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CONSEQUENCES DE CES EVOLUTIONS SUR LE PAYSAGE COMMERCIAL

Dans le document La société urbaine au XXIe siècle (Page 118-121)

TRANSCRIPTION REALISEE PAR GWENDAL SIMON

5) CONSEQUENCES DE CES EVOLUTIONS SUR LE PAYSAGE COMMERCIAL

Les structures de l’appareil commerciale sont affectées à différents niveaux, d’abord sur le plan des acteurs qui dominent le secteur. Je pense que ces évolutions sont de nature à définitivement marginaliser le petit commerce isolé, pour ceux qui comptent encore sur les petits commerçants pour redynamiser le centre ville, ils devraient changer d’opinion parce que c’était, après trente ans de sélection naturelle si j’ose dire, une complémentarité avait réussi à s’instaurer entre ce commerce de masse en périphérie, pas cher avec celui des petits commerçants, différenciés, ciblés. Cela est en train de disparaître. Il n’y a plus de chasse gardée, parce que même les gros maintenant apprennent à travailler de manière chirurgicale avec des concepts sur n’importe quelle type de surface, sur n’importe quel type d’implantation. Les petits commerçants auront à faire face à la concurrence dévastatrice de concepts très spécialisés des opérateurs qui, eux, peuvent toujours bénéficier de la puissance d’achat, de l’efficacité logistique, de la force de communication etc. Au sein des groupes de distribution, je me fait du souci pour les groupements indépendants qui ont été les grands vainqueurs de la phase de croissance extensive (Intermarché, Système U, Sport 2000, Intersport, Bricorama), tout secteur confondu, parce qu’aujourd’hui, ils accumulent des handicaps par rapport à la capacité à mettre en œuvre des stratégies adaptées au nouveau système de croissance.

Autre incertitude sur les structures de l’appareil commercial, on en parle beaucoup actuellement, l’hypermarché. Figure emblématique de la grande distribution fordienne, est-il condamné par les évolutions que je viens de décrire ? Certains se sont mêmes amusés à chiffrer à quand fermerait le dernier hypermarché. Il est vrai que depuis trois ans, en gros, les chiffres ne sont pas très bon et c’est historique, pour la première fois, les hypermarchés reculent en terme de part de marché, notamment dans l’alimentaire face aux supermarché et à la proximité. Sur le non alimentaire, il y a plusieurs marché où ils reculent (l’habillement, le sport, le bricolage), ils ont reculé et aujourd’hui, la retraite est organisée, on réduit la surface dans un certain nombre de chaîne de supermarché. Est-ce qu’on a à faire à une petite crise conjoncturelle, (c’est le discours que tiennent les responsables de chaînes de supermarché évidemment) ou est-ce que c’est l’annonce d’un changement plus radical ? Si effectivement les hypermarchés doivent reculer, c’est le paysage commercial qui va se métamorphoser. Je pense qu’ils ont des handicaps sérieux aujourd’hui et qu’il va falloir apprendre à partager l’hégémonie avec des formes de commerces plus spécialisées. Fondamentalement, l’hypermarché souffre de son image et de sa réalité, la distribution de masse. Il est condamné par sa taille, il attrape tout, sans discernement, il ne peut pas, contrairement à d’autres formats plus petits, du jour au lendemain, devenir segmentant, différenciant parce que segmenter, cela signifie que pour capter une clientèle, c’est renoncer à une autre. Et on n’imagine

