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U NE CONSTITUTIONNALISATION A MINIMA AU SEIN DU TEXTE FONDAMENTAL

CHAPITRE PREMIER L’ÉMERGENCE D’UN DROIT GOUVERNEMENTAL

SECTION 1. LA FORMALISATION RENFORCÉE DE L’INITIATIVE LÉGISLATIVE DU GOUVERNEMENT

B. L’ AJOUT D ’ UNE DISPOSITION CONSTITUTIONNELLE SPECIFIQUE

2. U NE CONSTITUTIONNALISATION A MINIMA AU SEIN DU TEXTE FONDAMENTAL

Conscient que la constitutionnalisation de règles relatives à la phase pré-parlementaire du processus d’élaboration de la loi n’était pas un acte anodin, l’exécutif avait exclu, dans son avant-projet de loi constitutionnelle, « toute proposition qui pourrait constituer une contrainte

sur le travail gouvernemental, et plus particulièrement l’exigence d’une étude d’impact »225.

Le dispositif a finalement été introduit par le biais d’amendements226, mais il est assez

elliptique. L’article 39 alinéa 3 fait référence à des « conditions » de « présentation des projets

de loi », sans intégrer expressément la notion d’étude d’impact dans la Constitution227. Il s’agit

donc d’une « constitutionnalisation a minima »228 de l’obligation d’évaluation préalable. Le

222 Ley 50/1997, de 27 de noviembre, del Gobierno, artículo 22.2, Oficial del Estado, núm. 285 de 28 de noviembre

de 1997, p. 35087.

223 Loi sur l’Assemblée fédérale (Loi sur le Parlement) du 13 décembre 2002, 171.10, 62 p.

224 Idem ; A. Flückiger, Les racines historiques de la légistique en Suisse, Université de Genève, Séminaire de la

Commission européenne du 19 octobre 2007, Bruxelles, p. 17.

225 D. Ribes, « Le Comité Balladur, technicien expert du parlementarisme », RFDC, n° 5, 2008, p. 121.

226 Assemblée nationale, Rapport fait au nom de la Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de

l’administration générale de la République française sur le projet de loi constitutionnelle de modernisation des institutions de la Ve République, J.-L. Warsmann, 30 avril 2008, p. 4.

227 J. Sirinelli, « La justiciabilité des études d’impact des projets de loi », op. cit., p. 1368.

228 P. Blachèr, « Les études d’impact dans la procédure législative », in M. Philip-Gay (dir.), Les études

constituant a bien introduit dans la Constitution une disposition relative à la présentation de l’initiative législative (a), mais il ne s’agit que d’un article de renvoi à une loi organique, qui a été adoptée le 15 avril 2009 (b). Le dispositif est précisé par des textes internes au Gouvernement et dépourvus de valeur impérative (c).

a. L’ancrage constitutionnel de l’obligation d’étude d’impact

L’inscription de l’obligation d’étude d’impact dans un texte de valeur organique rendait indispensable une révision de la Constitution puisque les lois organiques ne font que préciser et compléter des articles de la Constitution. Elles trouvent donc nécessairement leur fondement dans une disposition du texte fondamental, ainsi que l’énonce le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 87-234 DC du 7 janvier 1988229.

L’adossement à la Constitution de la réforme de l’étude d’impact présentait également un intérêt symbolique. Dans les années 1990, l’introduction de nouvelles méthodes d’élaboration des projets de loi dans des circulaires conférait aux ambitions réformistes du Premier ministre une portée limitée au cadre gouvernemental. La révision de l’article 39 alinéa 3 de la Constitution, au contraire, a directement impliqué le Parlement dans la démarche d’encadrement de l’initiative législative du Gouvernement, ce qui a évité de « dissocier par

trop le volet gouvernemental et le volet parlementaire de la réforme »230. Elle témoigne d’un

attachement de ces deux acteurs du processus législatif à réformer profondément les conditions d’élaboration des projets de loi.

La référence à l’obligation d’étudier l’impact des projets de loi est cependant implicite, le terme d’« étude d’impact » n’apparaissant pas dans le texte fondamental. Le législateur constitutionnel a renvoyé à une loi organique le soin de spécifier la méthode à laquelle le Gouvernement est désormais tenu de se conformer.

229 Selon les juges de la rue de Montpensier, une loi organique « ne peut intervenir que dans les domaines et pour

les objets limitativement énumérés par la Constitution ». Cons. const., n° 87-234 DC, 7 janvier 1988, Loi organique

relative au contrôle du Parlement sur les finances des régimes obligatoires de sécurité sociale, JORF du 9 janvier 1988, p. 444, Rec. p. 26.

