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On présente ici la description de la Construction Grammaticale (§2.1), des constructions Syn- tagme (§2.2) et Paradigme (§2.3), et des constructions X construit (§2.2.2) et Syntagme X (§2.2.3). Toutes ces constructions n’ont pas réellement vocation à l’introduction de quelconques objets lors d’une analyse 97, mais uniquement de permettre l’organisation générale des objets

de la grammaire par la mise en commun des caractéristiques partagées.

2.1 Construction Grammaticale (CG)

La Construction Grammaticale (CG, fig. 6) est la racine de la grammaire : elle est donc la seule à n’hériter d’aucune construction. Elle est constituée d’au moins un objet Majeur, indexé

1 et de type quelconque (d’où sa mention sous forme de structure de traits vide, [ ]) 98, dont

elle récupère (dans ses informations intrinsèques) les informations syntaxiques. En outre, CG est définie comme faisant partie du domaine syntaxique.

Ce dernier point, ainsi que le précédent dans une moindre mesure, vient du fait que les construc-

97Concrètement, dans une implémentation de cette grammaire, il faut clairement interdire que les construc-

tions de cette section puissent être à l’origine de l’introduction d’objets, sous peine de se retrouver avec une explosion combinatoire évidente.

98La spécification de cet objet pourra par la suite être précisée plus localement, mais son index restera

CG intr. 2 6 6 4 id " dom syntaxe c.i. 1 # syn 1.syn 3 7 7 5 Majeur 1[ ]

Fig. 6 –La Construction Grammaticale (CG), racine de la grammaire.

tions que l’on décrit par la suite sont uniquement des constructions syntaxiques, et c’est la raison pour laquelle on a fait remonter cette information jusqu’à la racine de la grammaire ; mais on peut supposer que quand cette grammaire sera étoffée cette information devra redes- cendre dans la hiérarchie jusqu’au point au-dessus duquel les domaines pourront être variables. Le fait que notre grammaire ait une unique racine est également un effet secondaire de l’en- semble des constructions qu’elle contient dans son état actuel : on peut tout à fait concevoir qu’elle puisse nécessiter une (ou plusieurs) autre(s) construction(s) racine, présentant des caractéristiques différentes de celle-ci, et dont les constructions héritantes n’auront rien en commun avec celles que l’on présente dans ce qui suit 99

. Le fait de n’avoir qu’une unique racine à notre grammaire est un cas particulier et non pas une obligation.

De cette construction héritent immédiatement deux autres :

– D’une part les Syntagmes, qui sont des constructions syntaxiques (en l’occurrence, puisque l’on a défini notre domaine comme syntaxique uniquement) dont les constituants entre- tiennent des relations hypotactiques.

– D’autre part les Paradigmes, qui sont des constructions syntaxiques dont les constituants entretiennent des relations paratactiques.

2.2 Syntagme (Synt)

Les Syntagmes (Synt) sont, comme on vient de le dire, des constructions syntaxiques dont les relations entre les constituants sont hypotactiques (de même que les relations entre les constituants et la construction elle-même). Cela signifie qu’ils entretiennent des relations de dépendance syntaxique au sein desquelles l’un des objets est recteur, l’autre dépendant. La construction (fig. 7) hérite de CG. Elle ajoute aux caractéristiques héritées principalement des informations intrinsèques : on sait dans ce cas que la construction précédemment indexée

1 fournira à la construction son type (sous le trait id|nature), et occupera la fonction de

têtede la construction (visible sous le trait syn) s’il s’agit d’une construction lexicale ; sinon c’est la tête de 1 qui en fera office (qui, elle, sera une construction lexicale puisque la sélection

entre les deux se sera faite également au niveau d’analyse précédent, et ainsi de suite depuis le début de l’analyse).

A cela on ajoute une information extrinsèque, qui indique que les constituants disfluents (étiquetées EP-d) précèdent les constituants non-disfluents. Ceci fait écho aux études menées à ce propos (p.ex. [Blanche-Benveniste, 1987], [Pallaud, 2006]) qui indiquent une certaine régularité dans ce fait : les disfluences ont tendance à se produire en début de syntagme.

