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Construction d’une base de données pluie-débit horaire française

Dans cette section, nous décrivons la constitution d’un échantillon de bassins versants français qui constituera la base de nos recherches.

2.2.1 Critères de sélection des débits

Nous avons cherché à constituer l’échantillon le plus large possible de bassins versants non-influencés. Météo France ayant mis gracieusement à notre disposition l’archive pluviomé-trique SAFRAN (cf. section 2.2.4) couvrant la France entière sur la période 1995–2005, la contrainte de disponibilité des données portait exclusivement sur les débits. La procédure suivie a donc été la suivante :

• Nous sommes partis d’une liste de 3054 stations hydrométriques répertoriéesà significa-tion hydrologiqueetsans influencedans la banque de données HYDRO.

• Nous en avons retenu 2950 ayant une surface supérieure à 10 km2— limite arbitraire pour l’approche globale —, et inférieure à 10000 km2— le travail au pas de temps horaire étant moins intéressant pour les très grands bassins1,

1De toutes façons, les très grands bassins ne posent généralement pas de problème en modélisation pluie-débit.

• Nous avons récupéré les données dedébits journaliers(QJM) pour ces 3054 stations sur 1995–2005, de façon à faire une présélection sur les stations disponibles à un pas de temps plus fin tout en limitant la quantité de données extraites. La requête a donné un résultat positif pour1284 stations(i.e., 1284 stations disposaient d’au moins une donnée sur cette période).

• Une seconde vérification de l’absence d’influences anthropiques a été effectuée pour ces 1284 stations. Pour cela, nous avons utilisé la base de données de barrages constituée parPayan(2007) : nous avons inventorié les stations situées à l’aval de chaque ouvrage puis, pour chacune de ces stations potentiellement influencées, nous avons fait la somme des capacités de stockage (en Mm3) à l’amont. Lorsque cette somme représentait plus de 10 mm de lame d’eau répartie sur le bassin versant, la station a été écartée (24 stations).

• La taille maximale des fichiers exportés depuis la B.D. HYDRO étant limitée, nous avons choisi de récupérer les données au pas de temps variable (QTVAR) pour les stations retenues, plutôt que le pas de temps horaire lui-même, de façon à limiter le nombre de requêtes et de fichiers à récupérer. Parmi la sélection faite d’après le pas de temps journalier, 1182 stations disposaient effectivement de données QTVAR sur la période 1995–2005.

2.2.2 Constitution des séries de débits horaires

La Figure 2.1 illustre le type de données QTVAR récupérées depuis la Banque HYDRO. Les débits horaires ont été reconstitués par interpolation linéaire du pas de temps variable et intégration sur chaque heure.

Nous n’avons retenu que les stations pour lesquelles moins de 50% des données de débit étaient manquantes sur chacune des périodes 01/08/1995 – 31/07/2000 et 01/08/2000 – 31/07/20051, de façon à pouvoir utiliser sans problème la procédure de calage-contrôle décrite au Chapitre 1. Le chiffre de 50% peut paraître élevé — il faut bien fixer un seuil —, mais en pratique il est largement suffisant pour caler et évaluer un modèle ; de plus, dans 80% des cas, le taux de lacunes est bien moindre (moins de 10%), comme illustré sur la Figure 2.2. On a constaté que le taux de lacunes était un peu plus élevé pour la période 2000–2005 : cela s’explique par le fait que certaines données récentes n’avaient pas encore été « versées » dans la Banque HYDRO à la date de l’extraction (Janvier 2006). Ce délai de versement, différent selon les DIREN, explique aussi la sous-représentation regrettable des stations de l’Arc Méditerranéen.

1On notera que cette condition est plus exigeante que celle d’avoir moins de 50% de lacunes sur la période totale 1995–2005.

15/11/2002 00:00

16/11/2002 00:00 Débitspécifiqueinstantanéq S(mm/s)

0 104 2 104 3 104 4 104 5 104 6 104 7 104 8 104 9 104 103

Cumul horaire

Cumul journalier

b b b b bb b bb bb b b b b b bbb b

bbbbbbbbb b b b b b b bb b b b b bbbbb b b b b bb b b b b b b

FIG. 2.1: Méthode de passage des débits instantanés aux cumuls par pas de temps : interpolation linéaire du pas de temps variable (QTVAR) puis intégration sur les intervalles choisis.

Exemple de la Barberolle à Barbières (V4015030), 10 km2(103mm/s⇔10 m3/s).

Pourcentage de lacunes dans la période (%)

0 10 20 30 40 50

Fréquencecumulée

0.0 0.1 0.2 0.3 0.4 0.5 0.6 0.7 0.8 0.9 1.0

01/08/1995 – 31/07/2000 01/08/2000 – 31/07/2005 01/08/1995 – 31/07/2005

FIG. 2.2: Taux de lacunes des séries de débits horaires par périodes (fréquence sur les 1040 stations de l’échantillon.