230 Premier ministre, Secrétariat général du Gouvernement, Rapport au Premier ministre du Groupe de travail

b. Le renvoi « sec » à la loi organique

La loi organique du 15 avril 2009231 a été prise pour l’application de l’article 39 alinéa 3

de la Constitution. Le renvoi à des lois organiques destinées à spécifier le contenu d’une disposition constitutionnelle présente l’avantage de préserver la relative brièveté du texte fondamental en dépit de révisions constitutionnelles multiples. Cette concision est cependant artificielle. Les lois organiques, quoique non inscrites dans la Constitution, en sont pourtant le prolongement. Elles bénéficient d’une constitutionnalité par renvoi232 et il est parfois souligné

qu’elles ont matériellement valeur constitutionnelle233. La technique se développe et la

Constitution multiplie aujourd’hui les renvois à la loi organique234. À l’instar de l’article 39

alinéa 3, certains sont destinés à encadrer la procédure législative. C’est le cas, en particulier, des articles 47 et 47-1 relatifs aux conditions d’adoption des lois de finances et de financement de la Sécurité sociale, qui énoncent que le vote de ces « projets de loi » se fait « dans les

conditions prévues par une loi organique ». L’article 39 poursuit cependant une démarche

sensiblement différente. En renvoyant à une disposition de valeur organique le soin de préciser les conditions de « présentation » des projets de loi, et non leurs conditions d’adoption, c’est- à-dire de vote par les assemblées, le constituant se place plus en amont dans le processus législatif.

En ne mentionnant pas le mécanisme d’étude d’impact à l’article 39, le Parlement constituant s’était réservé la possibilité d’ajouter, en tant que législateur organique, d’autres conditions de présentation235. La loi organique du 15 avril 2009236 contient ainsi, outre

l’exigence d’étude d’impact, une obligation de faire précéder les projets de loi d’un exposé de

231 Loi organique n° 2009-403 du 15 avril 2009 relative à l’application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution,

JORF du 16 avril 2009, p. 6528. Le texte contient en outre des dispositions précisant les articles 34-1 et 44,

respectivement relatifs aux résolutions parlementaires et à l’exercice du droit d’amendement.

232 A. Roblot-Troizier, « La place des lois organiques dans la hiérarchie des normes », in B. Mathieu et M.

Verpeaux (dir.), Les lois organiques et la mise en œuvre de la révision constitutionnelle, Dalloz, 2009, p. 36-37.

233 J. Benetti, « Les spécificités de la procédure d’adoption des lois organiques », in ibidem, p. 5.

234 La révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 a ainsi opéré quatorze renvois supplémentaires à la loi

organique. V. J.-P. Camby, « La répartition des compétences entre la loi organique, la loi ordinaire et le règlement des assemblées dans la mise en œuvre de la révision constitutionnelle », in B. Mathieu et M. Verpeaux (dir.), Les

lois organiques et la mise en œuvre de la révision constitutionnelle, Dalloz, 2009, p. 42.

235 P.-Y. Gahdoun, « L’amélioration de la fabrication des lois, entre rénovation et révolution », AJDA, 2008,

p. 1873.

236 Loi organique n° 2009-403 du 15 avril 2009 relative à l’application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution,

leurs motifs237. Les exigences inscrites dans la loi organique sur renvoi de l’article 39 alinéa 3

de la Constitution sont en outre précisées par des documents internes au Gouvernement.

c. Les précisions apportées dans des recommandations internes au Gouvernement

L’article 39 alinéa 3 de la Constitution et la loi organique qui le concrétise ont conduit à la production d’instructions internes destinées à expliciter la portée de ces règles de droit gouvernemental sans pour autant être, par elles-mêmes, sources de droit.

Parmi ces documents figure la circulaire en date du 15 avril 2009, qui s’attache notamment à accompagner la mise en œuvre au sein des ministères de l’obligation d’étude d’impact238. Il faut citer, en outre, les recommandations rédigées par des instances

administratives censées également guider la rédaction des textes normatifs, recommandations dont le contenu a été actualisé à la suite de l’adoption de la loi organique du 15 avril 2009. Il en est ainsi du guide de légistique, rédigé par le Secrétariat général du Gouvernement et le Conseil d’État, qui précise désormais le contenu de l’obligation d’étude d’impact239. Ce sont

cependant les « lignes directrices pour l’élaboration des études d’impact », rédigées par le Secrétariat général du Gouvernement, qui constituent le support privilégié pour la rédaction de ces documents au sein du Gouvernement240. Elles récapitulent précisément les attentes du

Secrétariat général du Gouvernement et sont mises à jour en fonction des modifications apportées à la loi organique et des interprétations de ces dispositions par le Conseil d’État et le Conseil constitutionnel241.