Synt heritCG intr. 2 6 6 6 4 id »

nature htype 1.type

i–

syn htête 1.tête ? : 1

i 3 7 7 7 5

Précédence EP-d≺ ¬EP-d

Fig. 7 – La construction syntagmatique générale, Syntagme (Synt).

2.2.1 La Tête comme spécificité des Syntagmes

Revenons sur ce que l’on vient de dire : tous les syntagmes ont une tête. Sur ce point, nous nous accordons parfaitement avec l’immense majorité des grammaires. Mais il y a pourtant une différence de taille dans les implications de cette affirmation : pour ce qui nous concerne, toutes les constructions syntaxiques ne sont pas des syntagmes. En effet d’après ce que l’on vient de voir, la construction Syntagme, celle qui a pour caractéristique de posséder une tête, n’est pas la seule construction syntaxique de notre grammaire : une autre hérite de CG, la construction Paradigme (sur laquelle nous revenons au §2.3 qui lui est consacré). Et le fait que nous ayons choisi de n’introduire cette tête qu’au niveau du Syntagme et pas plus haut dans la hiérarchie signifie, comme on peut s’en douter, que les Paradigmes ne portent pas de tête. Cette différence n’est pas en soi un différence de conception de l’analyse syntagmatique ; il s’agit d’une différence de conception de l’analyse syntaxique. Là où l’immense majorité des grammaires, fort judicieusement appelées syntagmatiques, réduisent l’analyse syntaxique à la constitution de syntagmes et in fine ont tendance à confondre les deux, pour notre part nous mettons un point d’honneur à considérer les deux dimensions, complémentaires et distinctes, de l’analyse syntaxique : syntagmatique certes, mais également paradigmatique. De ce fait, l’assertion selon laquelle tous les syntagmes ont une tête devient une caractéristique locale à la dimension syntagmatique, mais n’est pas généralisée en une constante syntaxique.

Pas de principes. — De cela résulte une autre différence avec de nombreuses théories concurrentes : comme on a eu l’occasion de le dire précédemment, notre grammaire n’est pas “guidée par les têtes” ; ceci est normal puisque toutes les constructions n’en portent pas nécessairement. Mais ceci a une conséquence directe, qui est que l’on n’utilise pas de “principes” pour gérer le passage des traits d’un objet à un autre : en l’occurrence, on n’a pas recours à un “principe des traits de tête” pour faire remonter la totalité des traits de la tête a priori à la construction : on a la possibilité de préciser une sélection des informations intrinsèques qui remontent de l’une à l’autre (et l’on peut généraliser ceci au point de le rendre équivalent à l’utilisation de principes), et c’est ce que l’on fait lorsqu’on indique dans une construction aussi

générale que celle de Syntagme le fait que la construction récupère les traits syntaxiques de sa tête p.ex., mais ce mécanisme n’est pas défini comme une donnée qui se placerait au-dessus ou au-delà de la grammaire, en tant que constante générale, i.e. en tant que “principe” tel qu’on l’entend dans ces modèles.

On a montré en première partie que pour formaliser une théorie en GP on avait besoin de définir deux ressources en l’espèce d’une grammaire et de la spécification des types de propriétés qui y sont utilisés. On vient de montrer ici l’une des conséquences de ceci : on n’a pas besoin d’ajouter à cela un ensemble de principes qui expliciteraient toute une partie du fonctionnement de la grammaire. Si l’on postule des caractéristiques qui ont une portée générale, et ce quel que soit le degré de généralité (i.e. même si l’on postule un certain degré d’universalité des caractéristiques linguistiques), alors on les indique dans les constructions les plus générales de la grammaire ; mais on n’a nullement besoin de les en séparer.

Nous avons dit plus haut que nous n’utilisions pas de principes, et avons donné l’exemple du “principe des traits de tête”, selon lequel les informations de la tête remontent progres- sivement le long de la structure. A ce propos nous pouvons noter que dans notre modèle, le passage des informations intrinsèques se fait toujours du constituant vers le constitué (du “bas” vers le “haut”) et jamais en sens inverse (du “haut” vers le “bas”). Cela vient du fait que notre grammaire n’est pas lexicalisée, et plus généralement du fait que l’on ne présume pas de la structure dans laquelle les constructions sont impliquées au sein même de leurs infor- mations intrinsèques. On n’a donc jamais besoin de faire “descendre” une information d’une construction à l’un de ses constituants.