Auchan dira que ce n’est que les CSP +, et bien, ce n’est pas possible. Ce n’est pas assez en terme de population pour amortir des installations qui coûtent horriblement cher. Monoprix peut se dire, je fais les urbains, les fauchés etc. Quand on est plus petit, on peut être segmentant, accepter de ne plaire qu’à certains et déplaire profondément à d’autres. Au total, quand vous avez plein de gens qui, à l’extérieur, font du segmentant et arrivent à capter les gens qui trouvent leur compte dans les formules qui leurs sont proposées, c’est la formule généraliste qui perd des clients. Voilà pourquoi je me fais du souci pour les hypermarchés, de même par rapport à « achat pratique, achat plaisir », ils ne sont pas très pratiques finalement, ils ne font pas plaisir. Par rapport à l’immatériel, l’immatériel de l’hypermarché, c’est pauvre. Nous faire croire qu’ « Auchan, c’est la vrai vie », c’est pauvre par rapport à ce que peut faire Nature et Découverte, sans publicité d’ailleurs, et pourtant, il y a de l’immatériel dans leur enseigne qui est tout à fait considérable. Pour tout ces registres là, l’hypermarché est mal, il a toujours les vertus essentiels qu’il avait au départ, le prix bas (quoique il y a plus discounter que lui aujourd’hui) enfin prix bas sur un assortiment large et riche, logique de massification des achats, tout ça continue d’exister et c’est pour ça qu’il ne disparaîtra pas. Mais il va connaître une érosion de sa position dominante, ce qui risque de poser localement des problèmes de surcapacité et peut-être de fermeture de magasin. Sur le plan plus purement géographique, je pense que le commerce de périphérie a encore de très beau jours devant lui, que les forces qui ont poussé le commerce à la périphérie n’ont pas disparu du tout, la périurbanisation, l’amélioration de condition de mobilité des ménages, ce souci de massifier, tout ça n’a pas disparu, de même que les magasins ont souvent besoin de plus en plus d’espaces pour mettre en œuvre de nouvelles stratégies et c’est surtout en périphérie qu’ils doivent trouver ces espaces, avec des conditions de coûts acceptables. Par contre, je pense que les conditions sont réunies pour qu’on puisse envisager dans certaines conditions, peut-être la fin de l’érosion du commerce urbain et peut-être même l’amorce d’un certain retour, d’ailleurs certains indicateurs commencent à frémir. Pourquoi dire ça ? On pourrait déjà faire une observation sociologique, dire que le centre ville, ça a du sens pour les consommateurs, il y a l’authenticité, en phase avec l’expérience de la consommation. Je crois, plus fondamentalement que, si le centre ville à une opportunité de redémarrer, c’est que les grands distributeurs s’y intéressent enfin, ce qu’ils ne faisaient pas par le passé. Pourquoi cela ? D’abord d’un point de vue très prosaïque, ils n’arrivent plus à croître en périphérie, ils n’obtiennent plus les autorisations d’ouverture. C’est plus difficile le centre ville, ça implique d’aménager les concepts mais après tout, il y a un marché qu’on n’a pas occupé jusqu’à maintenant. Plus positivement, par rapport à des logiques de stratégies beaucoup plus segmentantes, plus différenciées, on se rend compte que l’environnement du point de vente est un levier de l’affirmation de la stratégie de l’enseigne. L’environnement commercial, être à côté d’une enseigne qui draine le même type de clientèle, c’est bien, ça fait un effet d’agglomération mais peut-être aussi l’environnement non marchand, qui donne une identité au lieu. L’identité du lieu peut rejaillir sur l’identité de l’enseigne. Entre une nationale, une entrée de ville, un centre commercial anonyme et un centre ville historique, ce dernier a cette capacité de générer une image, de drainer une certaine audience qui est favorable par rapport au type de stratégie que veut développer l’enseigne. Je pense que de ce point de vue là, pour certaines enseignes, qui étaient initialement spécialisées sur le commerce en périphérie, commencent à rêver de potentialités intéressantes, Leroy-Merlin, Decathlon et pourquoi pas, mais de manière très prudente, Leclerc ou Carrefour qui commencent à expérimenter une présence en centre ville, souvent avec des formats très différents d’ailleurs et ils mettent au service de la compétitivité du centre ville leur back-office, leurs centrales d’achat, les mêmes que celles qu’ils ont en périphérie. Le handicap de prix entre le consommateur entre le centre ville et la périphérie s’est sensiblement réduit et face à des consommateurs qui ont des demandes autres que simplement des coûts bas, le commerce de centre ville peut retrouver une certaine forme d’attractivité. Cela ne doit pas nous faire oublier que des forces de polarisation sont toujours à l’œuvre, le commerce continue toujours de s’organiser de manière polarisée. Un petite nouveauté,

gens, c’est en gros des grosses patates de commerces, et puis sur les traits qui relient les patates, entre les pôles fonctionnels des grandes urbanisations, des formes nouvelles de commerce qui se développent. Mais le gros de l’appareil commercial continue, lui, de se polariser. Le centre ville, s’il doit redémarrer, ce n’est pas un centre ville diffus, c’est un centre ville concentré sur une ou deux grandes artères, le reste continuera de se diversifier. Puis, mais c’est latent, il me semble que parallèlement à ce mouvement de polarisation, on assiste à un mouvement de spécification. Ces pôles ne sont pas que des pôles concurrents, qui se repartiraient le marché en fonction de la zone de chalandise, c’est à dire la localisation des consommateurs, ce sont de plus en plus des pôles qui auraient tendance à développer des vocations un peu spécifiques, des complexes thématiques et si c’est vrai (on commence à en voir quelques traces), là aussi l’association marchande-marchand acquerrait une dimension très importante, parce que pour affirmer la vocation thématique d’un pôle très commercial, son environnement immédiat, notamment la présence d’infrastructures publiques, équipements sportifs, musées, contribue à donner l’image thématique au pôle et à susciter l’audience que cherchera à valoriser le commerçant. Un paysage commercial qui commence à se transformer de manière assez radicale, quelque chose qu’il faut suivre parce que ces évolutions sont lentes, notamment sur le plan de la géographie plus que sur le plan de la stratégie d’enseigne, je pense que sur les réflexions sur l’avenir des territoires, il faut intégrer que la donne est en train d’être redéfinie très sérieusement dans le monde du commerce.

Dans le document La société urbaine au XXIe siècle (Page 118-121)