impact sur la construction de la preuve. L’ADN de la victime apportera des informations s’il est retrouvé sur un lieu autre que celui où le corps a été découvert, comme dans le véhicule d’un suspect ou à son domicile. Malgré toutes les précautions

que pourrait prendre le meurtrier, ce type de comportement délictuel multiplie le nombre d’indices et facilite ainsi le travail d’enquête en fournissant des preuves.

De plus, le fait de pénétrer la victime de façon vaginale ou anale génère le même genre de résidus corporels, et ce, de la même façon que lorsque la victime est battue. La différence entre ces actes tient au fait que la pénétration peut conduire à l’émission de liquide pré- éjaculatoire, voire à l’éjaculation de l’agresseur. Comme nous l’avons vu, la présence de sperme est courante sur la scène de crime. Par conséquent, le nombre de résidus corporels susceptibles d’être prélevés par la police est plus important lors d’un coït que lorsque la victime est battue. On observe d’ailleurs que les pénétrations vaginale et anale sont des prédicteurs plus puissants de la résolution d’enquête que le fait de battre la victime. De plus, les possibles fantaisies sexuelles déviantes du criminel peuvent l’amener à négliger des techniques, comme l’utilisation d’un condom, limitant le transfert de résidus corporels. Enfin, ce point de vue est confirmé par le fait que la victime n’était ni battue ni pénétrée dans 19,66 % (35 cas sur 178) des meurtres résolus contre 49,43 % (43 cas sur 87) des meurtres non résolus (tableaux XV et XVI). Le fait de ne pas battre et de ne pas pénétrer la victime minimise le nombre d’indices sur la scène de crime et freine l’avancée de l’enquête.

Il semble que la production de preuves physiques exploitables par la police est inévitable lors du contact physique. Cependant, on a put observer dans les analyses bivariées que ces actes pouvaient ne pas avoir lieu. Après tout, le coït n’est observé que dans 29,9% des meurtres sexuels non résolus et la pénétration anale dans seulement 4,6% des meurtres non résolus. Malgré tout, dans la grande majorité des cas ce processus est présent puisque le sperme est retrouvé sur la scène de crime dans 71,3%. Ceci nous amène à nous questionner sur le peu de moyens employés pour limiter ou même détruire ces preuves physiques afin de limiter leur exploitation.

Par exemple, en ce qui concerne la pénétration et la présence de sperme sur les lieux du crime, on peut se demander pourquoi les meurtriers sexuels n’utilisent pas plus souvent de condom? La grande majorité des personnes savent que la présence de sperme permet d’identifier une personne. On peut supposer qu’il en va de même pour les meurtriers

sexuels. Malgré cela, l’excitation sexuelle ou les fantaisies sexuelles peuvent prendre le pas sur la rationalité associée à l’utilisation d’un condom. De plus lors d’agressions non préméditées, il est fortement possible que le meurtrier n’ait pas de condom sur lui.

Laver ou détruire le corps de la victime permet également d’empêcher la police de prélever ce genre d’indice. Dès lors, pourquoi ne pas le faire plus souvent? Comme on a pu le voir, la méthode la plus radicale, soit un incendie criminel, n’est employée que dans 2,3% des cas. De manière générale, il semble que le modus operandi durant la période post-délictuelle implique très peu d’actions. Le criminel agit comme si la préméditation ou les stratégies d’évitement n’allaient pas au delà de la mort de la victime.

Cependant, il est important de prendre en compte le fait que nettoyer ou faire disparaitre un corps est une tâche relativement compliqué. De plus, c’est une tâche qui implique beaucoup plus de coûts que de bénéfices. En effet, une fois le meurtre sexuel accompli, le principal bénéfice de l’agression est acquis. Détruire le corps de la victime apparaît alors comme une contrainte supplémentaire rapportant un bénéfice hypothétique (puisque détruire le corps n’assure pas à 100% de ne pas se faire appréhender par la police). De manière générale, détruire les preuves physiques est une contrainte importante et alourdit le coût de l’agression. Celle-ci prendra plus de temps et demandera plus d’efforts.

3.2 Les facteurs favorisant la non résolution de