Héritage du Syntagme. —De cette construction héritent deux types de Syntagmes : – D’une part les syntagmes (canoniquement) endocentriques, i.e. dont la catégorie est la même

que celle de leur tête. On leur donne l’appellation générale de X construits, X représentant la catégorie de leur tête. On aura par exemple des Adjectifs construits (d’étiquette Adj) comme très grand100

, des Noms construits (N) comme gentil chien101

, des Verbes construits (V) comme l’ai mangé 102

, etc.

– D’autre part les syntagmes (canoniquement) exocentriques, i.e. dont la catégorie est dif- férente de celle de leur tête. On leur attribue l’appellation générale de Syntagmes X, X représentant ici également la catégorie de leur tête. On aura par exemple des Syntagmes Nominaux (SN) comme le gentil chien, des Syntagmes Verbaux (SV) comme ai mangé un fruit, mais pas de Syntagmes Adjectivaux.

On décrit ces deux constructions dans les sections qui suivent.

100

Souvent appelé — à tort, selon nos définitions — “syntagme adjectival”.

101Ce que certains appellent “membre nominal”, ou même parfois “groupe nominal” par opposition au “syn-

tagme nominal”.

2.2.2 X construit (X)

Les syntagmes que l’on appelle “X construits” sont des constructions syntaxiques canonique- ment endocentriques, c’est-à-dire qu’elles portent la même catégorie que leur tête.

X heritSynt intr. 2 6 6 4 id 2 4 c.i. 1, 2

nature hcat 1.cat

i 3 5 3 7 7 5 Mineur 2[ ] Exigence 1 2 Fig. 8 –Le X construit (X).

Comme on le voit en fig. 8, les X construits héritent de la construction Syntagme (Synt), et portent comme on vient de le dire la catégorie de leur tête (précédemment indexée 1 plus haut

dans la hiérarchie). Puisqu’il s’agit d’objets complexes, par définition103

, le X construit porte également un autre constituant, Exigé par le premier, qui cette fois est mentionné (de manière sous-spécifiée comme pour la tête précédemment) dans les objets Mineurs, et indexé 2 (ce

qui signifie que toutes les constructions qui héritent de celle-ci, quand elles feront référence à l’index 2, feront référence à cet objet Facultatif ou alors au même qui aura été précisé plus

localement à l’aide du même index). Ce second constituant est mineur puisque sa présence implique l’introduction d’un syntagme de la même catégorie que l’autre constituant immédiat ; cela signifie que canoniquement cet objet indexé 2 sera une expansion de la tête et en tout

cas n’a pas d’incidence sur la nature de la construction. Enfin, on le mentionne dans la liste des constituants immédiats.

2.2.3 Syntagme X (SX)

Le Syntagme X est l’autre construction héritant de notre construction générale Syntagme. Elle rassemble les syntagmes canoniquement exocentriques, c’est-à-dire dont la catégorie est distincte de celle de leur tête.

SX

heritSynt

Fig. 9 –Le Syntagme X (SX).

La fig. 9 nous montre que mis à part son héritage, cette construction ne porte aucune in- formation localement définie. Notons toutefois que cela signifie que le Syntagme X hérite du Syntagme le fait qu’il porte, non pas la catégorie, mais tout au moins le type de sa Tête.

103Un “X construit” qui serait constitué uniquement d’un constituant X n’aurait aucun sens en termes d’ana-

Ici l’on ne spécifie pas d’objet Facultatif, parce que concrètement les Syntagmes X pourront être constitués soit effectivement d’une tête (Majeur) et d’un (ou plusieurs) objet(s) Mineur(s) (par exemple dans un SV, un Verbe mange et un SN un fruit), soit d’une tête et d’un autre constituant non pas Mineur mais Majeur (par exemple dans un SN, un Déterminant le et un N petit chien), soit encore par des objets seuls qui changent de paradigme (par exemple une Proposition uniquement constituée d’un SV je la mange).