2.2.3 Extraction des contours des bassins versants

Une fois fixée la liste des stations choisies, les contours des bassins versants associés ont été extraits d’un Modèle Numérique de Terrain (MNT) au pas de 75 m. Ce travail colossal a été réalisé par J.L. Rosique, du CEMAGREF d’Antony. Les stations et contours des 1040 bassins versants retenus sont tracés sur la carte de la Figure 2.3, avec le MNT en fond.

N

100 0 100 200 km

FIG. 2.3: Échantillon de 1040 bassins versants français de surface comprise entre 10 et 10000 km2: contours des bassins et localisation des stations hydrométriques.

2.2.4 Constitution des séries de pluies horaires

2.2.4.1 Construction des pluies journalières de bassin

Les données de l’analyse SAFRAN (Système d’Analyse Fournissant des Renseignements Atmosphériques pour la Nivologie) ont été mises à notre disposition par Météo France sur la période 1995–2005. Historiquement, comme son nom le rappelle, ce système a été conçu par le Centre d’Étude de la Neige (Durand et al., 1993 ; Durand et al., 1995) pour améliorer l’estimation des précipitations en altitude. Il est aujourd’hui utilisé plus généralement pour analyser et interpoler les observations journalières de précipitations du réseau pluviométrique au sol de Météo France. Ce réseau est formé par les 1200 postes du réseau synoptique principal, auxquels s’ajoutent les nombreux postes du Réseau Climatique d’État (Le Moigne, 2002). Ce sont ainsi en moyenne 4100 observations journalières de pluie qui sont collectées sur l’ensemble du territoire (Figure 2.4), soit une observation pour 135 km2en moyenne.

BELOW 1

1 - 5 5 - 10 10 - 15 15 - 20 20 - 25 25 - 30 30 - 35 35 - 40 40 - 45 45 - 50 ABOVE50

FIG. 2.4: Cumul de pluie (mm) sur 24 h (du 14/02/2002 06TU au 15/02/2002 06TU) observé aux postes synoptiques et stations automatiques, y compris le RCE (Le Moigne, 2002).

Les observations de ce réseau très dense (cumuls pluviométriques entre 6h TU du jour et 6h TU du lendemain) sont ensuite interpolées par zones climatiques sensiblement homogènes (découpage SYMPOSIUM II, illustré Figure 2.5), en prenant en compte un gradient orographique dans chaque zone (par tranches de 300 m d’altitude). Les résultats sont ensuite moyennés sur une grille de 8×8 km2(Figure 2.6), qui est la résolution utilisée par le modèle de surface ISBA.

À partir de ce type de cartes de précipitations journalières, nous pouvons construire des pluies de bassin à partir de l’intersection de la grille SAFRAN et du contour de chaque bassin versant, et en affectant comme poids à chaque maille sa fraction à l’intérieur du bassin.

FIG. 2.5: Découpage SYMPOSIUM II de la France en 615 zones climatiquement homogènes (Le Moigne, 2002).

FIG. 2.6: Format des sorties de l’analyse SAFRAN (grille de 8×8 km2).

L’analyse SAFRAN fournit aussi des précipitations horaires mais elles sont obtenues indirec-tement : les cumuls journaliers sont désagrégés en fonction d’un modèle d’humidité du sol.

Nous préférerons, pour notre étude, une désagrégation basée sur des observations issues du réseau de pluviographes automatiques, dont la procédure est décrite au paragraphe suivant.

2.2.4.2 Désagrégation horaire des pluies de bassin journalières

Nous avons décrit jusqu’à présent la procédure nous permettant d’obtenir des pluies de bassin journalières. Pour les désagréger en pluies de bassin horaires, il faut avoir, pour

chaque journée, une fonction de répartition sur les 24 heures. Nous obtenons cette fonction de répartition à partir du réseau de pluviographes automatiques de Météo France.

On pourra se demander pourquoi nous n’avons pas utilisé directement ce réseau pour calculer les pluies de bassin horaires. Il y a deux raisons à cela : d’une part, ce réseau automatique télétransmis est nettement moins dense que le réseau journalier de la Figure 2.4. D’autre part, la corrélation spatiale entre les cumuls horaires décroît beaucoup plus rapidement avec la distance que la corrélation entre cumuls journaliers (i.e., même à densité du réseau constante, l’interpolation des cumuls horaires est souvent bien plus hasardeuse que celle des cumuls journaliers). Ainsi, pour éviter des problèmes de bilan en eau sur le long terme, nous préférons prendre comme cumuls journaliers les valeurs données par SAFRAN, et n’utiliser que ladynamiquedonnée par le réseau horaire.

