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Apports de notre recherche

Chapitre III : Résultats et interprétations

3. Apports de notre recherche

La littérature existante n’avait pas encore étudié les facteurs de résolution d’enquête sous l’angle spécifique des meurtres sexuels. Cependant, des travaux annexes, portant, entre autre, sur les typologies des meurtriers sexuels, les facteurs d’aggravation du viol ou les facteurs de résolutions des homicides, nous ont permis de cibler certaines caractéristiques du modus operandi susceptibles d’augmenter les chances de résolution. Étant donné le relatif vide littéraire dans ce domaine, nous avons tenté de concilier une étude exploratoire avec la détermination de facteurs de résolution. De plus, nous ne disposions que de peu de comparaisons relatives à l’observation de nos variables puisque les actes sexuels, les actes violents et les stratégies d’évitement n’avaient été que brièvement abordés lors des études précédentes. Dans l’ensemble notre étude donne une meilleure idée du mode opératoire employé par les meurtriers sexuels. Elle pointe aussi le fait que le mode opératoire peut avoir deux effets potentiels sur le cours de l’enquête.

Certains actes favorisent son avancée alors que d’autres freinent celle-ci. La probabilité de résoudre un homicide sexuel dépend, d’une part, de l’habileté du meurtrier et, de l’autre, de la capacité des policiers à exploiter les erreurs de ce dernier. Enfin, notre étude permet de mieux comprendre comment les criminels réussissent, ou non, à commettre un meurtre sexuel sans se faire appréhender.

Comme nous l’évoquions plus tôt, un crime est parfait tant qu’il n’est pas résolu par la police. Ce sont les compétences et l’ingéniosité développées tout au long d’activités criminelles ainsi que l’habileté avec laquelle elles sont mises en œuvre qui tiennent en échec les forces de police. Les prédicteurs tels que l’utilisation d’une arme, l’agresseur emportant un objet, l’utilisation d’un bandeau ou d’un bâillon et l’agression impliquant une infraction traduisent les lacunes de ce genre de savoir-faire et augmentent les probabilités pour l’agresseur d’être appréhendé. De manière générale, et malgré les avantages que représentent les connaissances médico-légales de l’agresseur pour entraver l’enquête policière, on note que ces connaissances ne sont que rarement mises en œuvre. Le fait de faire disparaître un corps, par exemple, et même si cela nuit considérablement à l’avancée de l’enquête, nécessite une certaine expérience que tous les criminels ne possèdent pas. C’est cette absence de savoir-faire qui distingue les meurtres résolus de ceux qui ne le sont pas. Le meurtrier inexpérimenté semble moins conscient des mesures nécessaires afin de se protéger de l’appréhension. Ce manque d’information crée un déséquilibre dans la balance coûts/bénéfices ce qui l’amène à négliger certaines stratégies d’évitement. En outre, on observe que les individus moins expérimentés détectent plus difficilement les situations à risques pour eux même. Il semble donc que la dissuasion soit un phénomène qui touche plus souvent les agresseurs expérimentés.

Notre étude apporte également un nouveau point de vue sur les stratégies d’évitement. Ces techniques possèdent en effet un double tranchant. Si elles sont utilisées par un criminel inexpérimenté, elles peuvent lui poser des problèmes et avoir l’effet inverse de celui escompté. Par exemple, un meurtrier sexuel qui commencerait à démembrer sa victime sans avoir d’instruments approprié, de sac ou de véhicule pour transporter le corps aurait de grande chance de se faire prendre. De ce fait, il augmentera fortement les

probabilités d’être arrêter au lieu d’éliminer un grand nombre de preuves et d’ainsi éviter la détection. Il pourra également se faire prendre à cause du temps qu’il pourrait mettre à réaliser ceci. Il ressort de cela que les stratégies d’évitement permettent d’entraver l’enquête uniquement si le criminel sait comment les utiliser. Dans le cas inverse, ce type d’acte dessert le meurtrier en augmentant les chances qu’il se fasse arrêter.

De surcroît, nettoyer la scène de crime d’un meurtre sexuel s’avère particulièrement complexe. En effet, ce type de délits implique une proximité physique entre l’agresseur et la victime, ce qui produit des indices favorables à la résolution de l’enquête. Le nombre d’indices est décuplé lorsqu’il y a pénétration vaginale ou anale et lorsque la victime est battue ou mordue. Les preuves laissées sur la scène de crime ou sur le corps de la victime sont autant d’erreurs commises par l’agresseur qui sont exploitées par la police lors de l’enquête.

On se rend même compte que dans 75 % des cas, les agresseurs n’utilisent pas de condom pour commettre un meurtre sexuel puisqu’ils laissent des traces de sperme sur la scène de crime. Ce genre de résultat nous amène à penser que les stratégies d’évitement modifient considérablement le calcul coûts/bénéfices opéré par le criminel. Laver ou détruire le corps de la victime implique beaucoup plus de coûts que de bénéfices. De manière générale, détruire les preuves physiques est une contrainte importante et alourdit le coût de l’agression. La séduction du crime, développée par Katz (1988), l’emporte fréquemment sur la rationalité nécessaire afin d’éviter l’appréhension. Dès lors, la majorité des meurtriers sexuels ne mettent pas en œuvre les moyens suffisants pour faire disparaître des preuves et ainsi éviter l’appréhension.

Nous avons également mis en lumière que plusieurs dynamiques contraignent l’avancée de l’enquête. Nous avons relevé que la victime n’avait pas subi d’acte sexuel ni d’acte violent aussi souvent que nous aurions pu le penser. On observe même de très faibles fréquences d’observations dans les meurtres non résolus. Les faibles fréquences des ces actes limitent fortement la production des preuves physiques. Or, un acte violent ou sexuel augmente les chances de prélever ce genre d’indices et facilite le travail d’enquête en fournissant des preuves. À l’inverse, l’absence de ces actes diminue le nombre

d’indices avec lesquels les policiers pourront travailler et par conséquent les probabilités de résoudre l’enquête.

La seconde dynamique que nous avons soulevée est représentée par le fait que dans trois quart des cas, le profil génétique du coupable ne mène pas à la résolution de l’enquête. Ce genre de situation provoque l’explosion du nombre de suspects et handicape fortement les policiers dans leur travail d’investigation. Il est possible que les coûts ou le temps que nécessitent ces analyses expliquent en partie cette fréquence. Cependant, il nous semble plus probable que cela soit du au fait que les meurtres sexuels non résolus aient été commis par des criminels spécialisés qui ne sont tout simplement pas encore répertoriés dans la base de données. En outre, ces derniers auraient une forte tendance à récidiver et ainsi à augmenter leurs chances d’être fichés. Ceci nous amène à penser qu’il est important de réactualiser périodiquement les recherches de correspondances génétiques.

Enfin, on peut également penser que dans certains cas l’agresseur est un agresseur ou un meurtrier sexuel sadique sériel. De ce fait, il est possible qu’il soit assez expérimenté et qu’il ait commis d’autres agressions sexuelles. En outre, il semble qu’il soit spécialiste dans son activité criminelle sexuelle. De telles aptitudes délictuelles font de ce type d’individus des cibles difficiles à identifier et diminuent les chances de résoudre l’enquête.