2.3 Paradigme (Par)

Le Paradigme est la seconde construction qui hérite de la Construction Générale de la gram- maire. Comme on l’a dit, elle rassemble les informations concernant les constructions syn- taxiques dont les constituants entretiennent des relations paratactiques. Les constructions répondant à cette définition dans notre grammaire sont pour l’instant limitées aux Entasse- ments Paradigmatiques, i.e. coordinations et disfluences (cf. à ce propos le chapitre 11 qui leur est consacré) 104. Par heritCG intr. 2 6 6 4 id 2 4 c.i. 1, 2, ..., n

nature htype Pari

3 5 3 7 7 5 Majeur 1¬Par 2¬Par ... n¬Par Exigence x ⇒ y

Fig. 10 – La construction paradigmatique générale, Paradigme (Par).

En fig. 10 on voit que cette construction, en plus d’hériter de CG, y ajoute une information intrinsèque selon laquelle elle est de type Par (à la différence des Syntagmes, qui récupéraient le type de leur Tête). Contrairement aux constructions syntagmatiques et comme on l’a dit plus haut, celle-ci n’a effectivement pas de tête. Elle est constituée uniquement d’objets Majeurs (dont le nombre est indéterminé) qui sont tous des objets soit lexicaux soit syntagmatiques, i.e. ne sont pas des Paradigmes, et qui doivent être au minimum deux pour constituer une construction (d’où la mention de la propriété d’Exigence).

Informations syntaxiques des constituants. — Comme on le voit dans cette figure, on ne précise pas de relation intrinsèque syntaxique spécifique, ni entre la construction et ses constituants, ni entre les constituants eux-mêmes (pas de tête, pas de spécifieur, ni de dépendances). Il serait toutefois — du moins nous semble-t-il — intéressant d’en faire figurer, tout en gardant à l’esprit que ces relations ne seront pas les mêmes que les dépendances

104Mais on peut en envisager d’autres. Dans le cas contraire, on pourra fusionner les constructions “entasse-

ment paradigmatique” et “paradigme” en une seule construction “paradigme” dont hériteront directement les constructions qui héritaient de l’“entassement paradigmatique”.

syntaxiques des Syntagmes. Néanmoins nous n’avons pas, en l’état actuel de nos recherches, mis en évidence de relations que l’on pourrait mentionner ici, si ce n’est éventuellement une relation d’équivalence paradigmatique, qui serait à notre sens assez redondante avec le type même de la construction. Nous n’en faisons donc pas figurer pour l’instant.

Il serait également envisageable, et intéressant, d’ajouter à cela des informations d’ordre prag- matique, ou sémantique à constructions, parce que celles-ci sont assez typiquement le lieu d’effets de sens et d’effets pragmatiques notables, qu’il s’agisse de coordinations ou de dis- fluences. Encore une fois, faute de temps nous n’avons pas poussé notre recherche plus loin à ce propos mais ceci serait probablement l’un des compléments les plus urgents à apporter, afin de donner une dimension plus concrète à ces Paradigmes et de les intégrer avec plus de précision dans la grammaire et plus généralement d’en apporter une pleine justification dans la théorie sous-jacente.

Résumé

On a présenté ici la hiérarchie générale de la grammaire, et l’on a donné les descriptions des constructions de base qui la constituent, c’est-à-dire celles qui forment son squelette et qui rassemblent les informations générales de chacune des grandes classes de constructions syntaxiques. On a mis en évidence, à travers la présentation de ces constructions de base, l’une des dif- férences essentielles entre notre grammaire et la majorité des autres : toutes nos constructions syntaxiques n’ont pas nécessairement de tête. La raison de cela est que l’on considère les deux axes d’analyse syntaxique, i.e. non seulement syntagmatique (constructions dont les constituants entretiennent des relations hypotactiques, et qui portent une tête) mais aussi paradigma- tiques (constructions dont les constituants entretiennent des relations paratactiques, et qui ne portent pas de tête). La conséquence de cela est que notre grammaire n’est pas “guidée par les têtes”. Ceci a été également l’occasion de montrer que la mention d’éventuels “principes” qui sont des généralités linguistiques ne prend pas pas sa place en GP en-dehors de la grammaire, mais directement au sein de la grammaire. On a vu, dans la même idée, que ces constructions de base sont le lieu des indications très générales sur l’organisation des constructions, et que p.ex. c’est ici que l’on indique la contrainte selon laquelle les disfluences se produisent en début de syntagme (et non dans la description des disfluences elles-mêmes).