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Chapitre III : Résultats et interprétations

1. Les différences entre les meurtres sexuels résolus et non résolus (analyses

1.6 Conclusion

À ce niveau de l’analyse, nous constatons qu’un nombre important de caractéristiques du modus operandi ne diffèrent pas entre les meurtres sexuels résolus et non résolus. En effet, seulement 12 variables sur les 56 que nous avons étudiées présentent des différences significatives (p<0,10) suivant l’issue de l’enquête. Ceci indique que de manière générale, les meurtres sexuels résolus se déroulent, du point de vue du modus operandi, sensiblement de la même façon que les meurtres sexuels non résolus. Il n’existe pas de grande diversité entre le mode opératoire observé dans une affaire résolue et celui observé dans une affaire non élucidée. Cela nous amène à penser que ces différences se situent au niveau de facteurs clé du modus operandi.

Une vue d’ensemble des actes sexuels composant le modus operandi montre que le meurtre sexuel est peu empreint de caractéristiques sexuelles. Concernant les meurtres sexuels non résolus, il est possible qu’une partie des très faibles fréquences, telles que celles des variables caresses ou de baisers, soit expliquée par la difficulté à déterminer l’occurrence de certains actes. Les pourcentages décrivant ces variables sont donc à considérer avec prudence.

Nous avons été surpris de voir que nos fréquences étaient inférieures à celle des études précédentes. Si certains résultats diffèrent de la littérature, ces différences sont principalement dues à la disparité des échantillons utilisés. En effet, les études décrivant les actes sexuels lors d’un meurtre sexuel disposaient d’un échantillon ne dépassant pas 40 individus. En outre, Gerard et coll. (2007) avaient utilisé un échantillon impliquant des victimes mixtes (hommes, femmes, enfants). Par conséquent, et étant donné la taille de notre échantillon, nous estimons que nos résultats représentent mieux le phénomène sexuel dans le cadre des meurtres sexuels. Il semble également que le pattern d’actes sexuels soit peu diversifié. En effet, plus de la moitié des fréquences de nos variables ne dépassent pas 2% des cas. Par conséquent, il apparaît que les meurtriers sexuels se limitent à un ensemble d’actes sexuels limité. Parmi ceux-ci, on observe que seul deux actes, le rapport sexuel vaginal et le rapport sexuel anal, semblent « classiques » dans un meurtre sexuel puisqu’ils sont observés respectivement dans 48,7% et 11,7% des cas.

Nous constatons que cinq variables présentent une différence significative entre les deux groupes : Baiser, caresses, pénétration digitale, rapport sexuel vaginal et rapport sexuel anal. De manière générale, ces faibles pourcentages d’actes sexuels nous amènent à nous questionner sur le caractère sexuel du meurtre sexuel.

Les analyses sur les actes de violence ont mit en exergue que quatre comportements présentaient une différence entre meurtres sexuels résolus et non résolus : Victime battue, victime mordue, utilisation d’une arme et coups de feu. De manière générale, nos résultats confirment également les précédentes études où, dans la grande majorité des cas, le meurtrier sexuel étrangle, frappe ou poignarde sa victime (Brittain, 1970; Dietz, 1986; Hazelwood et Douglas, 1980; Podolsky, 1965). Nous retenons que l’acte de violence le plus fréquent est celui de battre la victime. On l’observe dans 46,4% des meurtres sexuels. Battre la victime est considéré comme une réaction exagérée à la résistance de la victime. Nos résultats nous amènent à penser que cet acte est synonyme d’incapacité à utiliser un autre moyen pour maitriser cette dernière. Il semblerait que ce soit donc l’expression d’une forme d’inexpérience de la part du meurtrier. C’est cette inexpérience qui serait à l’origine de la différence entre les meurtres résolus et non résolus. Enfin, une arme est utilisée dans pratiquement un tiers des cas ce qui est en dessous des proportions trouvées par les études antérieures. De plus on peut dire que la plupart du temps, l’arme utilisée est une arme blanche. En effet, les coups de feu ne sont observés que dans 4.9% des cas. L’utilisation de ce type d’arme semble particulièrement associée à l’élucidation de l’enquête puisqu’elle n’est observée dans aucun des meurtres sexuels non résolus.