Nous avons donc sélectionné 580 postes pluviographiques présentant moins de 15% de lacunes sur la période 1995–2005. Ce réseau, ainsi que les polygones Thiessen associés, sont présentés sur la Figure 2.7 : on notera la différence flagrante de densité avec le réseau de la Figure 2.4.

FIG. 2.7: Réseau de 580 postes pluviographiques horaires utilisés pour désagréger les cumuls journaliers issus de SAFRAN, et polygones de Thiessen associés.

Sur la base de ce réseau, nous calculons pour chaque bassin une moyenne pondérée de chroniques pluviographiques horaires, les poids étant définis par la surface de l’intersection entre chaque polygone de Thiessen et le contour du bassin (Figure 2.8, premier graphe en partant du haut). Ensuite, nous calculons la fonction de répartition pour chaque journée entre 06 h TU et 06 h TU du lendemain (deuxième graphe). Cette fonction de répartition est ensuite utilisée pour désagréger la chronique des pluies de bassin journalières (présentée

sur le troisième graphe), ce qui permet d’obtenir la série horaire finale (en trait plein sur le quatrième graphe).

Lorsque tous les pluviographes couvrant un bassin versant étaient indisponibles à une date donnée, nous avons gardé la répartition horaire donnée par SAFRAN (trait discontinu sur le quatrième graphe). Cette situation reste marginale.

Globalement, cette méthode tend à lisser la série initiale : les évènements « sous-captés » par le réseau automatique horaire sont amplifiés sur la base du cumul journalier vu par le réseau journalier, tandis que les évènements éventuellement « sur-captés » sont atténués. Bien évidemment, la prise en compte des effets d’advection entre postes (décalages temporels) dans la construction de la série pondérée permettrait d’améliorer encore la méthode.

(1)

(répartie de façon homogène au cours de la journée)

11/11/1996

FIG. 2.8: Méthode de désagrégation des pluies de bassins journalières : (1) Calcul de la moyenne des pluies horaires observées par les postes pluviographiques automatiques ; (2) Calcul de la répartition de ces pluies à l’intérieur de chaque journée ; (3) et (4) Utilisation de cette fonction de répartition pour désagréger la pluie de bassin journalière. Le graphe tout en bas montre la série obtenue comparée à la série horaire de SAFRAN (désagrégée d’après un modèle d’humidité du sol).

2.2.5 Constitution des séries d’ETP de bassin

Pour chaque bassin versant, trois séries d’évapotranspiration potentielle (ETP) ont été construites :

• une série d’ETP datées, calculées par la formule deOudin(2004),

• une série d’ETP non datées (interannuelles), calculées avec cette même formule,

• une série d’ETP de Penman non datées, construites d’après le réseau de 88 stations synoptiques de Météo France.

En pratique, nous utiliserons systématiquement les chroniques d’ETP non datées calculées par la formule de L. Oudin, qui est la plus robuste des trois.

2.2.5.1 Construction des ETP de Oudin datées et interannuelles

Oudin(2004) a proposé la formule suivante pour l’ETP journalière :

ETP(J)=





Re(ϕ,J) λ ρ

µTa(J)+5 100

siTa(J)> −5

0 sinon

(2.1)

Tadésigne la température de l’air (en ˚C),Rele rayonnement extraterrestre (MJ·m2·jr1), λla chaleur latente de vaporisation de l’eau (MJ·kg1) etρsa masse volumique (kg·m3).

Cette ETP n’est fonction que de la température de l’airTa et du rayonnement extraterrestre Re(lui-même fonction de la latitudeϕet du jour julienJ), par les formules suivantes (Allen, 1998) :

λ = 2.501−0.002361Ta (en MJ·kg1)

Re = 24×60

π Gscdrh

ωssin(ϕ) sin(δ)+cos(ϕ) cos(δ) sin(ωs)i

Gsc constante solaire = 0.0820 MJ·m2·min1 dr distance relative inverse Terre-Soleil ωs angle horaire au coucher de Soleil (rad) ϕ latitude (rad)

δ déclinaison solaire (rad)

dr = 1+0.033 cos

L’archive SAFRAN sur 1995–2005 comportant également les données de températures da-tées, nous avons pu calculer des cartes d’ETP à la même résolution (8×8 km2). Les ETP interannuelles ont été obtenues en calculant, pour chaque maille, les 365 températures moyennes interannuelles et en appliquant la même formule.

2.2.5.2 Construction des ETP de Penman interannuelles

Les ETP de Penman journalières interannuelles ont été obtenues par moyennes pondérées des ETP calculées aux 88 stations synoptiques de Météo France, selon la méthode des polygones de Thiessen décrites plus haut pour la pluie.

l

FIG. 2.9: Réseau Météo France de 88 stations synoptiques d’ETP.