En dépit de sa concision, le dispositif de renvoi à la loi organique du 15 avril 2009 témoigne de l’inscription dans la Constitution de l’obligation d’étude d’impact des projets de

237 Loi organique n° 2009-403 du 15 avril 2009 relative à l’application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution,

article 7, JORF du 16 avril 2009, p. 6528 : « Les projets de loi sont précédés de l’exposé de leurs motifs ».

238 Circulaire du 15 avril 2009 relative à la mise en œuvre de la révision constitutionnelle (procédure législative),

JORF du 16 avril 2009, texte n° 5.

239 Disponible en ligne à l’adresse suivante : http://www.legifrance.gouv.fr/Droit-francais/Guide-de-legistique/I.-

Conception-des-textes/1.1.-Necessite-des-normes/1.1.2.-Etudes-d-impact.

240 Premier ministre, Secrétariat général du Gouvernement, Lignes directrices pour l’élaboration des études

d’impact, août 2014, 50 p.

241 Le terme de vade-mecum (ou de recommandation) apparaissait cependant plus adéquat que celui de « lignes

directrices » depuis que le Conseil d’État a suggéré que ce terme soit utilisé pour désigner les directives de

l’administration qui répondent à un régime juridique spécifique, in Conseil d’État, Étude annuelle 2013 : le droit

loi et, plus fondamentalement, de la formalisation d’un véritable droit gouvernemental. L’introduction simultanée de mécanismes de sanction du non-respect par le Gouvernement de ce nouveau droit confirme à la fois l’existence et le caractère contraignant de celui-ci.

§2.

L

A SANCTION DE L

INITIATIVE LEGISLATIVE DU

G

OUVERNEMENT

Le terme de « sanction » est polysémique, désignant tout à la fois la mise en œuvre de la règle juridique et la punition242. La sanction au sens de punition ne saurait constituer à elle

seule un critère de l’existence d’un droit relatif à l’initiative législative du Gouvernement. Au cas présent, l’introduction d’une procédure de sanction en cas de méconnaissance de l’obligation d’étude d’impact ne fait que confirmer l’existence d’un droit gouvernemental, déjà révélée par son inscription dans la Constitution. Le prononcé de la sanction est nécessairement précédé d’un contrôle du respect de l’obligation d’étude d’impact, dont la nature fera l’objet de développements spécifiques. À ce stade de la démonstration, il faut constater que l’existence d’une procédure de sanction participe de la formalisation de l’initiative législative du Gouvernement. La sanction de la non-conformité de l’initiative législative du Gouvernement aux règles auxquelles renvoie l’article 39 alinéa 3 de la Constitution peut être prononcée dans le cadre même du travail gouvernemental (A) ou bien par différentes instances indépendantes du Gouvernement (B).

A. L

E MAINTIEN D

UN MECANISME DE SANCTION INTRA

-

GOUVERNEMENTAL

Stricto sensu, le terme de « sanction » est inadéquat pour définir le mécanisme introduit

par la circulaire du 15 avril 2009. En l’espèce, d’un point de vue organique, le non-respect de l’obligation d’étude d’impact n’est pas sanctionné par une autorité tierce au conflit243, mais par

242 F. Terré, Introduction générale au droit, Précis Dalloz, 6e éd., 2003, p. 533.

243 L’existence d’une sanction est en effet révélée par la présence d’une norme fixant une règle de conduite et

d’une autorité, tierce au conflit, chargée d’appliquer la sanction. V. A. Laquièze, « Sanction », in D. Alland et S. Rials (dir.), Dictionnaire de la culture juridique, PUF, 2003, p. 1384.

le Gouvernement lui-même244. Le terme est cependant usité ici dans son acception la plus large,

au sens d’une mesure prise pour réprimer l’inexécution d’une règle. Le mécanisme de sanction interne introduit par la circulaire du 15 avril 2009 (2) reprend celui déjà été introduit dans les circulaires relatives à l’étude d’impact des projets de loi antérieures à la réforme de 2009 (1).

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