L’âge de la victime ne diffère pas suivant l’issue de l’enquête. La moyenne d’âge de notre échantillon se situe entre 29 et 30 ans ce qui confirme la plupart des études antérieures. De plus, on remarque que les victimes ayant autour de la vingtaine sont particulièrement fréquemment prises pour cibles.

Les stratégies d’évitement ne sont que rarement mises en œuvre. En outre, sur les douze variables que nous avions identifiées, seules l’utilisation d’un bâillon/bandeau, l’agression impliquant un vol et l’agression impliquant une infraction démontrent une

différence significative entre les deux issues de l’enquête. Ces résultats semblent indiqués que moins une victime est maîtrisée par des contentions, moins le meurtre a de probabilités d’être élucidé. Concernant les connaissances médico-légales, on observe l’absence de sperme dans 28,7% des cas. Il est étonnant de voir que les meurtriers sexuels se soucient aussi peu de laisser une preuve aussi importante sur la scène de crime. Cependant, étant donné que les trois quarts des meurtres sexuels non résolus impliquent la présence de sperme, il apparaît que la police ne profite pas toujours de ce type de preuve. Les fréquences des meurtres non résolus nous interrogent donc sur l’efficacité de l’utilisation de banques de données. En ce qui à trait aux variables de dissuasion restrictive réactive, elles sont peu souvent utilisées malgré l’apport sécuritaire qu’elles offrent pour l’agresseur. La dissuasion restrictive anticipée, quant à elle, n’est que très peu observée avec 6% des meurtres invoquant le démembrement de la victime. Pour terminer, l’expérience du criminel joue également un rôle important dans les stratégies d’évitement. L’agresseur emporte un objet de la scène de crime dans pratiquement 40 % des cas. Ce type de comportement nous amène à penser que dans ces cas, le meurtrier est probablement récidiviste et spécialisé dans les crimes sexuels. Pour terminer, une infraction est relevée dans 10,6 % des cas. De plus cette caractéristique est significativement plus présente dans les meurtres sexuels résolus. On peut penser que cela est du au fait que le vol ou l’effraction peuvent attirer l’attention de témoins.

De manière générale, le calcul coûts/bénéfices semble prendre fin après le meurtre de la victime. La mort de la victime apparaît comme un point de non retour au-delà duquel ce calcul n’est plus invoqué aussi fréquemment que dans les périodes pré-délictuelle et délictuelle. Ceci est confirmé par les très faibles fréquences d’observation des variables de maquillage de la scène de crime.

Enfin, concernant les variables spécifiques, on observe que certaines tendances se démarquent dans les meurtres sexuels résolus. L’agresseur et la victime se connaissent aussi souvent qu’ils sont étrangers, c'est-à-dire dans environ un tiers des cas chacun. La consommation d’alcool est courante puisqu’observée dans pratiquement un tiers des cas. Enfin, il semblerait aussi que les meurtriers sexuels utilisent la manipulation particulièrement fréquemment. C’est de loin la méthode d’approche la plus utilisée dans

les meurtres sexuels résolus. Même si les approches décrites ne représentent pas la totalité de notre échantillon, il n’en reste pas moins que ces résultats diffèrent des proportions de Rossmo. En outre, ce genre d’approche permet de mieux sécuriser la scène de crime. La manipulation donne l’opportunité à l’agresseur d’attirer sa victime dans un endroit ou les agents de contrôle social sont absents ou ne pourront pas intervenir. Il s’agit donc, dans une mesure relative, d’une forme de dissuasion restrictive réactive.

L’ensemble de ces résultats donne une meilleure idée des différences existantes entre les meurtres sexuels résolus et les meurtres sexuels non résolus. Ces différences, soulevées par les analyses bivariées, mettent en exergue certains questionnements ayant rapport à la sexualisation du meurtre sexuel ou encore à l’utilisation des bases de données par la police et à leur effet potentiel sur la résolution de l’enquête. Ces questionnements seront abordés et expliqués lors de la discussion. En outre, et malgré ces analyses, ce n’est pas parce qu’une variable présente des fréquences significativement différentes entre les issues de l’enquête qu’elle constitue un prédicteur de la résolution de celle-ci. La partie suivante décrit les analyses multivariées qui permettront de déterminer quels facteurs du modus operandi sont associés à la résolution de l’enquête.

2. Les facteurs de résolution des meurtres